11 décembre 2023

Sauvons les Gohards, dernières terres maraîchères nantaises

Samedi 9 décembre 2023, plusieurs centaines de personnes étaient présentes à Doulon pour combattre la disparition des dernières terres maraîchères nantaises. Après plus d'un an de lutte avec la mairie, récit d'une journée historique.

Sauvons les Gohards, dernières terres maraîchères nantaises

11 Déc 2023

Samedi 9 décembre 2023, plusieurs centaines de personnes étaient présentes à Doulon pour combattre la disparition des dernières terres maraîchères nantaises. Après plus d'un an de lutte avec la mairie, récit d'une journée historique.

Dans le cadre des journées contre le béton, le collectif « Sauvons les Gohards » organisait une journée de mobilisation. Du jeune architecte à l’agriculteur à la retraite, ce sont plus de 800 personnes qui ont répondu à l’appel pour dénoncer l’artificialisation des dernières terres maraîchères nantaises.

Ce même matin, Johanna Rolland avait décidé d’inaugurer une allée non loin de là, devant une cinquantaine de personnes. Mais elle n’avait visiblement pas le temps (ou l’envie ?) de rendre visite aux centaines de personnes présentes quelques mètres plus loin. Multipliant les forces de l’ordre autour de l’arrivée des lieux, ce n’est pas moins de huit fourgons de CRS qui retiendront les tracteurs. Nos agriculteurs ont du talent, ils parviendront malgré tout à se frayer un chemin, et ce, en dépit d’un talus apparu la veille du rassemblement à l’entrée des lieux.

Au programme de ce début de matinée pluvieuse et venteuse, il a fallu piocher, pelleter et planter. La lutte pour le vivant tisse des liens, et des personnes venues des quatre coins de la France étaient présentes. En l’espace de quelques heures, une cinquantaine d’arbres ont été plantés et une mare a été creusée pour le plus grand bonheur des amphibiens.

De l’enduit terre paille, une charpente en bois, des panneaux de paille et un toit en tôle composent la « Maison de la Résistance et des Semences ». Ce bâtiment est la première pierre à l’édifice du contre-projet imaginé par des paysagistes, des agriculteur.rices, des architectes et des maraîcher.ères.

Karim Lahiani, un visage de la lutte contre l’A69 entre Toulouse et Castres, était présent. Jeune urbaniste d’une trentaine d’années, il est un des auteurs du contre-projet écologique proposé pour redynamiser la nationale plutôt que de construire une autoroute. Aujourd’hui il souhaite construire de nouveaux projets alternatifs, sociaux et écologiques face aux projets capitalistes et écocides. C’est dans cette dynamique qu’il est venu rejoindre les Gohards.

Des plants d’arbres ramenés au jardin des ronces

De ces espaces, « La CGT ville de Nantes et l’UFICT CGT revendiquent la restitutions de ces terres autrefois cultivées par le service Nature et Jardin » comme l’indique le collectif « Sauvons les Gohards ». Mieux encore, ils proposent la création d’une ferme communale qui permettrait de nourrir les Nantais.es de la crèche aux EHPADs.

Après un repas chaud, le cortège s’élance à la suite de trois tracteurs dans le quartier. Partout, des manifestations de soutien des habitant.es, des signes de mains, des klaxons, certains rejoignent même la marche ! La joyeuse troupe ira jusqu’à l’usine Lafarge de Sainte Luce pour marquer cette marche de mobilisation. Elle sera stoppée par les gendarmes avant de pouvoir rentrer sur le lieu.

Mais pourquoi tant de remue-ménage ?

Parce que l’étude d’impact qui a été effectuée est incomplète, une contre-expertise a été réalisée par des scientifiques et prouve l’existence de zones humides sur le futur chantier. Même si le Tribunal administratif de Nantes a rejeté le premier recours déposé pour stopper l’avancer des travaux, il admet « un doute sérieux sur la présence de zones humide sur le terrain ». Ces zones sont un trésor de biodiversité et participent activement à la régulation des crues. La mairie se devrait de cessez les travaux jusqu’au jugement de l’autorisation environnementale. Celle-ci s’était engagée à « protéger tous les espaces à potentiel de production alimentaire d’ici 2030 ».

Les tracteurs lancent le début de la manifestation

Contactée à plusieurs reprise, la mairie n’a jamais donné signe de vie, comme souvent lorsque des citoyens tentent d’interpeler les pouvoirs publics. D’après le GIEC des Pays de la Loire, la Loire Atlantique est un des départements les plus bétonnés de France.

Malgré tout il faudrait artificialiser 50 hectares des dernières terres maraîchères et naturelles nantaises, sous couvert de faire un éco-quartier qui habiterait quelques fermes urbaines. La crise du logement n’épargne pas Nantes, il est est en effet important de trouver de nouveaux espaces d’habitation.

Des logements, mais pour qui ?

Nantes métropole concentre ses efforts sur des logements au loyer bien trop exorbitant pour la majorité de la population. Elle va jusqu’à détruire des logements sociaux pour contenter ses nouveaux clients. Ce fut le cas lors de la destruction de l’édit de Nantes, un ancien foyer jeunes travailleurs, riche de 80 logements, réduits à n’être que 8 grandes résidences de luxe. Plus inquiétant, lorsque la ville ne remplit même pas de moitié ses objectifs de construction de nouveaux logements sociaux, elle veut en détruire une centaine place Mendès France. Les compensations pour les habitants ? Un chèque. Aucune solution de relogement n’est proposée aux familles. Il serait de bon ton de leur rappeler l’humain derrière le loyer.

Les Soulèvements de la Terre parmi les organisations signataires

« À tout hasard, pourquoi ne pas se servir des 72 000m2 d’extension, accordé au centre commercial Paridis, pour accueillir 2000 nouveaux logements ? Les terres sont déjà artificialisées, proches du centre et bien desservies ?  » se questionne Hélène, étudiante BTS en production horticole au Grand Blottereau.

Ce cadeau fait à Pierre Chartier ne viendra malheureusement pas répondre aux problématiques urgentes, mais gaver un capitalisme déjà bien empâté. Ce nom ne vous dit rien ? Pourtant, en tant que Nantais, vous avez déjà du vous rendre sur une de ses terres. Il est l’heureux propriétaire des murs d’Atlantis et de Paridis. Ce multimillionnaire français décrit comme « sans état d’âme » par Médiacités, est classé parmi les 500 premières fortunes de France d’après le magazine « Challenges ». Le malheur des uns doit faire le bonheur des autres, la fortune de Monsieur Chartier a bondi de 100 à 350 millions d’euros entre l’année du COVID et la fin de celle-ci.

Après la pluie vient le beau temps

Cette journée, Sainte Luce aura sans doute vu naître sa première manifestation.

Les collectifs présents appellent à faire grandir la lutte pour le maintien du vivant et contre les entreprises reconnues complices de crimes contre l’humanité. Pour un avenir plus vert et plus radieux.

Les pratiques citoyennes au cœur de la collecte des déchets à Nantes

Entretien avec Joseph Violain, expert de l'eau du département

Plus vite, plus fort, et à plus grande échelle : c’est dans l’idée de se construire comme journaliste et faire porter la voix des autres qu’elle a rejoint Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017