« Pour qu’ils arrêtent de dire qu’il n’y en a pas, on va les amener devant eux sur une scène » résume Nymphéa Boureau, lassée d’entendre les acteurs et actrices de la filière musicale répéter qu’il n’y a pas assez d’artistes de minorités de genre à programmer.
Depuis le 17 novembre, les artistes émergent·es M.I.N.T (meufs, intersexes, non-binaires, trans) de la région Pays de la Loire sont invité·es à postuler pour un nouveau dispositif de repérage et d’accompagnement à la diffusion appelé M.I.N.T en Scène.
Sa particularité : mettre en relation directe artistes et professionnel·les de la scène musicale locale à l’issue d’une semaine de résidence.
Deux associations aux ambitions communes
À l’origine de cette initiative, Nymphéa Boureau et son association Queers & Femmes en Scène. « C’est une association qui existe depuis mars 2024, qui a déjà fait de la formation, qui accompagne les artistes et qui faisait déjà des choses », rappelle celle qui multiplie les expériences professionnelles, en étant à la fois bookeuse, manageuse, programmatrice mais aussi l’une des co-fondatrices du café féministe Les Impertinant·es.
Avec Queers & Femmes en Scène, Nymphéa entend lutter contre les discriminations de genre qui persistent dans le spectacle vivant, « autant du côté artistique que du côté technique », de la musique aux arts du cirque. L’association propose déjà de l’accompagnement à la tournée et des formations, notamment autour de l’égalité de genre.
L’association ambitionne également à terme de devenir un pôle de ressources matérielles et logistiques : mise à disposition d’équipements, location pour les non-membres, et même la création d’un futur studio de répétition. D’autres projets émergent, comme l’organisation de masterclass autour de l’intermittence ou la construction d’un réseau professionnel dédié.

Issue de l’éducation populaire et ancienne animatrice jeunesse, Nymphéa Boureau revendique un goût prononcé pour la transmission : « La transmission, c’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup. (…) Je suis partie de rien », confie-t-elle. 20/11/25 © Amandine Masson
« Nymphéa est venue me chercher pour faire évoluer ensemble la filière », raconte Énora. Fondatrice de l’association Muses créée en 2023, Énora Benard évolue dans le spectacle vivant comme chargée et coordinatrice de production. Son but : défendre l’égalité de genre et faciliter l’accès à la scène pour les artistes minorisé·es. « On est une structure militante à l’endroit des minorités de genre dans la musique actuelle », résume-t-elle.
Ensemble, elles ont lancé M.I.N.T en Scène. Le dispositif n’en est qu’à ses débuts mais son ambition est claire : rendre visibles les artistes M.I.N.T — femmes, minorités de genre et personnes trans — trop souvent absent·es des programmations. « Iels sont moins visibles, parce qu’iels sont moins programmé·es », explique la porteuse de projet, tout en soulignant les résultats du café Les Impertinant·es : « Pour donner un exemple, on a programmé plus de 130 personnes en un an et j’ai plus de 200 demandes en attente ».
Le calendrier est déjà en marche
Les candidatures sont ouvertes depuis le 17 novembre sur formulaire, et se clôtureront le 17 décembre. Un jury composé de professionnel·les M.I.N.T aux profils différents — bookeuses, artistes, actrices des SMAC — également capables de « relayer sur leur territoire » et d’identifier les talents locaux, étudiera alors les candidatures. À l’issue des sélections en fin d’année, une candidature sera retenue dans chacun des 5 départements, de la Loire-Atlantique, de Maine-et-Loire, de la Mayenne, de la Sarthe et de la Vendée.
Pour candidater les artistes ou groupes doivent remplir quatre principaux critères : résider en Pays de la Loire, être composé d’un.e lead et d’une majorité d’artistes M.I.N.T, ne pas encore avoir bénéficié d’un accompagnement et avoir déjà joué un minimum de 10 concerts « pour être prêts à y aller » et avoir « un truc carré et qualitatif qui arrive en face des pros », précise Nymphéa.
Les artistes retenu·es bénéficieront d’une semaine de résidence à la Fabrique de Chantenay : masterclass, accompagnement, et représentation publique pour préparer le showcase final le mardi 28 avril 2026 à Trempo, partenaire du dispositif.
Au cœur du projet, un showcase professionnel
Véritable vitrine pour les cinq artistes ou groupes sélectionné·es, une prestation d’une trentaine de minutes s’effectuera devant un public de professionel·les, dans les domaines de la programmation, de l’accompagnement, de la diffusion, ou de la production musicale.
La journée de showcase s’organisera en deux temps : concerts le matin, puis speed-meetings et ateliers de sensibilisation à l’égalité de genre et à l’inclusion dans les musiques actuelles l’après-midi. Les ateliers bénéficieront de l’expérience du collectif Raymonde et du réseau Shesaid.so France.
L’équipe espère ainsi attirer entre 30 et 50 programmatrices et programmateurs, condition essentielle pour créer des débouchés concrets. « Sans elles, sans eux, ça n’avancera pas », rappelle Énora.
Faire rayonner le Grand-Ouest
Si le premier showcase M.I.N.T en Scène aura finalement lieu à Nantes le 28 avril, par « facilité de réseaux » explique Énora, l’ambition est plus large : « On n’a pas voulu se définir à Nantes. On voulait se définir plutôt à l’endroit du Grand-Ouest ». Les futures éditions pourraient ainsi circuler entre départements. « Il y a toujours eu, dans nos missions, l’envie de ne pas rester en entre-soi », insiste-t-elle.

Énora Benard porte les projets de l’association Muses depuis 2023 et a récemment rejoint le Conseil d’administration du réseau SheSaid.so France dont elle est aussi co-trésorière. 01/12/25 © Amandine Masson
À mi délai de candidature, une vingtaine de projets avait été reçue, principalement de Loire-Atlantique, mais aussi de Sarthe et de Maine-et-Loire. Si la Vendée et la Mayenne n’ont pas encore répondu à l’appel, l’enjeu est clair : étendre la dynamique et encourager les structures locales à s’en saisir. « Dans chaque département, on a la chance d’avoir une SMAC… il y a des relais possibles à chaque fois. Il faut juste que les structures s’en emparent », plaide la coordinatrice de Muses.
Portées par une effervescence nationale autour des questions d’égalité de genre, les deux organisatrices de M.I.N.T en Scène saluent les initiatives existantes sur le territoire. « Pumpkin a lancé avec Trempo le Summer Camp… je vois la différence que ça fait », souligne Nymphéa, relevant aussi le succès du collectif Raymonde et plus récemment des soirées Murmures.
Pour elle, cette profusion n’a rien d’une compétition : « Quel bonheur ! (…) Il n’y a pas de concurrence. On peut enfin faire le choix de quel type de musique on veut aller voir avec des personnes M.I.N.T sur la scène. Ça fait du bien ! »
Mais pour elles, il faut aller plus loin et obtenir un véritable soutien public. Le dispositif est déjà soutenu par la commission égalité et inclusion du Centre national de la musique (CNM), et un dossier a été déposé à la Ville de Nantes. Des recherches de mécénat publics ou privés sont également en cours. « On a des projets nécessaires sur nos territoires… il faut que les institutionnels comprennent qu’on a besoin d’un soutien », insiste Énora.
Pour la coordinatrice de Muses, l’essentiel est d’accompagner, structurer et faire circuler les opportunités au-delà des frontières habituelles. « Arriver dans un nouveau département, cela signifie qu’il y a aussi tout à remettre en place. C’est ça qui est chouette », conclut-elle.
Plus d’informations
– Appel à candidatures M.I.N.T en Scène 2026
– Queers et Femmes en Scène
– Association Muses