2 juin 2025

Menacée de fermeture, la radio associative Jet FM réfléchit à son avenir

Dans la tourmente, la radio associative Jet FM risque d’arrêter d’émettre avant l’été. Un contexte économique tendu mais propice à nourrir de nouvelles réflexions sur l'avenir.

Menacée de fermeture, la radio associative Jet FM réfléchit à son avenir

02 Juin 2025

Dans la tourmente, la radio associative Jet FM risque d’arrêter d’émettre avant l’été. Un contexte économique tendu mais propice à nourrir de nouvelles réflexions sur l'avenir.

Après presque 40 ans d’ancienneté, la radio associative herblinoise Jet FM risque d’arrêter d’émettre avant l’été. Créative, solidaire et sans publicité, la structure défend la création sonore dans toutes ses formes depuis ses débuts. Valentine Chevalier nous accueille dans les locaux de la radio, au cœur du quartier Bellevue. Embauchée depuis le mois de février au sein de Jet FM en tant que coordinatrice chargée de développement et d’administration, son arrivée s’inscrit dans un contexte économique tendu.

Une économie précaire fragilisée par les baisses de subventions

La situation financière de Jet FM était déjà fragile avant que les collectivités annoncent la baisse conséquente de leurs subventions. Valentine Chevalier occupe notamment à elle seule un poste auparavant partagé entre deux salarié·es. En 2025, Jet FM comptabilise deux licenciements économiques qui s’ajoutent au départ de deux autres salarié·es. En l’espace d’un an, l’équipe a réduit de moitié, passant de 7 salarié·es à 3.

Fin 2024, la radio apprend non seulement qu’elle ne sera plus soutenue financièrement par la Région Pays de la Loire en 2025, mais aussi que sa subvention 2024 a été divisée par 4, soit 3000 € au lieu des 12000 € habituels. Une annonce tardive qui ne fait qu’empirer la situation de Jet FM dont les réserves sont dans le rouge : « Il y a un certain nombre de radios qui ont décidé de faire un recours auprès de la Région. Il y a une contestation de la manière dont tout ça s’est produit ». La coordinatrice pointe également du doigt les suspensions d’appels à projet au niveau du département sur des actions d’éducation aux médias.

Des finances publiques garantes des projets associatifs

Après 7 ans d’intermittence pour divers projets culturels et artistiques, Valentine connaît bien le monde de la culture. L’ancienne documentariste nous explique la particularité des radios associatives : « Une radio associative c’est une radio sans publicité, qui n’a pas vocation à être lucrative. […] on a justement vocation à faire autre chose qu’une radio commerciale, à prendre le temps, à faire des reportages sur le long cours, des documentaires, à proposer de la création sonore, à proposer des musiques qu’on n’entend nulle part ailleurs. »

« On ne peut pas attendre dans une société que tout soit rentable, ou alors on aura la société qu’on méritera. »

Pour Valentine, sans subventions publiques, pas de projets associatifs. La structure dispose de compétences pour faire de la prestation et s’auto-financer mais toute action nécessite du temps salarié pour la mener à bien. Pour la chargée de développement, il est vital de défendre l’investissement des puissances publiques dans des projets à vocation sociale afin de continuer à défendre des valeurs d’insertion, d’économie sociale et solidaire et de militantisme : « On peut pas attendre dans une société que tout soit rentable ou alors on aura la société qu’on méritera. »

Bien qu’elle envisagerait de postuler à des appels à projets proposés par des fondations privées qui partagent ses valeurs, la professionnelle émet des réserves concernant le recours à des soutiens privés comme le mécénat par exemple : « Le mécénat ça peut fonctionner ponctuellement mais je ne suis pas sûre qu’on peut faire fonctionner une structure là-dessus. On n’a pas toujours des valeurs compatibles avec les entreprises du CAC 40 ».

Les trois salarié·es de la structure dans les locaux de Jet FM.

Réinventer de nouveaux modèles pour les structures associatives

Valentine insiste sur le précieux engagement de la centaine de bénévoles qui animent la radio avec, au total, une cinquantaine d’heures de programmes par semaine. En dépit de la crise traversée par la structure, la coordinatrice y voit l’opportunité de remettre en question les modèles associatifs et inventer des économies plus stables. Repenser l’implication et la place des bénévoles, développer des actions en lien avec les habitant·es du quartier Bellevue, notamment l’éducation aux médias. De nombreuses pistes qui nécessitent des moyens humains et financiers pour être explorées.

Valentine revient sur le temps conséquent passé à postuler à des appels à projets qui rapportent peu d’argent. « Il va falloir revenir à des choses plus simples car on est moins nombreux. […] L’idée serait de se recentrer un peu et passer moins de temps pour des petites choses.» Depuis le début d’année, les membres de Jet FM organisent des conseils d’administration toutes les semaines afin d’écrire la suite de son projet et repenser son mode de fonctionnement.

« Jet est en danger. Sauvons nos oreilles, soutenons Jet ! »

Aujourd’hui Jet FM souhaite à tout prix éviter l’imminente cessation de paiement, qui conduirait à sa fermeture. La structure a lancé une campagne d’appel aux dons pour se remettre à flot à court terme. La radio entend bien défendre « ensemble la curiosité, locale et internationale, à la liberté éditoriale, à la musique audacieuse, aux créations sonores déjantées, à l’éducation aux médias et aux valeurs de solidarité, d’apprentissage et d’ouverture ». Grâce à la cagnotte et la tenue de soirées de soutien, près de 7000 € ont été récoltés sur les 8000 € escomptés pour « permettre de reprendre un peu de souffle et de déployer le nouveau modèle économique [qu’il sont] en train de penser collectivement. »

Lien utile : site Jet FM

Cela fait bientôt 4 ans que Savannah réside à Nantes, capitale culturelle du grand Ouest. C’est d’ailleurs cette réputation qui a incité Savannah à investir ce qu'elle nomme “la grande ville”.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017