7 décembre 2018

Guillaume Meurice : la satire chevillée au corps

L’espace culturel du Champilambart de Vallet accueillait, vendredi 16 novembre, le spectacle « Que demande le peuple » de l’humoriste Guillaume Meurice. Dans un spectacle déjà bien rodé et joué pour la 450ème fois ce vendredi soir, l’humoriste a déployé son talent et son humour de manière magistrale.

Guillaume Meurice : la satire chevillée au corps

07 Déc 2018

L’espace culturel du Champilambart de Vallet accueillait, vendredi 16 novembre, le spectacle « Que demande le peuple » de l’humoriste Guillaume Meurice. Dans un spectacle déjà bien rodé et joué pour la 450ème fois ce vendredi soir, l’humoriste a déployé son talent et son humour de manière magistrale.

Dans un spectacle féroce mais également teinté de nombreuses subtilités, l’humoriste de France Inter a incarné le personnage de Xavier, un cadre expert dans l’art de la communication toujours plus disruptif. Le Champilambart a fait salle comble pour regarder cette caricature du cadre dynamique moderne brillamment interprété par l’humoriste. Pendant près de deux heures, ce dernier a provoqué l’hilarité générale dans une ambiance détendue.

Un personnage brillamment façonné

Profondément ancré à gauche, Guillaume Meurice passe en revue l’ensemble de la classe politique en prenant soin de n’épargner personne. Confortablement installé dans son costume trois-pièces dans la peau du parfait communicant, Guillaume Meurice explose les discours bien ficelés de la « startup nation » avec une bonne dose de cynisme et de second degré. Face à un public local et habitué des lieux, Guillaume Meurice réussit la prouesse de mettre l’ensemble des spectateurs dans sa poche par son humour incisif et percutant qui perce les codes de la novlangue communicante.

Parfaitement coiffé et bien habillé, notre expert en communication du jour crache son mépris des plus pauvres de manière décomplexée, enchaînant lapsus et grossièretés à l’égard des classes populaires et des provinciaux. Ce qui interroge également, c’est que notre humoriste du soir assure avoir été dépassé par une réalité épousant à la perfection les traits pourtant grossis du personnage qu’il interprète. Bien que l’hyperbole semblait évidente à l’écriture, Guillaume Meurice nous fait l’amer constat d’un modèle de pensée bien ancrée dans notre société désormais.

Guillaume Meurice se présente sous la facette de Xavier, cadre en communication. Crédit photo : missbutterflies sur Flickr

Du talent et de l’humour corrosif à souhait

Dramatisant avec humour et dérision sa présence à Vallet, Guillaume Meurice s’est confié sur des sujets sociétaux assez profonds qui le touche particulièrement. Caché sous le personnage de Xavier, Guillaume Meurice exprime avec légèreté les problématiques entourant notre société. Valls, la famille Le Pen, Mélenchon, Hamon, Colomb… tous subissent le courroux du podcaster de France Inter. Emmanuel Macron en prend également pour son grade. En effet, Guillaume Meurice, dénonce avec clarté les décisions politiques actuelles, aux antipodes de son idéal social. Meurice s’empare des éléments de langage du chef de l’État pour les exploiter à la perfection. Le message est profondément politique derrière le sarcasme et la vision très travaillée d’un Xavier caricaturé à son maximum. Il en profite également pour critiquer la mégalomanie et le carriérisme présent dans les grandes entreprises. Très engagé écologiquement, il s’ose aussi à la critique des lobbys en tournant brillamment en dérision leur proximité avec le milieu politique.

Viscéralement attaché à la liberté de la presse au gré d’une enfance passée dans la maison de la presse de Jussey tenue par ses parents, l’humoriste n’hésite pas à égratigner le milieu médiatique et le fonctionnement des chaînes d’info en continu. Guillaume Meurice tourne aussi en dérision les syndicats. Tapant à la fois sur la CFDT, première à se coucher devant le Medef avant de lancer une jolie pique envers la CGT, toujours avenante pour une bonne grogne au détriment du dialogue. Le fameux dynamisme du cadre en communication semble imprégner notre humoriste qui déroule son propos de manière intensive, traitant de sujets parfois complexes et clivants en à peine deux heures. Alors que le ruissellement économique est au point mort dans notre pays, Guillaume Meurice est parvenu à faire ruisseler sa bonne humeur et son humour caustique le temps d’une soirée.

Après un spectacle drôlissime et une séance de dédicaces de son dernier ouvrage « Cosme », Guillaume Meurice m’a accordé en toute simplicité une interview très ouverte pour me permettre de mieux cerner son cheminement intellectuel et ses inspirations. Fidèle à son image, il s’est livré sur des thématiques très diverses dans une extrême bienveillance à mon égard.

« Je passe mon temps à m’éclater »

Guillaume Meurice s’est amusé pendant deux heures dans la peau de Xavier.                   Crédit photo : missbutterflies sur Flickr

Salut Guillaume, tout d’abord je tiens à préciser que je suis comme toi fils de cheminot, comme quoi ça mène à tout ?

«Ouais mon père n’était pas un roulant en plus, il bossait dans un atelier à Saulon en bourgogne et ma mère était au foyer, elle gardait des gosses. Déjà à l’époque, ça ne s’appelait pas des plans sociaux, mais il y avait des départs anticipés, des choses comme ça. Donc ils filaient un peu de thunes à ceux qui voulaient partir et comme mon père il en avait un peu marre, il a profité de ça pour prendre un peu de pognon et acheter une maison de la presse avec ma mère »

Tu es toute la semaine sur les marchés pour interviewer des gens, ensuite tu fais tes chroniques, là ce vendredi tu es à Vallet, demain tu vas en Bretagne (spectacle à Rosporden) Comment appréhendes-tu ces semaines assez intensives ?

« En vrai c’est hyper marrant quand tu commences à faire cet espèce de métier bizarre. Moi j’aime pas trop appeler ça un métier mais admettons, une occupation peut être. Mais quand tu commences à faire ça c’est tout ce que t’espère, c’est passer ta journée à t’amuser quoi donc ce n’est pas maintenant que je vais me plaindre parce que j’ai deux heures de déficit de sommeil dans une nuit. Je passe mon temps à m’éclater, à la radio je travaille avec des potes, on se marre tout le temps, là j’arrive la salle est complète depuis longtemps et les gens sont super sympas. Les gens avec qui je bosse aussi. Je m’entoure que de gens avec qui j’aime passer du temps. Le seul truc ça peut être le manque de sommeil et un peu de la fatigue mais ce n’est que de l’énergie cool, t’es même pas tant fatigué que ça. Il serait très mal venu de ma part de me plaindre »

« Je suis un peu attaché aussi au prix des places, je baisse mon cachet s’il faut baisser son cachet »

Étant originaire des Haute-Saône, es-tu attaché au fait d’aller jouer en province ?

« Ah bah ouais, moi j’allais voir des spectacles à Vesoul enfant. Quand tu fais ça, t’espère que cela, te déplacer, d’avoir des gens qui te reçoivent super bien, de passer une bonne soirée, que tout le monde s’éclate. Moi je suis un peu attaché aussi au prix des places, je baisse mon cachet s’il faut baisser son cachet, j’ai pas envie qu’il y ait des gens qui ne se sentent pas bien. Donc ni l’organisation par ce que le spectacle serait trop cher et perd de l’argent, ni les gens qui seraient obligés de faire un crédit pour assister au spectacle, ni une prod’ qui serait obligée de mettre de l’argent.

Tu passes en coup de vent en Loire-Atlantique pour jouer ton spectacle. Est-ce un coin de la France qui t’évoque quelque chose en particulier comme des souvenirs d’enfance ?

Non je ne connais pas du tout le coin, moi j’ai de la famille dans le sud-ouest mais je connaissais pas trop. J’ai un pote à Ouessant qui a une maison d’hôte. Je suis allé passer quinze jours chez lui, moi j’adore. T’es isolé pour écrire par exemple, même si je ne l’ai pas fait car j’étais en vacances en mode glandouille, je me suis dit si un jour je dois écrire un autre bouquin, tu passes trois jours là-bas c’est sur que t’es pas trop attiré par la vie nocturne.

« Le bureau redoute un peu le moment où je finis ma chronique par ce que je relis et après je m’ennuie donc je fais chier tout le monde. »

Sinon c’est quoi 24h dans la vie de Guillaume Meurice en période de travail sur France Inter ?

« Les 24h commencent la veille en fait, j’essaie de savoir avant de m’endormir ce que je vais faire le lendemain, rien que pour l’heure à laquelle je me lève. Le matin je fais les sons, j’écris début d’après-midi, je monte en rentrant et j’écris aussi début d’après-midi. Mais en réalité j’écris pas mal même sur place avec mon téléphone, des blagues et des enchaînements. Ça m’arrive même d’écrire le début de ma chronique en me rendant sur place. Donc c’est plus confus que ça. En tout cas c’est souvent le matin pour l’après-midi que je fais la prise de son, et j’essaie pour pas trop foutre dans la merde la réal de lui filer les sons montés à 15h30. J’aime bien avoir fini une heure avant pour relire, glandouiller. Le bureau redoute un peu le moment où je finis ma chronique par ce que je relis et après je m’ennuie donc je fais chier tout le monde. Et dans la dernière heure, eux ils sont tous en stress par ce qu’ils n’ont pas le même fonctionnement que moi. »

Et quand tu n’as pas de spectacles ni de chronique sur France Inter, c’est quoi 24h dans la vie de Guillaume Meurice quand il ne travaille pas ?

J’essaie de passer un peu de temps avec ma meuf pour me rappeler à quoi elle ressemble par ce que je ne la vois jamais. J’ai la chance d’avoir une copine vraiment super, très compréhensive, c’est vraiment chouette. Je lis des bouquins, je regarde pas mal de docus, je dors.

Travaillant à la radio, quel est ton regard sur l’état actuel du journalisme ? Est-ce qu’il se morfond dans ses certitudes ou est-ce qu’il se réinvente ?

Le journalisme ne veut pas dire grand-chose, ça dépend du support. Moi je crois plutôt à ce qui est en train de se passer sur internet par ce que la télé c’est un vieux média. Ça met du temps à changer par ce que la France est un vieux pays. Mais je crois à ce qui se passe sur internet, les gens qui prennent des initiatives car le matos ne coûte plus tellement cher et il y a moyen de faire de chouettes trucs avec peu de moyens financiers, donc il faut s’en emparer à fond à mon avis. Je pense qu’il va y avoir une période de transition comme ça. Ça va générer des trucs parfois pourris ou ratés mais c’est bien en fait, il faut tenter des trucs.

Justement, envisages-tu d’investir les nouveaux champs de libertés ouverts par internet, comme monter une chaîne sur YouTube par exemple ?

Pour l’instant j’ai pas le temps car je suis à la radio. Mais si un jour je ne suis plus à la radio, c’est quelque chose que j’ai en tête clairement. Ce qui me contraint à la radio c’est le format, quatre minutes trente, c’est cool par ce que j’écrirais pas 20 minutes par jour, mais c’est quand même une contrainte. Je me dis que si tu fais des vidéos sur YouTube tu peux faire un jour 10 minutes et un jour 25 et ça gène personne si ce que tu dis est intéressant et bien rythmé.

Tu regardes les humoristes qui s’exercent sur YouTube comme Norman, Studio Bagel ou Golden Moustache ?

Je regarde un peu mais je suis de moins en moins la cible. J’aime bien les trucs un peu politiques, j’ai découvert une chaîne qui s’appelle Hygiène mentale qui fait des vidéos sur la zététique, la science du doute. Ce sont des mecs qui remettent tout en question, qui ont un esprit critique hyper affûté et je trouve ça vraiment intéressant.

Merci à Guillaume Meurice d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.

#Payetoiunjournaliste ou le ras le bol de la profession

L'étudiante et Monsieur Henri entre piano et drôleries

Animal journalistique curieux en service civique pour Fragil, je me passionne pour l’actualité du microcosme nantais afin d'en épier les nuances loin du manichéisme.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017