« C’est à Nantes que j’ai tout appris du métier ». Hugo Le Van nous le confie juste avant de monter sur la scène à 360° du festival Euphoria. Installée sous un chapiteau au cœur de l’île de Nantes, la scène Euphoria proposait, le jeudiu 29 mai dernier, un cadre immersif entouré de public sur tous les côtés, pour une soirée dédiée au stand-up au sein d’un festival qui mêle techno, hip-hop et humour.
Avant de devenir chroniqueur hebdomadaire sur Radio Nova, c’est au Micro Comedy Club, quai de la Fosse, que le jeune humoriste nantais a fait ses armes. Il y jouera toutes les semaines pendant plusieurs années.
Un ancrage local déterminant
Hugo Le Van a commencé le stand-up à 14 ans. À 17 ans, il s’installe à Nantes et se professionnalise. Des premières scènes aux chroniques engagées, son parcours évolue, porté par une ville qui l’inspire. Aujourd’hui, à 24 ans, il alterne entre Nantes et Paris, où il a joué sur de grandes scènes comme le Jamel Comedy Club, et intervient désormais chaque semaine dans La Riposte, l’émission d’Akim Ohmiri sur Radio Nova. Il y aborde des sujets tels que le féminisme, les violences policières, ou encore la politique dévastatrice menée par le gouvernement israélien contre le peuple de Palestine.
« Le public nantais est très politisé, très à gauche. Si j’avais débuté à Lyon, peut-être que je serais un humoriste raciste qui fait des accents. »
Hugo Le Van raconte avoir beaucoup traîné dans les soirées nantaises, notamment au Macadam. « Dans ces soirées-là, tu apprends le partage, la tolérance. C’est de là que me vient mon ouverture d’esprit. » Il y découvre une diversité humaine, particulièrement autour des questions de genre, qui façonne son regard sur le monde.
Pour celui qui a débuté dans l’humour sans être explicitement politisé, le public nantais a joué un rôle dans son engagement. D’après lui, les attentes de cette audience l’ont poussé à se politiser. Il constate que tous les humoristes nantais·es ne le sont pas, mais que la sensibilité du public les y encourage : « Le public nantais est très politisé, très à gauche. Si j’avais débuté à Lyon, peut-être que je serais un humoriste raciste qui fait des accents. »
Hugo Le Van lors de la réalisation d’une de ses vidéos, dans le centre-ville de Nantes.
L’indignation comme moteur comique
D’origine asiatique, Hugo Le Van revient aussi sur les discriminations subies dans son enfance. Une colère qui se transformera peu à peu en engagement. Il commence à réaliser des vidéos à Nantes, d’abord pour remplir ses spectacles, puis avec une portée plus politique.
Il s’interroge sur son rôle : faire rire pour briller ou faire rire pour éveiller ? « J’ai un micro, je parle devant 80 personnes. Est-ce que j’en profiterai pas pour être militant à ma manière ? » assume l’humoriste. Le tournant s’opère notamment après l’affaire Nahel. Il réalise des vidéos plus politiques, où il est très critique à l’égard de la police. Des vidéos qui lui auront valu des menaces de la part d’un policier, en plein contrôle d’identité à Commerce. Ce moment marquera Hugo, qui prendra conscience de la portée de ses mots, renforçant son envie « d’aller déranger ceux qui ne le sont pas ».
Hugo Le Van considère « la comédie, comme de la tragédie avec du temps » et le stand-up comme une manière de transformer la colère en dérision. Il n’écrit pas à partir de choses légères, mais des sujets souvent douloureux qu’il choisit de tordre pour en faire des vannes. Son style est incisif, insolent, et se nourrit d’une défiance profonde de l’autorité. Il se rappelle de ses camarades de classe, en échec scolaire, qui par leur insolence, formulaient une critique légitime du système éducatif : « ils disaient des vérités que je ne pouvait pas dire à l’époque, de peur de l’autorité. »
Ce besoin de défier l’autorité, Hugo Le Van le transforme en outil de narration. Sur scène, personne ne lui impose de ton, ni de direction. Il le dit lui-même : « quand je monte scène, personne ne me dit quoi faire, quand je joue mon cachet est déjà payé. »

Dans le cadre du festival Euphoria, une scène 360° sous un chapiteau pour une soirée stand-up
Festival Euphoria : un choix artistique plus qu’un manifeste
Le format du festival, mêlant concerts et stand-up, s’est révélé judicieux. Hugo souligne que l’humour attire un public à des créneaux moins propices aux concerts, comme un jeudi soir à 20h par exemple.
Mais alors que l’on aurait pu espérer une prise de position politique plus marquée – notamment face aux coupes budgétaires régionales dans la culture – les réponses obtenues n’affichent pas de convergence des luttes ou de positionnement face à la politique culturelle de Christelle Morançais. Pour cause : aucune des trois structures organisatrices n’était subventionnée par la Région avant les coupes.
Si l’ADN des structures comme Paco Tyson ou Krumpp revendique une identité artistique forte, elles ne se présentent pas explicitement comme des espaces militants. L’effort semble se porter davantage sur la programmation – inclusive, diversifiée – que sur la contestation, dessinant malgré tout les contours d’un espace culturel exigeant, qui veille à ne pas laisser de place aux oppressions, « les directeurs artistiques ont fait en sorte qu’il n’y ait aucun terreau malveillant : pas de racisme, de sexisme ou d’homophobie », souligne Hugo Le Van
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Instagram : @hugolevan