22 mars 2023

Singa Nantes : une cuisine militante pour changer les regards sur l’immigration

Depuis octobre 2022, l’ONG Singa propose à plusieurs nouveaux·elles arrivant·es en France de tester leurs recettes sur la clientèle du tiers-lieu des Wattignies à Nantes. Une démarche qui vise à les accompagner dans l’entreprenariat et à utiliser la cuisine comme point de départ de créations de nouveaux liens sociaux.

Singa Nantes : une cuisine militante pour changer les regards sur l’immigration

22 Mar 2023

Depuis octobre 2022, l’ONG Singa propose à plusieurs nouveaux·elles arrivant·es en France de tester leurs recettes sur la clientèle du tiers-lieu des Wattignies à Nantes. Une démarche qui vise à les accompagner dans l’entreprenariat et à utiliser la cuisine comme point de départ de créations de nouveaux liens sociaux.

Djamila est arrivée en France depuis Djibouti il y a vingt ans. En octobre dernier, elle est l’une des premières à participer au projet culinaire de Singa aux Wattignies en tant que cheffe cuisinière. Elle est accompagnée par Coralie, qu’elle surnomme « coach » et qui est à la tête de l’initiative. « On ne fait pas que cuisiner, on va au contact des clients, on explique les parcours migratoires qui sont tous uniques et les barrières tombent », nous dit Coralie. Pour la cheffe, « participer à l’économie, montrer que l’on est motivé à travailler, que l’on paie l’Urssaf, que l’on propose ce qu’on sait faire » permet d’éloigner l’idée que l’immigration est une charge pour les Français.

Pour Djamila, c’est une aventure militante pour « le droit des femmes à entreprendre et réussir ». Pour Coralie, « rendre accessible les conseils à une partie de la population qui n’y a pas accès » est aussi une preuve d’engagement. Cet accompagnement permet de « montrer qu’il y a d’autres voies que le salariat », nous explique t-elle. Djamila est rassurée d’être aidée face à ce qu’impose le droit français ou pour établir les menus et leurs prix.

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Djamila à gauche et Coralie à droite, dans les cuisines de Singa

Victor Dimitrov

Le but affiché de Djamila : avoir son propre établissement, ouvert « matin, midi, soir ». Pour l’instant, cuisiner au sein du projet de Singa quelques soirs dans la semaine ne lui permet pas de quitter son travail, mais lui donne de l’espoir. « J’ai un réseau maintenant, des nouveaux liens. Cela me donne de la motivation pour foncer ! ». Elle explique que « cuisiner pour la maire, ou des délégués » de la ville de Nantes lui a donné confiance. « On est nantais ! », se réjouit-elle.

Un militantisme aussi dans l’assiette

« Il doit y avoir une alternative végétarienne, c’est obligatoire », dévoile Coralie. D’autres franges de leurs militantisme se retrouvent aussi dans la nourriture qu’elles proposent. « On favorise le circuit court et tout est fait maison ». La qualité des produits est un sujet qu’elles estiment « important pour les Français ». Des partenariats avec des producteurs bio locaux sont en cours de discussion, mais les trop petites quantités demandées par les cuisinier·es, qui offrent des planches et du snacking quelques soirs dans la semaine, ne permettent pas d’assurer l’achat de ces produits à des prix avantageux.

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nourriture
Deux spécialités djiboutiennes cuisinées par Djamila

Victor Dimitrov

« Il faut que les prix soient accessibles, notre planche la plus chère est à onze euros », explique Coralie. Offrir des prix bas afin d’attirer une large clientèle. Isabelle, gérante de la boutique Singa nantaise nous explique que leur plus grand objectif est de « sensibiliser tout type de public » à l’accueil des nouveaux·elles arrivant·es. Les habitué·es du tiers-lieu sont souvent « déjà sensibles à ces questions ».

La cuisine de Singa propose via quatre chef·fes de partager des recettes ukrainiennes, djiboutiennes, vénézuéliennes et afghanes. L’initiative était supposée durer six mois, mais elle « sera sûrement prolongée », assure Isabelle.

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Apprenti journaliste, diplômé d'une licence d'histoire, passionné de rap français.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017