« Le public nous a beaucoup manqué. On est impatient, fébrile, on a quand même un peu le trac évidemment. Est-ce qu’ils vont être là ? Est-ce qu’ils vont revenir ? Est-ce qu’ils vont reprendre leurs habitudes ? C’est long, 3 ans et demi » confie Catherine Blondeau, ancienne directrice du Grand T, aujourd’hui à la tête de Mixt.
C’est en 2016 qu’est prise la décision de rénover le Grand T. Le bâtiment, construit en 1983, a grandement besoin de travaux. En 2021, le projet prend une nouvelle envergure avec la fusion du Grand T et de Musique et Danse en Loire-Atlantique. En 2022, le théâtre ferme ses portes au public et rouvre aujourd’hui sous la forme d’un nouvel établissement public de coopération culturelle (EPCC) : Mixt.
Un lieu vivant et ouvert
Le nom du lieu et sa baseline, « terrain d’arts », traduisent bien les ambitions de Mixt : l’ouverture, la diversité tant dans la programmation que dans les publics, la coopération, la liberté de création. « La formule est inspirée du philosophe et sociologue Bruno Latour qui disait que parler de territoire au 21e siècle ce n’était plus tout à fait le bon vocabulaire. Le territoire, ça parle de frontière, ça parle aussi parfois de conflit, de colonisation… Il dit qu’à l’image du vivant, du compost, les espaces d’activité et de coopération sont plutôt des terrains, des terrains de vie » explique Catherine Blondeau.

Catherine Blondeau, directrice de Mixt, dans les bureaux flambant neufs du lieu. Crédit photo : Florence Calvez, 14/11/2025
Une philosophie dans laquelle se retrouvent Élise Lerat et Hugo Vercelletto, qui font partie des 10 artistes et compagnies associé·es à Mixt. « Ce partenariat avec Mixt va être fourni, foisonnant. Quand on déploie un travail avec une compagnie, il y a des théâtres qui prennent un spectacle ou qui prennent un spectacle et font un programme d’action culturelle autour. Là, l’idée c’est de déployer plus de projets ensemble, on a des soutiens en coproduction — c’est-à-dire que Mixt va accompagner la création des prochains spectacles —, en diffusion. Et puis il y a des à-côtés qui vont s’inventer » déclare Hugo, coresponsable artistique de la compagnie de théâtre et théâtre d’objets les Maladroits.
« Ce qui m’interpelle et ce que j’ai envie d’aller chercher, ce ne sont pas juste des soutiens en numéraire et de la diffusion, c’est aussi comment on pense ce lieu. Nos compagnies sont situées dans le même quartier que ce théâtre, donc il y a aussi cette idée de ce que c’est d’être artiste dans un lieu, qu’est-ce qu’on y déploie, qu’est-ce qu’on y fait, qu’est-ce qu’on y pense ? » ajoute Élise, danseuse, pédagogue et chorégraphe du collectif Allogène.
Un nouveau modèle économique
Deux salles de 850 et 350 places, des studios de danse, son et vidéo, des locaux pour les 88 salarié·es, 1,5 hectare de jardin… Catherine Blondeau ne s’en cache pas : un équipement d’une telle envergure coûte cher. Concrètement, 34 900 000 €, financés par le Département.
Si Mixt se veut novateur sur le plan artistique, il cherche aussi à l’être sur le plan financier : « Une de mes ambitions était aussi de profiter de cette transformation pour essayer de revoir le modèle économique et permettre à l’établissement de générer un peu plus de recettes propres », détaille-t-elle. « On n’a pas du tout touché aux tarifs jeunes et à ceux pour les bénéficiaires des minima sociaux, mais on a un peu augmenté les tarifs à l’unité. On va aussi lancer plusieurs activités à but lucratif et donc construire une économie mixte, puisqu’on lance un organisme de formation, un restaurant internalisé, l’activité de location d’espaces et du mécénat. » À terme, ces activités représenteraient 20 % des revenus de l’EPCC.

Mixt vu de l’extérieur. Crédit photo : Florence Calvez 14/11/2025
Des lieux comme celui-ci, « il n’y en a pas 50 en France qui sont en train de se faire une telle envergure en ce moment » se réjouit Hugo Vercelletto. « Je pense ça va être regardé au niveau national parce qu’il y a une réflexion sur le modèle économique. C’est aux antipodes de ce qui se passe en ce moment où tout le monde réduit ses équipements. »
Catherine Blondeau rappelle que « 35 millions d’euros, c’est un investissement important, mais c’est sur 40 ans. C’est ce qu’a duré la première vie du théâtre. » Les espaces intérieurs comme extérieurs, vastes et un peu vides pour l’instant, ont été pensés pour les usages d’aujourd’hui mais aussi pour laisser place à ceux du futur. « Il nous a semblé primordial de les inventer non pas seulement pour les pratiques culturelles d’aujourd’hui mais aussi de laisser beaucoup d’espaces non définis pour des pratiques culturelles diverses. »
La directrice mesure bien la chance et la responsabilité qu’elle et son équipe ont de porter ce projet : « Une opportunité comme ça se produit une fois tous les 40 ans. »
Une inauguration sur 14 jours
Pour inaugurer ce lieu, il fallait bien un événement reflétant l’ampleur du projet. Ce n’est donc pas une soirée d’ouverture qui aura lieu, mais bien 14 jours de festivités, du 13 au 27 décembre, avec 3 week-ends thématiques.

Une partie des espaces intérieurs de Mixt. Crédit photos : Florence Calvez 14/11/2025
Le collectif Allogène comme la compagnie les Maladroits ont eu envie de marquer le coup en proposant des créations faites sur mesure. « On n’avait pas envie d’arriver avec une forme déjà existante et de la plaquer là » souligne Élise Lerat. Lors de la traversée artistique qu’elle propose, « les spectateurs et spectatrices pourront piocher au hasard un petit texte qui va déclencher une danse rituelle d’habiter son corps, d’habiter le lieu. Ça sera des boucles et iels pourront arriver et repartir. Ça sera en petit comité. » Les Maladroits interagiront eux aussi avec le public. Ils sont en train d’imaginer One Shot, qui portera sur « l’idée de la célébration, de fêter, de trinquer. On aura une myriade de verres et puis on va cuisiner en même temps qu’on raconte une histoire. Ensuite on trinquera » annonce Hugo. « Ça c’est sur le papier. Il n’y a plus qu’à créer » ajoute-t-il en souriant.
Il n’y a plus qu’à créer, c’est ce que semble dire Mixt aux Nantais·es et ce, pour les 40 prochaines années.
Infos pratiques
Retrouvez le programme des 3 week-ends festifs sur https://mixt.fr/magazine/mixt-ouvre
La Compagnie des Maladroits représentera sa création Subjectif Lune les 27, 28 et 29 janvier 2026.
Le collectif Allogène donnera sa dernière pièce, Rêve et Ivresse, à Mixt les 12 et 13 mars 2026.