9 juin 2021

Journalisme de solutions à Nantes : un temps d’échange encourageant

C’est au sein du Médiacampus à Nantes que l’équipe des Reporters d’Espoirs et son président Gilles Vanderpooten se sont installés pour la 4ème étape du “Tour des Reporters d’Espoir” (T.R.E). L’occasion pour Fragil d’aller à la rencontre des “journalistes et professionnels des médias” pour un temps d’échange autour du journalisme de solution.

Journalisme de solutions à Nantes : un temps d’échange encourageant

09 Juin 2021

C’est au sein du Médiacampus à Nantes que l’équipe des Reporters d’Espoirs et son président Gilles Vanderpooten se sont installés pour la 4ème étape du “Tour des Reporters d’Espoir” (T.R.E). L’occasion pour Fragil d’aller à la rencontre des “journalistes et professionnels des médias” pour un temps d’échange autour du journalisme de solution.

Journalisme de solutions : succès, échecs et raisons d’y croire

“Encourageant” c’est ainsi que Marie Bertin, journaliste et rédactrice en chef du magazine Les Autres Possibles, qui participait au Tour des Reporters d’Espoirs, qualifie le temps d’échange de l’après-midi. Installé à Nantes pour 48 h les jeudi 6 et vendredi 7 mai, le “Tour des Reporters d’Espoirs” est une initiative de l’ONG Reporters d’Espoirs. Cette association d’intérêt général créée en 2004 promeut la diffusion du journalisme de solution en France.

Afin de “s’immerger au cœur des rédactions et partager les bonnes pratiques”, le T.R.E à Nantes s’est déroulé en deux parties : une rencontre l’après-midi avec les journalistes et professionnels.les des médias, et une rencontre en format hybride le soir, en présentiel et en diffusion sur Twitch, avec les étudiants d’Audencia Sciences Com.

Mais le journalisme de solutions, qu’est-ce que c’est ?

Dans les années 1990, une nouvelle forme de journalisme à vu le jour. Un journalisme qui examinait ce que les gens et les institutions faisaient pour résoudre les problèmes sociaux. Aux États-Unis, c’est le journalisme civique qui a pris de l’ampleur et au Danemark, le journalisme constructif. Ces deux formes de journalisme sont très proches du journalisme de solutions.

En 2004, l’ONG Reporters d’Espoirs est créée et promeut le concept de journalisme de solutions qu’elle qualifie de “journalisme qui s’emploie à analyser et à diffuser la connaissance d’initiatives qui apportent des réponses concrètes, reproductibles, à des problèmes de société, économiques, sociaux, écologiques”. 

Complétant cette définition, la question d’accessibilité du sujet est à l’amorce de la pratique selon Marie Bertin. La rédactrice en chef du magazine local, relève également la nature des propositions, qui peuvent être “faites par le monde associatif, le monde de l’entreprise, les collectivités, de simples citoyens”. 

Marie Bertin – rédactrice en chef du magazine Les Autres Possibles

Lutter contre la mafia en Sicile ou créer un “téléphone équitable”, voici des exemples de journalisme de solutions mis en avant par Gilles Vanderpooten, directeur de l’ONG, lors de la conférence de l’après-midi avec les journalistes et professionnels des médias. Le journalisme de solutions se traduit de différentes manières et traite des sujets divers et variés. Contrairement aux articles cités par Gilles Vanderpooten qui interviennent à l’échelle nationale, le journalisme de solutions chez Les Autres Possibles intervient lui à l’échelle locale “On s’intéresse aux solutions solidaires et durables qui émergent sur le territoire nantais, on fait un journalisme de solution local” comme nous l’explique Marie Bertin. 

L’émergence du journalisme de solutions à travers les actions des journalistes et des professionnels des médias

Temps d’échange entre Gilles Vanderpooten et les journalistes et professionnels des médias

Bien que la définition du journalisme de solutions ait été globalement validée par les journalistes présents lors du temps d’échange de l’après-midi, pour dire qu’il ne s’agit pas d’une ligne éditoriale en elle-même mais plus d’une méthode, certaines subtilités restent à discuter.

À partir de quel moment pouvons-nous dire qu’un média fait du journalisme de solutions ?” telle est la question posée par les participants du temps d’échange.

Les points de vue divergent, pour certains la simple mise en avant d’initiatives s’inscrit dans du journalisme de solutions. Pour d’autres, comme le pense Marie Bertin “il faut toujours voir plus loin que la simple présentation d’initiatives.” Une position qui se traduit chez Les Autres Possibles comme nous l’explique la rédactrice en chef du magazine : “essayer de ne pas être dans la simple présentation d’initiatives, mais de passer du côté de l’investigation sur l’initiative.” 

Elle nuance, en expliquant que la position dépend des rédactions et que la simple présentation d’initiative “est une fenêtre sur le sujet […] qui a le mérite d’exister”. 

Est-ce que le journalisme de solution permet de renouer le lien avec les lecteurs ? » telle est l’autre question posée par les participants

Gilles Vanderpooten a montré l’émergence de l’intérêt du journalisme de solution pour les lecteurs. Lors de la sortie de l’article “Le village éthiopien qui ne craint plus ni la sécheresse ni l’exode” dans Le Monde Afrique, les lecteurs ont réagi puisque la lecture complète de celui-ci était réservée aux abonnés. 

Du côté du magazine Les Autres Possibles, le lien avec les lecteurs est très présent. Les Autres Possibles étant un magazine agissant à l’échelle locale, avec une rédaction à taille humaine, les échanges sont fréquents et globalement positifs. Comme Marie Bertin le disait lors du temps d’échange organisé par Reporters d’Espoirs et lors de l’interview, “il y a même des lecteurs qui viennent nous voir pour nous dire que grâce à tel ou tel article, ils ont rejoint telle ou telle association…”. Un retour gratifiant de la part des lecteurs que la rédactrice en chef du magazine Les Autres Possibles qualifie “d’encourageant”.

Visuel de l’avant dernier numéro du magazine Les Autres Possibles

“Positivisme, un peu simpliste”

Selon Gilles Vanderpooten, une des idées reçues à propos du journalisme de solutions, c’est qu’il peut être comparé au journalisme de bonnes nouvelles, positiviste. Or, comme il l’explique, le journalisme de solution est dans une approche constructive “problèmes + solutions”. Des propos appuyés par Les Autres Possibles comme nous l’explique Marie Bertin “le but c’est aussi d’éviter de faire de l’anecdotique et d’éviter de faire du positivisme un peu simpliste”.

Le Tour des Reporters d’Espoirs à Nantes a permis “aux journalistes et professionnels de médias” d’échanger de leurs bonnes pratiques éditoriales, et de discuter de manière informelle pour partager des interrogations, des besoins, des bonnes pratiques… Une conférence qui a conforté Marie Bertin dans l’idée que le journalisme de solution ne fait qu’émerger :“c’est bien d’avoir comme ça des échos de ce qui se fait dans les autres régions à d’autres échelles, et même d’entendre dire que dans les médias « traditionnels » historiques, on commence à développer des rubriques, on commence à lancer des cahiers spéciaux “.

Un temps d’échange que Marie Bertin, qualifie une deuxième fois d’ “Encourageant. Parce qu’on sent un intérêt grandissant pour ce journalisme.

Rencontre entre Gilles Vanderpooten et les étudiants d’Audencia SciencesCom

Cette journée était organisée pour les journalistes et les professionnels des médias, mais également pour les étudiants et étudiantes d’Audencia SciencesCom. Les étudiant.e.s ont eu l’opportunité d’interviewer Gilles Vanderpooten en format hybride en présentiel au sein du Médiacampus avec une diffusion en direct sur Twitch. L’occasion de mettre en avant le journalisme de solution à l’échelle nationale.

L’interview de Marie Bertin, rédactrice en chef du magazine les Autres Possibles, et le temps d’échange organisé à l’occasion du Tour Des Reporters d’Espoirs, a permis de redéfinir le journalisme de solution et de voir l’émergence et l’intérêt grandissant pour les professionnels comme pour les lecteurs de cette forme de journalisme.

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Curieuse, créative, volontaire... Jann aime les activités manuelles (peinture, dessin, couture..), le yoga et dernièrement s'est découvert une passion pour la création de podcasts. Jann a vécu l'aventure Fragil en tant que volontaire en service civique pendant 8 mois.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017