17 novembre 2023

La DJ Aïnhoa veut faire bouger les gens et les lignes

Le jeudi 23 novembre, la DJ nantaise Aïnhoa viendra mixer lors de notre première soirée « Are you Fragil ?#1 » à la Maison café. Fragil en a profité pour vous livrer le quotidien d’une artiste, tromboniste récemment devenue DJ, qui cherche à imposer son style et à faire danser les nantais·es !

La DJ Aïnhoa veut faire bouger les gens et les lignes

17 Nov 2023

Le jeudi 23 novembre, la DJ nantaise Aïnhoa viendra mixer lors de notre première soirée « Are you Fragil ?#1 » à la Maison café. Fragil en a profité pour vous livrer le quotidien d’une artiste, tromboniste récemment devenue DJ, qui cherche à imposer son style et à faire danser les nantais·es !

Aïnhoa est déjà une artiste plus que confirmée, elle évolue dans plusieurs groupes de musique, avec des styles variés. La fanfare 30 nuances de noir·es, le groupe de musique brésilienne de son père « Amazônia », un groupe d’Afrobeat et de salsa cubaine, rythment ses semaines. Elle rejoint également en 2021 Raymonde, collectif musical féministe qui promeut les femmes et les minorités de genres, où elle retrouve « une vraie solidarité qu ‘[elle] ne retrouve pas forcément chez les mecs ».
Aïnhoa donne aussi depuis plusieurs années des cours de Trombone via l’association « Urbains’band » qui permet à des enfants des Dervallières ou d’autres quartiers nantais de découvrir un instrument et de faire partie d’une fanfare. D’ailleurs elle nous révèle avec fierté que la plupart de ses élèves trombonistes sont des filles, une évolution car « on a trop masculinisé ces instruments (cuivres) alors que pourtant, il n’y a pas de genre associé ». Plus récemment, elle a rejoint la radio Prun pour devenir programmatrice musicale bénévole !

En direct de la Maison café, Aïnhoa nous livre avec humour, bienveillance et transparence son quotidien entremêlé par la solidarité entre musicien·nes, les difficultés à se faire sa place et sa volonté de faire danser les gens. Être DJ, au-delà de ses autres pratiques musicales, c’est son truc à elle.

DJ Aïnhoa à la Maison Café où elle mixera le 23/11

Moi j’ai choisi le trombone alors que mon père m’avait fait essayer le violon et la flûte traversière.

D’où sont nées tes passions pour la musique et pour le mix ?

J’ai toujours été dans la musique, du Ce2 à la terminale j’étais en classe à horaires aménagées pour pratiquer le trombone au conservatoire de Nantes. À mon époque c’était du classique ou rien alors qu’aujourd’hui elles sont un peu plus diversifiées avec le jazz et les musiques actuelles.

Moi j’ai choisi le trombone alors que mon père m’avait fait essayer le violon et la flûte traversière. Et puis j’ai eu un coup de coeur pour le trombone. Mon père m’a raconté que lorsque je lui ai annoncé, il a pleuré ! C’est très brésilien en plus comme instrument.

Qu’est ce qui t’a amenée à mixer ?

Mixer ça fait que quelques mois, même pas un an. Mais ça faisait peut-être 10 ans que j’avais envie de mixer, donc j’ai bien procrastiné là-dessus. [Rires] Les temps sont difficiles, donc financièrement je me suis dit que ça pourrait peut-être m’aider aussi, on va pas se mentir. Mon premier mix c’était à Nantes, avec le collectif Raymonde, pour un appel de fond.

Tu as mixé à Décadanse le week-end d’Halloween, comment le public nantais a réagi à ton set ?

La Santa muerte c’était cool mais j’étais pas au courant du thème « latino »…donc je suis arrivée un peu étonnée. J’ai re-bossé un petit set de début de soirée et je suis repartie sur ce que je connaissais. La réaction du public était cool, je suis quand même restée un peu club. Le public était plutôt dedans, mais bon si tu fais un 18-22 c’est dur de faire bouger les gens. Et puis Nantes c’est clairement une ville électro, techno, rock.

Pourquoi c’est difficile de jouer de la black music à Nantes ?

L’Afro vibe et le Hip-hop à Nantes c’est pas facile, il y a un public mais qui ne sort pas énormément. J’adore le hip-hop mais le public Nantais ne va pas forcément danser dessus. Tout ce qui est black music n’est pas évident à vendre, mais une fois que tu mixes les gens kiffent et le patron te rappelle.

Mon premier mix c’était à Nantes, avec le collectif Raymonde

C’est quoi le style de musique que tu mixes ?

Ce que je mixe c’est ce que j’écoute de base, je m’adapte pour faire danser les gens. Le hip-hop et l’Afro vibe au sens large, pas que de l’Afro beat, mais également du Carribéen de la Baile funk fusion, du Ragga dance hall… Le hip-hop j’adore ça mais je vais pas en passer à 2h du matin, ce sera plutôt en début de soirée.

Je me retrouve aussi dans d’autre DJ nantais.es comme DJ Moussa dont je suis super fan, c’est dans cette rue au Baroudeur que je l’ai vu mixer et depuis je suis à tous ses DJ sets, lui il fait du hip-hop. Pas comme au Hangar à bananes ou au Détroit où tu peux retrouver du Maître Gims… D’ailleurs c’est un super challenge de ne pas avoir beaucoup de DJ hip-hop.

Dj Aïnhoa, dj set à la chaumière ©Matthieu Trancoen

On a l’impression que ce que tu mixes c’est ton truc à toi, que tu ne retrouvais pas forcément dans ta formation classique et dans tes groupes ?

Exactement, je n’avais pas de projet à moi donc c’est vraiment mes goûts personnels même si je m’adapte aussi au public, ça reste ce que je télécharge. Ça me reflète plus moi, que quand je joue. Même si mon trombone c’est mon fils [Rires]

Tout le monde me demande pourquoi je ne fais pas du trombone en même temps que de mixer. Pour le moment c’est pas à l’ordre du jour, car pour l’instant c’est plutôt d’enregistrer des mix pour les mettre sur soundcloud pour pouvoir me démarcher avec de la matière, et de mixer ailleurs qu’à Nantes. Car le fait d’être musicienne m’a aidée pour le réseau, j’y suis allée au culot au début.

Les musiciens me disent « ah c’est toi la danseuse ? ». Comme si je ne pouvais pas jouer d’un instrument.

C’est quoi la place d’une femme DJ en France, à Nantes ?

J’ai l’impression que quand tu es une femme, comme dans la musique, dans un groupe avec danseuses et musiciennes, si j’arrive à une répétition, sans plumes pourtant [Rires], les musiciens me disent « ah c’est toi la danseuse ? ». Comme si je ne pouvais pas jouer d’un instrument. Et il y a un peu ce truc là avec le mix, on est moins crédibles parce qu’on est des femmes, comme si on ne pouvait pas appuyer sur des boutons ! Comme si on ne pouvait pas être geek nous aussi. Donc si t’as pas de mix enregistrés c’est une limite en plus. De toute façon je crois que dans n’importe quel domaine c’est la même chose. [Exaspération]

Être DJ ça peut t’aider financièrement ? Est-ce qu’on peut en vivre ?

Oui, mais actuellement pour moi ce ne serait pas possible car je viens de commencer. Quand tu débutes tu es au minimum syndical, ce qui est normal. Mais il faut avoir beaucoup de dates pour pouvoir en vivre.  Moi je peux en vivre car je fais des concerts à côté, et que je donne des cours de musique. Mais bon, je suis pas riche non plus. [Rires]

Tu souhaites continuer sur ce rythme (différents groupes, mix, cours) ?

Oui mais j’aimerais plus de mix, ça ne tient qu’à moi de m’enregistrer et de démarcher. Je trouve ça chiant, je suis pas dans l’administratif ou la communication. Mais le fait d’être dans le collectif Raymonde ça aide pas mal aussi, c’est un réseau, on essaye de se refiler les plans où on serait pas disponibles. Il y a une vrai solidarité dans Raymonde. Il y a beaucoup de collectifs aujourd’hui, ça aide à avoir une crédibilité. Une vraie solidarité que je retrouve pas forcément chez les mecs. Il y a que des paroles [Rires]. Mais bon ça donne envie de plus se battre.

Quels sont tes prochains temps fort ?

Pendant le festival Culture Bar-Bars, je serai le 23 à la Maison Café pour « Are you Fragil#1 », le 24 au Mojo dans la même rue (Maréchal Joffre). Et le 25 avec le groupe de mon père « Amazonia » chez Maurice !

J’aimerais aussi un jour mixer à Couleur Café, un festival à Bruxelles où les gens sont un peu plus ouverts qu’ici.[Rires] 

J’aimerais aussi jouer avec DJ Aïda et DJ sista loka. Entre DJ nantaises, on est super solidaires aussi, on se refile des plans ou on essaye de jouer à deux même si c’est compliqué car ça veut dire deux cachets pour les bars. Même si quand on programme un groupe on paie tous les musiciens…

Notre magazine s’appelle « Fragil ». C’est quoi ton rapport à la fragilité ?

La fragilité pour moi, c’est beau, c’est …quand tu lâches prise, tu laisses tomber les barrières. Généralement, tu n’aimes pas montrer que tu es fragile, que tu es faible, mais c’est bête car finalement c’est juste te montrer toi. Ton vrai toi. Aujourd’hui j’y arrive en mixant même si au début c’était pas si évident. Maintenant je suis à l’aise, je peux même boire une bière en mixant.

Pour suivre les actualités musicales d’Aïnhoa : c’est ici !

FESTIVAL CULTURE BAR-BARS 2023 : 110 bars et clubs nantais en fête !

“Papier gâché” : La résilience des collectifs artistiques face aux annulations d’événements.

23 ans, originaire de Laval, future journaliste ? je suis très attentive et curieuse du monde qui m'entoure ! j'adore faire des playlists à rallonge et écouter les gens parler.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017