9 juillet 2018

Les rendez-vous INSEE : de la data, en veux-tu ? en voilà !

Le 26 juin dernier, l'Insee invitait dans ses locaux le public nantais à la présentation des résultats d'une étude sur « les projections de populations dans les Pays de la Loire : hypothèses pour anticiper l'avenir ». Objectif premier : évaluer les besoins en futurs logements. Le slogan de l'Institut national de la statistique et des études économiques étant « mesurer pour comprendre », on comprend en effet mieux pourquoi Nantes s'est transformé en un vaste chantier depuis quelque temps. Défrichons les chiffres.

Les rendez-vous INSEE : de la data, en veux-tu ? en voilà !

09 Juil 2018

Le 26 juin dernier, l'Insee invitait dans ses locaux le public nantais à la présentation des résultats d'une étude sur « les projections de populations dans les Pays de la Loire : hypothèses pour anticiper l'avenir ». Objectif premier : évaluer les besoins en futurs logements. Le slogan de l'Institut national de la statistique et des études économiques étant « mesurer pour comprendre », on comprend en effet mieux pourquoi Nantes s'est transformé en un vaste chantier depuis quelque temps. Défrichons les chiffres.

Le premier intervenant de ce « rendez-vous » de l’Insee fut l’inénarrable Laurent Toulemon de l’Ined (Institut national d’études démographiques) qui a le don de vulgariser la statistique comme personne. L’assistance hilare a fort apprécié ses tournures toutes plus comiques les unes que les autres : « même fausses, les prévisions sont utiles… elles posent le décor. » ou bien « les projectionnistes se trompent souvent mais finissent toujours par avoir raison. »!

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Laurent Toulemon

Ined

Plus sérieusement, Monsieur Toulemon a bien détendu l’atmosphère pour dédramatiser les données car si l’on en croit les projections, pour certains pays, l’heure est grave : par exemple, au train où vont les choses au Japon, il ne resterait qu’une dizaine de Japonais à l’horizon 2030 ! Pas assez de naissances, trop de mortalité, pas assez de migration, et c’est toute une société qui pourrait péricliter…

En Chine, il est aujourd’hui notoire que la politique de l’enfant unique a pour conséquence un manque en femmes adultes, problématique. Dans Le Monde en 2025, les auteurs, s’appuyant sur des tendances dérivant des études menées par les Nations Unies, notent que pour ce qui concerne l’Europe, « dans nombre d’Etats membres, le vieillissement de la population va modifier radicalement le ratio de dépendance des personnes âgées. Ce phénomène démultipliera les budgets sociaux et médicaux et pèsera lourdement sur les finances publiques. »

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cairn.info

Gouverner, c’est prévoir

Dans les Pays de la Loire, les « méta-scénarios » (les conséquences imaginées du présent et du passé) annoncent, mais toujours au conditionnel, que plus d’un quart des personnes seront âgées de 65 ans ou plus en 2050. Sur Saint-Gilles-Croix-de-Vie en Vendée, ce serait une personne sur deux !

La bonne nouvelle, c’est que la région, qui devrait compter 4,5 millions d’habitants, serait « la plus dynamique de France métropolitaine par sa croissance démographique », et ce, mettant au passage une bonne claque aux idées reçues, grâce « aux flux migratoires qui y contribueraient pour deux tiers » : néo-Ligériens, welcome !

Facts & figures

Si l’Insee se garde de tirer des conclusions de ses projections, les hypothèses émises, ou scénarios en « what if ? » (que se passerait-il si…?) permettent tout de même d’analyser d’emblée la situation sous différents angles : emploi, logement, santé, éducation. Qui pour s’occuper des seniors, au nombre théorique de 1 298 000 en 2050 (ils étaient 677 000 d’après le recensement de 2013) ? Comment loger tous les nouveaux habitants ? Où scolariser leurs enfants ? De combien de lits doter le nouveau CHU ?…

L’Insee avance un besoin concret et actuel en logements de 25 025 sur le territoire régional, ce qui permet aux instances concernées d’agir dans un cadrage.

Eric Hoffer, sociologue américain (1902-1983) in Réflexions sur la condition humaine, écrivait : « l’arithmétique la plus difficile à maîtriser est celle qui nous permet de ne compter que sur ce que l’on a. » En clair, rien n’est jamais sûr puisque tout est fluctuant. Parmi les tableaux, graphiques, pyramides, courbes et autres cartes à retrouver en ligne, cette leçon vaut bien un « fromage » sans doute ?

Laurent Toulemon précise son propos

Vous dites qu’au train où vont les choses, il ne resterait, selon des données statistiques actuelles, que 10 Japonais en l’an 3000. Pouvez-vous développer chouia?
Laurent Toulemon : Il s’agit de projections à très long terme qui montrent que, si la fécondité reste longtemps à des niveaux bas et en l’absence de migrations, la population diminue. Si les femmes font 1,3 enfants à 30 ans en moyenne, la population diminue de 37,5% tous les 30 ans (en l’absence de migrations il faudrait 2,08 enfants par femme pour que chaque génération soit remplacée par une génération de même effectif : d’une part il naît un peu plus de garçons que de filles (105 contre 100), d’autre part quelques enfants mourront avant d’avoir eux-mêmes des enfants. On aurait donc 127 000 000 habitants en 2020, 79 375 000 en 2050, 49 609 375 en 2080… et 23 en 3010. J’ai repris les « 10 habitants en l’an 3000 » d’un article qui a disparu du www. Bien sûr il s’agit d’un exercice comptable (pas de migration, pas de changement dans le niveau de la fécondité). Vous pouvez consulter l’article « Le Japon face au déclin annoncé de sa population » publié par Jacques Véron il y a quelques années qui explique ça très bien.

Vous avez aussi dit que « même fausses, les projections sont utiles »: utiles à qui?
Laurent Toulemon : L’idée, c’est que les projections même fausses permettent de prévoir les bouleversement majeurs, comme par exemple le vieillissement de la population qui est présent dans tous les scénarios. On a vu les utilisateurs des projections en Pays de la Loire discuter ce thème.

Je vous cite encore: « ce n’est pas possible pour les femmes de travailler et de faire des enfants », il est étonnant que cette sentence n’ait pas suscité un tollé dans l’assistance… Serions-nous en train d’entrer dans une révolution idéologique (donc vers un retour en arrière)?
Laurent Toulemon : Je me suis mal exprimé. J’ai dit que, dans les pays où la conciliation est difficile (voire impossible) certains femmes travaillent et d’autres font des enfants, ce qui conduit à peu d’enfants et peu de femmes actives. Dans les pays comme la France où les conditions de conciliation sont moins dures, les mères travaillent et il y a à la fois plus d’enfants et plus de femmes actives. Bien sûr le prix à payer, c’est la « double journée » pour les femmes, en l’absence de réel partage des tâches domestiques.

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Journaliste/correctrice/traductrice/blogueuse/heureuse maman, je redécouvre Nantes à travers le regard de mon fils né en Afrique, après avoir passé 3 ans à Londres à officier sur des fashion websites, puis 9 ans à Casablanca à œuvrer dans la presse généraliste aux rubriques mode, tendances, culture, lifestyle... Je me suis reconvertie dans la presse de proximité depuis...

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017