10 juin 2025

Stand-up – Hugo Le Van : « aller déranger ceux qui ne le sont pas »

Jeudi 29 mai, sous le chapiteau du festival Euphoria, huit humoristes montent sur scène pour un moment de stand-up à 360°. Un format immersif porté par trois structures nantaises aux horizons culturels Parmi les têtes d’affiche : Hugo Le Van. L’humoriste de 24 ans alterne aujourd’hui entre Nantes et Paris, où il tient chaque semaine une chronique engagée sur Radio Nova, dans l’émission La Riposte.

Stand-up – Hugo Le Van : « aller déranger ceux qui ne le sont pas »

10 Juin 2025

Jeudi 29 mai, sous le chapiteau du festival Euphoria, huit humoristes montent sur scène pour un moment de stand-up à 360°. Un format immersif porté par trois structures nantaises aux horizons culturels Parmi les têtes d’affiche : Hugo Le Van. L’humoriste de 24 ans alterne aujourd’hui entre Nantes et Paris, où il tient chaque semaine une chronique engagée sur Radio Nova, dans l’émission La Riposte.

« C’est à Nantes que j’ai tout appris du métier ». Hugo Le Van nous le confie juste avant de monter sur la scène à 360° du festival Euphoria. Installée sous un chapiteau au cœur de l’île de Nantes, la scène Euphoria proposait, le jeudiu 29 mai dernier, un cadre immersif entouré de public sur tous les côtés, pour une soirée dédiée au stand-up au sein d’un festival qui mêle techno, hip-hop et humour.

Avant de devenir chroniqueur hebdomadaire sur Radio Nova, c’est au Micro Comedy Club, quai de la Fosse, que le jeune humoriste nantais a fait ses armes. Il y jouera toutes les semaines pendant plusieurs années.

Un ancrage local déterminant

Hugo Le Van a commencé le stand-up à 14 ans. À 17 ans, il s’installe à Nantes et se professionnalise. Des premières scènes aux chroniques engagées, son parcours évolue, porté par une ville qui l’inspire. Aujourd’hui, à 24 ans, il alterne entre Nantes et Paris, où il a joué sur de grandes scènes comme le Jamel Comedy Club, et intervient désormais chaque semaine dans La Riposte, l’émission d’Akim Ohmiri sur Radio Nova. Il y aborde des sujets tels que le féminisme, les violences policières, ou encore la politique dévastatrice menée par le gouvernement israélien contre le peuple de Palestine.

« Le public nantais est très politisé, très à gauche. Si j’avais débuté à Lyon, peut-être que je serais un humoriste raciste qui fait des accents. »

Hugo Le Van raconte avoir beaucoup traîné dans les soirées nantaises, notamment au Macadam. « Dans ces soirées-là, tu apprends le partage, la tolérance. C’est de là que me vient mon ouverture d’esprit. » Il y découvre une diversité humaine, particulièrement autour des questions de genre, qui façonne son regard sur le monde.

Pour celui qui a débuté dans l’humour sans être explicitement politisé, le public nantais a joué un rôle dans son engagement. D’après lui, les attentes de cette audience l’ont poussé à se politiser. Il constate que tous les humoristes nantais·es ne le sont pas, mais que la sensibilité du public les y encourage : « Le public nantais est très politisé, très à gauche. Si j’avais débuté à Lyon, peut-être que je serais un humoriste raciste qui fait des accents. »

Photo de Hugo Le Van

Hugo Le Van lors de la réalisation d’une de ses vidéos, dans le centre-ville de Nantes.

L’indignation comme moteur comique

D’origine asiatique, Hugo Le Van revient aussi sur les discriminations subies dans son enfance. Une colère qui se transformera peu à peu en engagement. Il commence à réaliser des vidéos à Nantes, d’abord pour remplir ses spectacles, puis avec une portée plus politique.

Il s’interroge sur son rôle : faire rire pour briller ou faire rire pour éveiller ? « J’ai un micro, je parle devant 80 personnes. Est-ce que j’en profiterai pas pour être militant à ma manière ? » assume l’humoriste. Le tournant s’opère notamment après l’affaire Nahel. Il réalise des vidéos plus politiques, où il est très critique à l’égard de la police. Des vidéos qui lui auront valu des menaces de la part d’un policier, en plein contrôle d’identité à Commerce. Ce moment marquera Hugo, qui prendra conscience de la portée de ses mots, renforçant son envie « d’aller déranger ceux qui ne le sont pas ».

Hugo Le Van considère « la comédie, comme de la tragédie avec du temps » et le stand-up comme une manière de transformer la colère en dérision. Il n’écrit pas à partir de choses légères, mais des sujets souvent douloureux qu’il choisit de tordre pour en faire des vannes. Son style est incisif, insolent, et se nourrit d’une défiance profonde de l’autorité. Il se rappelle de ses camarades de classe, en échec scolaire, qui par leur insolence, formulaient une critique légitime du système éducatif : « ils disaient des vérités que je ne pouvait pas dire à l’époque, de peur de l’autorité. »

Ce besoin de défier l’autorité, Hugo Le Van le transforme en outil de narration. Sur scène, personne ne lui impose de ton, ni de direction. Il le dit lui-même : « quand je monte scène, personne ne me dit quoi faire, quand je joue mon cachet est déjà payé. »

Photo de la scène Euphoria

Dans le cadre du festival Euphoria, une scène 360° sous un chapiteau pour une soirée stand-up

Festival Euphoria : un choix artistique plus qu’un manifeste

Le format du festival, mêlant concerts et stand-up, s’est révélé judicieux. Hugo souligne que l’humour attire un public à des créneaux moins propices aux concerts, comme un jeudi soir à 20h par exemple.

Mais alors que l’on aurait pu espérer une prise de position politique plus marquée – notamment face aux coupes budgétaires régionales dans la culture – les réponses obtenues n’affichent pas de convergence des luttes ou de positionnement face à la politique culturelle de Christelle Morançais. Pour cause : aucune des trois structures organisatrices n’était subventionnée par la Région avant les coupes.

Si l’ADN des structures comme Paco Tyson ou Krumpp revendique une identité artistique forte, elles ne se présentent pas explicitement comme des espaces militants. L’effort semble se porter davantage sur la programmation – inclusive, diversifiée – que sur la contestation, dessinant malgré tout les contours d’un espace culturel exigeant, qui veille à ne pas laisser de place aux oppressions, « les directeurs artistiques ont fait en sorte qu’il n’y ait aucun terreau malveillant : pas de racisme, de sexisme ou d’homophobie », souligne Hugo Le Van

Lien:

Instagram : @hugolevan

Un nantais de 28 ans engagé. Intéressé par la presse et les médias indépendants depuis de nombreuses années, sa récente intégration à Fragil n'est pas un hasard.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017