29 octobre 2024

La Cale 2 L’Île, un acteur social à la recherche d’un nouveau cap

D’ici à 2030, la Cale 2 l’Île, fervente défenseuse du patrimoine fluvial et maritime nantais, fêtera ses quarante ans. Pourtant, sa rentrée 2024-2025 est mouvementée : réorganisation à la mi-novembre du CA, départ de son président, restrictions d’accueil du public depuis 2020 et réduction des subventions. Les adhérent·es s’inquiètent de ne plus pouvoir assumer leurs missions sociales.

La Cale 2 L’Île, un acteur social à la recherche d’un nouveau cap

29 Oct 2024

D’ici à 2030, la Cale 2 l’Île, fervente défenseuse du patrimoine fluvial et maritime nantais, fêtera ses quarante ans. Pourtant, sa rentrée 2024-2025 est mouvementée : réorganisation à la mi-novembre du CA, départ de son président, restrictions d’accueil du public depuis 2020 et réduction des subventions. Les adhérent·es s’inquiètent de ne plus pouvoir assumer leurs missions sociales.

« À la Cale 2 L’Île on répare des bateaux mais pas que» explique fièrement Laurent Peneau, membre du CA et responsable de l’accueil du public dans l’association. Ses mots traduisent le rôle crucial joué par les membres adhérent·es pour répondre à trois missions : la préservation du patrimoine, la navigation des bateaux et l’inclusion sociale qui font de La Cale, un lieu privilégié et bien ancré dans le paysage associatif nantais.

Une transmission des valeurs communes grâce à une mixité sociale et intergénérationnelle

La Cale 2 l’Île est composée actuellement de plus d’une centaine de membres. Ils et elles viennent tous·tes ici avec une idée en tête, un projet et une expérience particulière. Les adhérent·tes sont tou·tes animé·es de la même volonté et la même passion pour la navigation. La transmission des savoir-faire reste au cœur du projet comme le confie Rudy Etcheverry, aussi membre du CA : « on a à cœur que ceux qui savent transmettent aux autres, c’est important ».

Il y a une vraie relation qui s’est tissée au fil des années entre les anciennes et les nouvelles générations pour suivre les étapes de construction et de réparation en charpenterie du bois et de la menuiserie. Ces liens sont aussi renforcés par le partage de valeurs communes telles que la solidarité, la bienveillance et la générosité prônées par les adhérent·es : «c’est comme une seconde famille» nous révèlent Rudy.

Dans le hangar de l’association : à gauche Laurent Peneau, bénévole, au centre deux stagiaires curieux  en CAP menuiserie d’origine guinéenne (anonymes) Rudy Etcheverry, bénévole, et à droite Jean-Luc Redais, bénévole. 16/10/2024

Un rôle social nécessaire mais plus difficile à assumer

La Cale 2 l’Île accueille un public très varié dans le cadre de ses missions sociales et ses accords avec la ville de Nantes et du département de Loire-Atlantique.  Elle a assuré en 2024 l’encadrement de 200 stagiaires issu·es de diverses écoles de la région et de la métropole comme nous le précise Laurent Peneau : «on reçoit des stagiaires tous les jours : venant des lycées techniques comme Michelet à Nantes pour le bois, de la MFR (Maison Familiale Rurale), des apprentis en CAP Menuiserie, venant de l’école de charpente marine Skol Ar Mor (situé à Mesquer, près de St Nazaire)». Laurent s’occupe aussi de l’accueil des groupes ponctuels venus découvrir les chantiers comme des personnes porteuses de handicaps ou ayant des troubles sociaux et psychologiques qui sont suivies par le CHU. Laurent doit également gérer l’encadrement des TIG (Travail d’intérêt général). Néanmoins malgré l’habilitation avec le Tribunal d’Instance, il est de plus en plus difficile de recevoir plus de trois TIG par mois nous explique Jean-Luc Redais, membre du CA et chargé du secrétariat : «Avant le covid, on pouvait accueillir 20 à 22 TIG par mois mais maintenant c’est plus 3 TIG». Pour lui, c’est dû à une baisse des effectifs de l’association : «Il y a moins de bénévoles qu’avant pour encadrer ces groupes».

Les bénévoles constatent avec amertume un manque de moyen évident pour assurer leurs missions sociales en raison d’une restriction décrétée par la ville de Nantes pour accueillir le grand public, pour des raisons de sécurité. La diminution des visites nuit à l’activité des adhérent·tes qui ne peuvent plus s’associer à des partenaires comme Sequoia pour préparer des ateliers pédagogiques ou encore recevoir des jeunes publics défavorisés comme avec l’association ACCES (Actions Culturelles Contre les Exclusions et les Ségrégations). Pis encore, les bénévoles elleux-mêmes ont aussi officiellement une restriction pour circuler dans le hangar souligne Jean-Luc Redais : «les adhérents ne peuvent pas officiellement, mais sont tolérés pour, rentrer dans les locaux, un des bureaux à l’étage doit être fermé, trop loin d’un escalier de sécurité»

Des aides financières en moins

L’association reçoit annuellement une subvention de la part du département de Loire-Atlantique pour assurer leurs missions sociales mais pas pour l’année 2024 . Elle représente un tiers du budget de La Cale 2 l’Île. Laurent et Jean-Luc évoquent avec inquiétude le déséquilibre entre la demande du département et leur manque de moyen pour recevoir davantage de public : « on n’a pas d’outils, on a pas de matériels, on a pas de local pour avoir des stagiaires il faut avoir des choses à leur donner». En outre la baisse du budget s’explique aussi par un manque de renouvellement des frais d’adhésions.

Des perspectives pour un engagement social plus durable

À la mi-novembre les bénévoles de La Cale 2 l’Île éliront dans une AG extraordinaire un nouveau CA et un nouveau président. Pour Rudy Etcheverry, c’est l’occasion de se renouveler en profitant du dynamisme touristique nantais et de s’inscrire aussi comme un marqueur social et historique incontournable à l’image de l’ouverture du parc au bateau l’été dernier et l’afflux massif de curieux lors du Voyage à Nantes.

 

Professeur d’histoire-géographie, Pierre observe avec curiosité les changements de sa ville natale. Entre ses promenades à Chantenay, sa passion pour le backgammon et ses racines iraniennes, il explore à sa manière l’histoire et la culture.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017