19 janvier 2024

La lutte continue pour sauver les dernières terres maraîchères nantaises

Mardi 16 janvier, à 7h30, le rendez-vous était donné au bout de la rue de Henri Loiret par le collectif « Sauvons les Gohards » pour empêcher l'avancée du chantier encore en instance judiciaire.

La lutte continue pour sauver les dernières terres maraîchères nantaises

19 Jan 2024

Mardi 16 janvier, à 7h30, le rendez-vous était donné au bout de la rue de Henri Loiret par le collectif « Sauvons les Gohards » pour empêcher l'avancée du chantier encore en instance judiciaire.

L’action du 9 décembre dernier n’aura pas suffit à faire prendre conscience à la mairie de la nécessité à stopper les travaux entamés sur des zones humides. Une dizaine de militant·es s’est donc mobilisée au petit matin du 16 janvier, pour protester contre des travaux qui ont débuté début janvier.  En arrivant au chantier des Gohards, les militant·es ont pu profiter d’une pause-café pour discuter avec le personnel du chantier. Les ouvriers du site étaient au courant de l’action depuis la veille. Des militant·es étaient passé·es, armé·es de croissants et de pains au chocolat, pour prévenir de la situation et de la suite du projet.

« On a déposé un premier référé suspension le 7 décembre. En 24h il a été rejeté sans audience, c’est n’importe quoi. On en a redéposé un plus court, qui allait directement sur les zones humides qui n’avaient pas été inventoriées par la métropole. Plusieurs jours après ils nous ont dit que c’était inutile de faire cette procédure d’urgence (référé de suspension) parce qu’une date d’audience avait été posé pour le 30 janvier. On a donc été informé par le rejet du référé de la date d’audience au lieu de la recevoir normalement et à part. Même les juristes qui nous suivent sont plus qu’étonnés de comment les choses se passent. » nous apprend Margot, membre du collectif organisateur « Sauvons les Gohards ». L’audience est donc prévue le 30 janvier.

Depuis plus de deux mois, la CGT de la mairie de Nantes demandent à être reçue.  Aucune réponse de Johanna Rolland ne leur a été donné, accentuant l’incompréhension partagé par le syndicat et les habitant.es, qui ne comprennent pas pourquoi la mairie n’attend pas le jugement sur les zones humides, « on a l’impression qu’ils veulent passer en force et faire un maximum de travaux avant l’audience, alors que c’est un chantier qui doit pourtant durer plusieurs années. ».

Deux militantes prennent conscience de l’ampleur du chantier

Avant que les camions ne tentent de rentrer dans le site, une courageuse chaîne humaine se forme et barre la route. S’ensuit des aller-retours entre le patron, les conducteurs et les militant·es pour arranger tout le monde. Résultat des négociations : aucun engin contenant du matériel pour continuer à démolir la zone ne sera autorisé à entrer, mais le livreur de tuyaux pourra déposer son chargement.

Une chaîne humaine se forme contre l’arrivée des camions

Une fois le soleil levé, il est l’heure d’aller constater les dégâts des quinze premiers jours de travaux. Là où se tenait la Maison de la résistance et des semences, il ne reste rien. K., étudiante en production horticole se désole « la métropole se vante d’un projet soi-disant écologique mais ne prend absolument pas en compte notre contre-projet d’écologie populaire en concertation avec les gens qui habitent là. On avait construit une maison pour accueillir les graines et lancé le contre-projet maraîcher, mais elle a été détruite par une entreprise qui a caché son logo pour pas qu’on l’attaque. On avait planté des arbres, fabriqué une mare pour les amphibiens, il y avait vraiment une volonté de protéger cet endroit et de faire quelque chose qui profite vraiment aux habitants. ». Le chef de chantier nous confiera qu’il s’agit d’une entreprise de démolition assermentée par la ville de Nantes, sans pouvoir en dévoiler le nom.

L’avancée du chantier

Une action soutenue par ses habitant.es

En revenant le long de la route nouvellement créée, deux personnes sortent dans leur jardin pour applaudir et soutenir l’action. Il s’agit de Lucette et de son fils, Franck. Elle habite cette maison depuis 1979. Franck, qui travaille en horaires décalés, aurait bien aimé pouvoir se reposer. « Ils commencent à 7h du matin à mettre leur machine en route, mon fils travaille en horaire décalés aux chemins de fer, il ne peut même plus dormir quand il rentre. C’est infâme ce qu’ils nous font, ils ont tout détruit, ils ont juste laissé quelques arbres mais pour combien de temps ? La semaine dernière ils sont revenus en abattre. » nous raconte Lucette. Elle ne décolère pas, 45 ans qu’elle habite ici, que tous les matins elle prenait plaisir à respirer « son poumon vert » comme elle l’appelle. Maintenant, la seule vue qu’on lui propose, ce sont les toilettes du chantier accompagnées du bruit des pelleteuses.

10h n’a pas encore sonné qu’une voiture de trois policiers arrive. Ils viennent relever l’identité de ce qui serait le « chef » des militant·es. Une main courante sera déposée à son encontre, leur informe les forces de l’ordre. Leur intervention amènera à un arrêt des travaux, du moins pour la journée.

On peut douter de la volonté du chef de chantier à cesser leur activité, ce dernier reviendra 15 minutes plus tard accompagné d’un camion de chargement pour, selon ses dires, « arrêter le chauffage ».

Un groupe de militants discutent devant le tractopelle

Pour continuer le combat, le collectif « Sauvons les Gohards » serait heureux d’accueillir de nouveaux soutiens pour maintenir une pression et ne pas laisser les travaux continuer. Abé, une camarade de la promotion de K. continuera tant qu’elle le peut à venir pour tenter de sauver des terres « qui pourraient servir à nourrir des gens plutôt que de construire un semblant d’éco quartier pour des personnes aisées qui veulent quitter le centre-ville et qui en ont les moyens. Avec ces espaces on pourrait nourrir les gens et notamment les cantines des primaires et des EHPADs. »

Antoine Leborgne, programmateur de l'Agronaute

L'Agronaute, au cœur des transitions écologiques et sociales

Paul Watson, une figure à double tranchant

Plus vite, plus fort, et à plus grande échelle : c’est dans l’idée de se construire comme journaliste et faire porter la voix des autres qu’elle a rejoint Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017