28 novembre 2025

« On se présente aux élections pour empêcher l’extrême droite d’être normalisée »

Ces 25, 26 et 27 novembre avait lieu sur tous les campus de Nantes Université, des élections pour élire les nouveaux et nouvelles représentant.es notamment étudiant.es au sein de plusieurs conseils différents : le conseil académique, le conseil d'administration et les conseils de pôles. L'occasion pour les syndicats étudiants de faire entendre leurs idées, dans un climat tendu. 

« On se présente aux élections pour empêcher l’extrême droite d’être normalisée »

28 Nov 2025

Ces 25, 26 et 27 novembre avait lieu sur tous les campus de Nantes Université, des élections pour élire les nouveaux et nouvelles représentant.es notamment étudiant.es au sein de plusieurs conseils différents : le conseil académique, le conseil d'administration et les conseils de pôles. L'occasion pour les syndicats étudiants de faire entendre leurs idées, dans un climat tendu. 

Pendant trois jours, du 25 au 27 novembre, des élections ont eu lieu sur tous les campus de Nantes Université. Ces élections avaient pour but d’élire les représentant.es notamment étudiant.es dans différents conseils : le conseil d’administration (CA), le conseil académique et les conseils de pôles.

À l’Union Pirate, syndicat présent à Nantes depuis 4 ans, ces élections étudiantes se préparent dès la rentrée de septembre. En effet, pour Théophile, président du syndicat « il y a un enjeu de faire venir du monde dans le syndicat et de former les gens pour qu’ils se sentent à l’aise de se présenter, et c’est ce qu’on a réussi à faire cette année ». Théophile est désormais élu au CA, ainsi que d’autres membres de l’Union Pirate qui ont été élu.es dans d’autres conseils.

Pendant les élections il y a plusieurs rivalités selon Théophile « entre les listes associatives, les listes syndicales et aussi les listes d’extrême droite. » Éloïse admet : « On s’attendait à une présence de l’UNI au conseil d’administration, ils avaient déjà un siège ».

Des membres de l’Union Pirate devant leur local. De gauche à droite : Erwan, Théophile, Malou et Eloïse.

Mais une nouveauté est arrivée cette année : « Ça nous a pris de court de voir que la Cocarde avait aussi posé [une liste] au CA » selon Éloïse, une autre membre du syndicat. Pour elle, il y a « deux moyens de voir » ces deux présences d’extrême droite : « d’un côté ça fait vachement peur » mais il y a un point positif pour la gauche étudiante : « la Cocarde et l’UNI s’entendent très mal donc ils vont peut-être se tirer dans les pattes sans qu’on ait nous, trop de problématiques. » Malou rajoute que « la présence de l’extrême droite, ça peut permettre aussi à certains élèves de réaliser que là, c’est important de voter ».

« On se présente dans les instances pour empêcher l’extrême droite de donner son avis, d’être normalisée. »

C’est une des raisons pour laquelle le syndicat Solidaires étudiants, autre syndicat de gauche présent à l’université, a décidé de se présenter aux élections. En effet, Armel, un des membres de ce syndicat, et désormais élu au CA, explique que pour Solidaires être représenté dans les instances universitaires, ça n’est pas important : « ce n’est pas du tout magique » et que pour eux « on ne peut pas changer tout comme ça ». En effet, la faible représentativité des étudiant.es dans des conseils tel que le conseil d’administration (5 étudiant.es seulement pour 14 personnalités extérieures à l’université) induit selon lui que « les propositions des étudiants, leur avis, est totalement muselé ». Il rajoute que « la majorité des textes débattus en conseil d’administration ou académique, c’est des textes proposés par la présidence et on nous demande seulement si l’on est d’accord ou pas, il y a très peu de place au débat ». Alors si Solidaires se présente, ce n’est pas tant pour avoir une voix dans les conseils mais plutôt notamment pour ne pas en laisser à l’extrême droite : « On se présente dans les instances pour empêcher l’extrême droite de donner son avis, d’être normalisée. » 

Les regroupements associatifs, comme Bouge ton Campus, majoritaire dans la plupart des scrutins, sont aussi contre la présence de l’UNI dans les instances. Selon Théophile de l’Union Pirate, c’est « un enjeu partagé entre nous, les syndicats et Interasso [les associations] : tout le monde veut prendre le siège de l’UNI ». Les idées de l’UNI -dont le slogan pour ces élections est ‘Contre les blocages pour ta réussite’- ne sont pas les seuls points dénoncés par les autres élu.es puisque leur manque de participation dans les conseils est très critiqué : « ils ne viennent pas, ils ne participent pas, c’est juste quand ils ont quelque chose qu’ils peuvent utiliser pour leur com’, comme par exemple le changement du règlement intérieur à la rentrée. » Cette stratégie commune n’a pourtant pas empêchée l’UNI d’obtenir un siège au CA.

« Donner envie aux étudiants de se saisir de ce dispositif démocratique »

Pendant ces élections, d’autres groupes d’étudiant.es, cette fois autonomes et anonymes ont laissé entendre leur désaccord avec l’UNI de manière plus directe : mardi matin, des personnes leur auraient jeté de la peinture et jeudi matin, c’est des excréments qui leur ont été lancé. Armel raconte que cet acte a modifié le cours des élections : « La présidence a considéré, après que le préfet ait forcé la main, d’interdire la propagande depuis ce midi ». La propagande, c’est le fait d’aller tracter, d’aller parler aux usagers afin de les inciter à voter. Il y a deux ans, l’Université « avait déjà arrêté la propagande plus tôt », pour les mêmes raisons, selon Armel. Et cette année, le dispositif de sécurité avait été accentué avec plus d’agents de sécurité employés pour l’occasion.

Dans un communiqué commun l’Union Pirate et Solidaires ont dénoncé « un étouffement des pressions politiques sur les campus ».
Pourtant, ces élections ont un but démocratique. C’est en tout cas ce que pense Paul, qui tractait mardi sur le campus Tertre pour la liste de Bouge ton Campus : il veut « donner envie aux étudiants de se saisir de ce dispositif démocratique ».

Les « marches arc-en-ciel » du campus Tertre, symbole des luttes contre les discriminations LGBT-phobes au sein de l’université de Nantes. Photo de Mathilde Weber.

Les syndicats étudiants ne sont pas seulement dans la dénonciation de l’extrême droite mais aussi dans la proposition de nouvelles mesures. Leurs programmes proposent toujours plus d’accessibilité dans les universités, d’inclusion et des mesures plus globales pour lutter contre la précarité.

 

Pour aller plus loin : 

Les résultats des scrutins

 

Arrivée à Nantes pour s’engager dans la vie militante, Mathilde rejoint cette année le média associatif Fragil. En devenant bénévole, elle retrouve son goût pour l’écriture et souhaite mettre son engagement antifasciste et féministe au cœur de ses futurs articles.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017