15 décembre 2022

« Un beau projet qui peut ouvrir les yeux aux gens » : au lycée Nicolas Appert, une classe de seconde créé un média pour lutter contre la haine en ligne

À l'automne 2022, la classe de seconde 208 du lycée Nicolas Appert a été accompagnée par l'association Fragil dans la création d'un média sur la plateforme Instagram. En cinq séances de 2h, les élèves ont découvert la pratique du journalisme.

« Un beau projet qui peut ouvrir les yeux aux gens » : au lycée Nicolas Appert, une classe de seconde créé un média pour lutter contre la haine en ligne

15 Déc 2022

À l'automne 2022, la classe de seconde 208 du lycée Nicolas Appert a été accompagnée par l'association Fragil dans la création d'un média sur la plateforme Instagram. En cinq séances de 2h, les élèves ont découvert la pratique du journalisme.

« Monsieur, pourquoi on déteste les journalistes ? », Elias n’est ni timide ni avare de questions, et ça tombe bien car les ateliers proposés par Fragil lui ont permis d’exprimer sa curiosité. Pendant cinq lundis (quasi) consécutifs, l’association d’éducation aux médias est intervenue dans sa classe de seconde pour créer un média, sur Instagram. Financé par la DRAC, cette action s’inscrit dans la continuité du projet « un média pour lutter contre la haine en ligne » amorcé en 2021 avec plusieurs lycées. Pour la deuxième année consécutive, une classe de seconde de l’établissement orvaltais Nicolas Appert a donc découvert et questionné la pratique du journalisme en réalisant des reportages autour de la thématique des discours de haine sur internet. Après le média « Appersecution » créé en 2021-2022, voici donc « To Zero Hate » pour la saison 2022-2023.

Comprendre le sujet de la « haine en ligne »

Avant de parler de journalisme, un premier atelier de deux heures a été dédié à une réflexion autour des discours de haine en ligne. À travers plusieurs temps de discussions et de débats, la classe a pu échanger autour des notions de cyber-harcèlement, de désinformation, de « haters », de « trolls », mais aussi des discriminations subies par certaines catégories de personnes, notamment sur internet. Sexisme, homophobie, racisme, transphobie… autant de thématiques qui ont pu être abordées et définies par les élèves dans leurs échanges avec l’animateur de Fragil.

Découvrir la pratique du journalisme

Lors du deuxième atelier, les élèves ont pu s’initier au journalisme à travers des activités courtes : écrire un petit article en répondant aux questions de base « qui quoi où quand comment pourquoi », préparer des questions pour un ou une autre élève sur un domaine que seul·e lui ou elle connait puis réaliser l’interview en enregistrant, ou encore aller prendre des photos précises pour illustrer un sujet dans leur lycée. À l’issue de cette formation expresse, les élèves ont pu réfléchir au choix de leurs sujets en lien avec la ligne éditoriale de leur futur média: « la lutte contre la haine en ligne ». Ainsi, des groupes se sont former pour aller interviewer des journalistes concernant leur rapport à la désinformation, des victimes de cyber-harcèlement pour comprendre ce qu’elles ont vécu, des femmes victimes de sexisme en ligne, des personnes trans victimes de transphobie sur les réseaux  ou encore des personnes qui luttent contre le racisme en ligne. Les élèves, en autonomie complète ont dû identifier et contacter par leurs propres moyens toutes ces sources potentielles. Un exercice parfois difficile quand « c’est compliqué d’avoir une réponse aux mails », mais qui permet « d’apprendre à prendre contact avec des gens ».

Trouver un nom de média qui fédère

Invitée par l’animateur à réfléchir sur le nom de son média, la classe a été divisée en petits groupes. Les ados ont alors trouvé des noms plus où moins poétiques : « Cyberhate » « Hainews », les débats s’enlisent et puis… « En fait en anglais, le numéro de la classe 208 ça fait Two Zero Eight, ça ressemble à Zero Hate », ça semble trop beau pour être vrai, mais la remarque lancée par une élève tape dans le mille. Cette proposition de nom de média qui prend en compte à la fois la ligne éditoriale du projet, à savoir « la lutte contre la haine en ligne », et un élément commun du groupe d’élèves, fera l’unanimité dans la classe après une courte phase d’argumentation : ce sera « To Zero Hate ».

Agrandir

20221121_085058-scaled
La réflexion autour du nom du média

Organiser un planning de sortie d’articles

Dans ce groupe de 25 élèves, c’est une douzaine de reportages qui est en préparation. Comment organiser la publication des futurs posts ? Un groupe de quelques élèves propose la création d’un planning s’étalant de mi-décembre à fin janvier. Chaque semaine deux reportages seront publiés sur le compte, avec un engagement de chaque groupe à respecter sa date de publication.

Faire la promotion de son média

« On pourrait demander à des influenceurs de partager le compte ? », évidemment, les élèves voient grand quand il s’agit de faire la promotion de leur création. Mais ils se confrontent vite à la réalité : le média a peu de publications, peu de followeurs, et la classe n’a pas de budget à investir dans de la publicité. Avoir un relai du compte sur la page d’Inoxtag relèverait du miracle. Alors un groupe dans la classe réfléchit a des actions de promotion réalisables pour que le compte To Zero Hate trouve son public, à savoir des lycéens et des lycéennes : « on va faire des affiches et les coller dans le lycée », « on va en parler autour de nous », « on en parlera sur nos comptes Instagram persos »… les idées fusent et montrent que les élèves ont envie de partager leur réalisation.

Agrandir

Firefox_Screenshot_2022-12-15T13-42-17.503Z
Une interview réalisée par les élèves

Un atelier qui atteint ses objectifs

À l’issue des cinq ateliers, et même si aucun reportage n’est encore publié, conformément au planning prévu, la classe est ravie et fière de son travail. Sarah a été très intéressée par le projet qui lui a permis d’interviewer une artiste victime de cyber-harcèlement. Léonie et Lisa ont pu interpeller des adultes sur l’ampleur du sexisme en ligne, Ilann et Titouan ont pu poser des questions à l’une des rédactrices en cheffe de Ouest-France. Et même si certains avouent ne « pas avoir compris l’objectif du projet », nombreux et nombreuses sont les élèves qui ont souligné avoir compris « comment font les journalistes pour faire des reportages ».

« C’est un très beau projet, qui peut ouvrir les yeux à des gens », nous confiera même une élève en guise de conclusion.

Et Elias dans tout ça ? En écrivant un article qu’il a qualifié « d’imprécis », il a pu répondre par lui-même à la question qu’il se posait concernant le sentiment de rejet de la population vis à vis des journalistes  : « En fait on n’aime pas les journalistes, parce qu’on ne se rend pas compte à quel point c’est dur de retranscrire parfaitement la réalité ».

FALLOPES : mettre en scène la mémoire d'une génération

Yolande Brun à l’Espace Cosmopolis

Festival des 3 Continents : vivre le cinéma autrement en offrant un hébergement chez soi

Chargé de projets numériques et médiatiques chez Fragil depuis 2017, musicien, auteur, monteur... FX est un heureux touche-à-tout nantais. Il s'intéresse aux musiques saturées, à l'éducation aux médias, aux cultures alternatives et aux dystopies technologiques.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017