22 décembre 2017

Nantes : le livre où il fait bon se promener

Livre écrit à quatre mains, avec deux regards, ceux de Pierre-Adrien Roux et de Patrice Molle ; "Nantes" vous invite à découvrir la ville comme vous ne l’avez jamais vue ! Suivez le guide !

Nantes : le livre où il fait bon se promener

22 Déc 2017

Livre écrit à quatre mains, avec deux regards, ceux de Pierre-Adrien Roux et de Patrice Molle ; "Nantes" vous invite à découvrir la ville comme vous ne l’avez jamais vue ! Suivez le guide !

Nous vous présentons cette semaine le beau livre photo Nantes, 100 lieux, 2 regards, conçu par deux compères, anciens membres de l’équipe Fragil, Patrice Molle à l’objectif et Pierre-Adrien Roux à la plume. Ce bel ouvrage, fruit d’un an de travail, offre une vision très personnelle de la ville de Nantes, son architecture, ses histoires et ses nouvelles trajectoires.

Patrice Molle, photographe autodidacte est un passionné : un travailleur acharné qui n’a pas l’impression de travailler. Épris de liberté, il aime aussi se donner des cadres et sortir perpétuellement de sa zone de confort : passer des courbes d’une femme à celles d’un immeuble ? Même pas peur ! Tant que le résultat fait sens et provoque des rencontres, des rencontres toujours respectueuses.

A la vie comme à la scène, c’est dans le même état d’esprit que nous nous entretenons avec lui dans un bar qu’il affectionne, le 13 et 3, place du Bouffay. Autour d’une mousse, il nous raconte, non sans fierté (mais jamais mal placée) et surtout avec beaucoup de générosité, le projet. Pendant ce temps-là, les serveurs découvrent l’ouvrage et le feuillètent sur le zinc avec attention.

 

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FRAGIL : Comment est née l’idée du livre ?
Patrice MOLLE : Ce n’est pas moi qui ai eu l’idée ; ce sont les éditions La Geste qui me l’ont proposée. En fait, avec Fragil, je suis allé prendre des photos d’Iggy Pop et de Selah Sue aux Escales. Quand l’article a été mis en ligne, la maison d’édition a repéré les photos et m’a contacté pour voir si on pouvait faire ce livre sur Nantes. C’est drôle de voir comment les choses arrivent. Ça fait 10 ans que je couvre des festivals pour Fragil, sans me dire que plus tard je ferai ci ou ça… et au final, on arrive à ce livre qui est bien présent en librairie chez Coiffard, Durance… mais aussi à la Fnac, Leclerc, Carrefour, Super U… Je n’ai pas honte qu’il soit dans les supermarchés, au contraire ! (rires)

FRAGIL : Après, c’est toi qui as contacté Pierre-Adrien pour les textes ?
Patrice MOLLE : Le choix s’est fait très rapidement. Pierre-Adrien a une très belle plume, c’était pour moi une évidence ! Comme on a déjà travaillé ensemble, on se comprend très vite et on se fait confiance.

« La maison d’édition nous a laissé carte blanche. »

FRAGIL : Quelle a été la ligne directrice du livre ?
Patrice MOLLE : La maison d’édition nous a laissé carte blanche. Bien sûr, il y avait des incontournables : le Passage Pommeraye, l’Éléphant… Ils voulaient de la vie dans les photos, pas seulement des bâtiments. À partir de là, on a pu construire nos axes de travail. On en a choisi six : Miroirs d’eaux, L’étonnante, Centre de vies, Palais végétaux, Angles saillants et courbes folles, Nantes en mouvement. Après, je suis allé faire les photos : sur 2500, on en a gardé à peu près 300. On a dû faire des choix. Que des photos de jour. Pas de nuit. Des gens mais pas des portraits…

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FRAGIL : Toutes les photos ont donc été prises durant ce projet ?
Patrice MOLLE : Deux séries avaient été faites avant : celle sur la Gay Pride et celle sur les graffeurs. Sinon, je les ai toutes prises entre décembre 2016 et juillet 2017. Se promener en ville avec son objectif, c’est un peu la base. Mais, dans mon travail, je fais surtout des photos avec des gens. Je trouvais intéressant de me mettre dans un type d’exercice où je n’étais pas forcément à l’aise. J’ai toujours fait ça : j’utilise la photo pour aller vers l’inconnu. Ça aiguise ma curiosité. Comme je suis nantais depuis 44 ans, forcément, la ville m’est familière. Se détacher de ce que je connais de Nantes, c’est peut-être ce qui a été le plus difficile… Après, j’ai été assez libre dans le traitement. On voit que le livre a une certaine couleur.

« J’utilise la photo pour aller vers l’inconnu. »

FRAGIL : Oui, en parlant de couleur, ce sont des tons assez froids, du blanc, du gris, du bleu que l’on retrouve dans tes photos… C’est un parti pris ?
Patrice MOLLE : Je suis souvent dans ces teintes là. Du coup, pour ce livre, j’ai gardé l’idée générale de mes traitements, en les modifiant quand même un peu car j’ai fait ce livre pour les autres. Mais c’est une vraie décision d’avoir désaturé la couleur en glissant quelques pointes plus vives de-ci de-là, pour restituer ce que j’ai dans la tête. Je suis très instinctif, j’intellectualise pas de ouf ! Ce n’est pas un parti pris de représenter la ville de Nantes comme froide, c’est mon esthétique. Je recherche la bonne lumière. À Nantes, on a la chance d’avoir des ciels très gris qui peuvent devenir très bleus.

« Je suis très instinctif, j’intellectualise pas de ouf ! »

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FRAGIL : Ce livre représente donc ta vision personnelle de Nantes…
Patrice MOLLE : Voilà, c’est vraiment le Nantes à moi, celui que je vois quand je me promène. Par exemple, la double page sur la ligne verte. C’est intéressant parce que c’est quelque chose qui est en général très peu abordée alors qu’on la voit tout le temps ! Et c’est drôle de voir comment elle est détournée. Les grafs, les petits space invaders, ce sont des choses que je vois quand je me balade. Il y a aussi des photos d’endroits que je kiffe comme la rue Bossuet, des rues qu’on ne connaît pas trop… Tout le quartier Gare Sud : c’est un quartier qui n’a plus rien à voir avec ce qu’il était, architecturalement parlant. C’est un quartier fou qui me plait beaucoup !

« Les grafs, les petits space invaders, ce sont des choses que je vois quand je me balade. »

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FRAGIL : Quels sont tes projets pour la suite ?
Patrice MOLLE : Je continue à suivre mes envies. La photographie, ça reste pour moi un jeu. Ce que ce livre a révélé en moi, c’est le plaisir de la photo d’architecture, je prends un pied incroyable à en faire ! Et sinon, je consacre beaucoup de temps à ce livre. Il y a l’exposition à la librairie de Sainte-Luce. Après la dédicace chez Coiffard, il y a peut-être d’autres pistes. En tout cas, ce livre marque pour moi la fin d’une période et le début de quelque chose de totalement nouveau.

Après 10 ans passés à l’étranger, Laura a gardé le goût des voyages et des rencontres ! Elle est aujourd’hui rédactrice web à Nantes et s’intéresse (notamment) aux sujets liés au numérique.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017