5 septembre 2018

Les Escales de l’émotion

Les 27èmes Escales ont fait vibrer le port de Saint Nazaire les 27, 28 et 29 juillet derniers. Fragil vous présente ses coups de cœur, en compagnie de Gérald Chabaud, le programmateur du festival.

Les Escales de l’émotion

05 Sep 2018

Les 27èmes Escales ont fait vibrer le port de Saint Nazaire les 27, 28 et 29 juillet derniers. Fragil vous présente ses coups de cœur, en compagnie de Gérald Chabaud, le programmateur du festival.

Arrivé aux abords du port de Saint Nazaire, il faut traverser le pont levant et le bassin pour atteindre le site exceptionnel des Escales. Nichées sur l’île du Petit Maroc, entre les bateaux en construction et un énorme pont, les différente scènes du festival ont fait vibrer les festivaliers, des enfants aux plus âgés. Cette année, Melbourne et ses artistes étaient mis à l’honneur dans la programmation, une réelle opportunité de découvrir des musiciens et des groupes venus du bout du monde et le plus souvent inconnus du grand public.

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« L’année de l’émotion »

« Revoir Etienne Daho sur scène, Beth Ditto qui arrête son concert pour regarder l’éclipse de Lune, Jane Birkin et sa Javanaise, l’énergie de Her qui chante et profite pour deux… Cette année 2018 était peut-être celle de l’émotion ! », nous confie Gérald Chabaud, programmateur des Escales, quand on lui demande sa première impression sur cette édition 2018, la 27ème. Puis il précise : « C’était très bien le vendredi et le samedi, au-delà de nos prévisions en terme de fréquentation. Sur le volet artistique, le vendredi était très riche. Eddy de Pretto, Confidence Man et Gogol Bordello sur la scène 2, c’était vraiment un trio exceptionnel. Et sur la grande scène, Daho, Feder et Beth Ditto, c’était pour moi la soirée idéale. Le samedi a également très bien fonctionné. On avait pris un petit risque en invitant Kool and the gang, mais leur concert a été au-delà de nos attentes. Ce qui m’a fait plaisir, c’était de sentir la joie des spectateurs d’entendre les tubes de ce groupe mythique. Je dois avouer une petite déception : la fréquentation du dimanche. Pour Birkin et son orchestre symphonique ainsi que pour Bigflo et Oli et Meute qui ont joué sous la pluie, on est un peu en-deça de nos attentes. Pourtant, je crois que ça fait très longtemps que je n’avais pas vu autant de spectateurs pleurer quand elle a chanté la Javanaise. Il y avait une grande émotion. »

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Au rayon des souvenirs, le programmateur avoue que les Australiens de Confidence Man ont marqué son esprit : « Je les pistais depuis plus d’un an. Ce n’est pas une groupe très connu, même s’il commence à faire des tournées mondiales. Mais il y a une telle fraîcheur, une telle énergie, une telle folie, que c’est le seul concert que je me suis autorisé en entier pendant ces Escales. Je priais pour que mon téléphone ne sonne pas pour une urgence… C’est mon gros coup de cœur de cette édition 2018. »

Après avoir marqué une petite pause, il enchaîne : « Je retiendrai également la curiosité du public pour des groupes qu’ils ne connaissent pas du tout, notamment les artistes australiens que nous avions invités cette année. Sans oublier la scène locale, que nous tenons à mettre en avant année après année : Inuit, Allta, Her… »

Les coups de coeur de Fragil

Eddy de Pretto
Révélation de l’année musicale française, Eddy de Pretto avait la lourde charge d’ouvrir le festival le vendredi soir… sous une fine pluie. Le jeune auteur compositeur interprète a conquis le public (assez jeune lui aussi) avec les titres tirés de son premier album Cure, devenus des tubes en quelques mois. Égal à lui-même et tout en maîtrise, il était simplement accompagné d’un batteur et lançait ses instrumentales sur son iphone. Prometteur.

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Étienne Daho
Incontournable dandy de la chanson française, Étienne Daho a toujours la classe ! Très bien accompagné par d’excellents musiciens, le Rennais a ravi les jeunes et les moins jeunes grâce à un savant cocktail de morceaux récents et de tubes du passé. De Week-end à Rome à Tombé pour la France en passant par Bleu comme toi joué en rappel, Daho a l’énergie d’un jeune homme et on ne se lasse d’entendre et de réentendre ces désormais « classiques » des années 80-90.

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Confidence Man
A l’instar du programmateur des Escales, Confidence Man a également été pour nous une grosse claque de plaisir. Les Australiens ont littéralement retourné le public des Escales grâce à un duo de chanteurs déglingués, un homme et une femme tout de blanc vêtus. Interprétant des chorégraphies et des morceaux endiablés, ils font partie des belles découvertes de cette édition 2018.

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Glao
Programmé dans le cadre intimiste du Docklands, Glaö a tout d’abord surpris. Utilisant son didjeridoo dans des mélodies électroniques, David Gouin, compositeur multi-instrumentiste, était accompagné de Brice Tenailleau à la batterie, aux percussions et au clavier. Le résultat est électronique, hypnotiques et très dansant par moments. Une autre belle découverte.

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Gogol Bordello
Comme nous le confiait Gérald Chabaud, « c’est le groupe idéal à programmer dans un festival ». Parce que Gogol Bordello mélange des styles pour le moins opposés, la musique tzigane traditionnelle des Balkans et le punk new-yorkais, pour en créer un troisième, le gipsy punk. Si vous ajoutez à ça un sens du spectaculaire et l’énergie débordante d’Eugène Hütz, le chanteur moustachu, vous obtenez un cocktail explosif pour un live qui l’est tout autant. Un savoureux délire !

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De « vieilles » connaissances

Her
Fragil avait eu la chance de rencontrer Her du temps où ils étaient encore un duo, sur la scène de Stéréolux dans le cadre du festival Inrock. Depuis, le groupe a perdu un de ses membres fondateurs, Simon Carpentier décédé à l’été 2017. Malgré la douleur, Victor Solf a poursuivi l’aventure en sortant un premier album en mars 2018. Programmé sur la grande scène des Escales, il a conquis le public grâce à sa soul hypnotique et à son énergie. La main levée et tournée vers le ciel, Victor Solf a rendu hommage à son compère disparu en chantant pour deux. Longue vie à Her !

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Inuit
Fragil a également eu la chance de croiser la route d’Inuit alors qu’ils préparaient la sortie de leur premier disque. Depuis, l’album est dans les bacs et les six acolytes de produisent sur scène au plus grand bonheur des fans d’électro. Programmés au même moment que Kool and the gang, les Nantais ont su captiver le public des Escales grâce à leurs mélodies entraînantes, leur énergie communicative et leurs textes percutants. Un très beau concert !

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Cette 27ème année a rempli ses objectifs en offrant aux festivaliers trois jours de découvertes et de confirmations.
Une édition pleine d’émotions…
Vivement l’année prochaine pour un opus consacré à Sao Paulo.

Réalisateur de formation, Merwann s’intéresse à la musique, à la littérature, à la photographie, aux arts en général. De juillet 2017 à juillet 2023, il a été rédacteur en chef du magazine Fragil et coordinateur de l'association.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017