7 février 2018

Hybris : l’amour en maux

Hybris : l’amour en maux

07 Fév 2018

Sur scène, deux comédiens, un homme, une femme racontent chacun et ensemble une histoire d’amour, toutes les histoires d’amour, de celles qui finissent mal. Ils sont pêle-mêle Lui et Elle, différents personnages à différents moments de différentes histoires.

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Bastien Capela

Ils vont nous montrer, faire exister avec une incroyable acuité ces instants de l’amour cueillis sur le vif, des tout débuts au lyrisme tendrement ampoulé jusqu’aux rages passionnelles, rompues au désespoir, d’une cruauté complice. Ces moments où les êtres qui se connaissent trop se cherchent encore, cherchent à dire, à se dire. Ces solitudes croisées qui tâtonnent dans le noir, insolites et tellement familières. Ces moments de rumination intérieure, de décantation impossible, de sens qui se dérobe et ne laisse que le vide en écho.

Le ton est impeccable, l’interprétation jubilatoire, ténue, subtile, totalement équilibrée entre les deux comédiens.

Dans une langue à la fois poétique et triviale, contemporaine et intemporelle, toujours férocement juste, les deux comédiens incarnent la lutte et l’abandon, l’accord et la dispute, l’espoir et le renoncement. Le ton est impeccable, l’interprétation jubilatoire, ténue, subtile, totalement équilibrée entre les deux comédiens. Le texte nous parvient avec une fulgurante clarté, puissant, profondément incarné, passé généreusement à l’épreuve des corps. La mécanique du jeu parfaite oscille avec brio entre la tragédie et le comique, l’universel et l’intime. Les monologues poignants racontent l’indicible, les duos se renvoient la balle des mots dans une chorégraphie millimétrée, sans perdre le souffle de l’authentique.

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Bastien Capela

Brillante, formidablement maitrisée, la mise en scène étire et distille le temps à l’envi.

Brillante, formidablement maitrisée, la mise en scène étire et distille le temps à l’envi. Un temps balisé par la comédienne déjà en scène au début du spectacle qui accompagne l’entrée du public. Elle susurre au micro le texte qu’elle donnera vraiment à entendre plus tard, et qui déjà parle de rupture et d’absence.

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Bastien Capela

Le temps est comme aboli et omniprésent à la fois, rythmé par une musique jouée en live, hypnotique et envoutante…

Le temps est comme aboli et omniprésent à la fois, rythmé par une musique jouée en live, hypnotique et envoutante, redoutable, qui vous suit jusqu’à la sortie du spectacle, pour boucler la boucle. Les quatre musiciens, figures sombres et statuaires, étrangement extérieurs et pourtant extrêmement présents créent une autre forme de continuité, délimitent l’espace avec le son, appuient la cohérence de l’ensemble. Un très beau moment de théâtre, d’une profonde intelligence, de celles qui vous emportent.

Texte, mise en scène et interprétation Vanille Fiaux et Manuel Garcie-Kilian/ Fitorio Théâtre

Musique live Seilman Bellinsky : Rémy Belllin, Anthony Fleury, Pierre-Antoine Parois, Jonathan Seilman

TU, du 6 au 9 février

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Pour que vive Marianne…

Communicante passionnée de contact et d'expériences humaines, d'art et de culture : théâtre, cinéma, et expositions

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017