5 mars 2024

Festival Hip Opsession : rencontre avec le chorégraphe du spectacle « Salam »

Ce Dimanche 25 février 2024, pour le festival la Hip Opsession, « Salam » s’est exceptionnellement jouée à guichet fermé à la salle Paul Fort.

Festival Hip Opsession : rencontre avec le chorégraphe du spectacle « Salam »

05 Mar 2024

Ce Dimanche 25 février 2024, pour le festival la Hip Opsession, « Salam » s’est exceptionnellement jouée à guichet fermé à la salle Paul Fort.

Dimanche 25 février 2024, dans le cadre de la Hip Opsession, la salle Paul Fort accueillait la compagnie NGC25 pour une représentation du spectacle « Salam ». Ce soir-là, les danseurs jouaient devant une salle comble, l’entièreté des recettes étaient reversées à MSF (médecins sans frontières, ndlr) en direction de Gaza.

Le lendemain, Fragil rencontrait Hervé Maigret pour en apprendre plus sur son histoire et celle de Salam.

Hervé Maigret, Chorégraphe de « Salam » à la fin de la  représentation

En 1997, il fonde la compagnie NGC25 (Nouveau Groupe Chorégraphe, 25 pour l’âge qu’il avait) après avoir passé sept années au CCN (centre Chorégraphique National de Nantes, ndlr) et participé à plusieurs créations et reprise de rôles.

Principalement implantée dans les Pays de la Loire, mais dont les pièces voyagent à l’international, la compagnie fête cette année sa 25e saison. En 2018, il s’associe avec le Piano’cktail, théâtre de la ville de Bouguenais. La ville dispose alors d’un service international. Le directeur des affaires culturelles l’en informe et lui apprend qu’ « ils ont une ville en Palestine, à Naphta, mais là, il faut que j’oublie les projets vu le contexte (la loi état nation rentre dans les lois fondamentales d’Israël et renforce l’apartheid contre les arabes, ndlr)». Cette phrase sera un déclencheur dans l’esprit d’Hervé, « le lendemain, il avait un dossier sur sa table que j’avais écrit dans la nuit ». Depuis son adolescence, il entendait parler du conflit israélo palestinien sans être capable de mettre des mots et une explication dessus. Très vite, il sait que Salam sera le titre de sa nouvelle création, utilisé en arabe pour se saluer, le mot signifie aussi « est ce que la paix est en toi ? « .

Pour acquérir les clés de compréhension nécessaires, il fait appel à Sandrine Mansour, historienne nantaise spécialiste de la Palestine.« Je voulais travailler sur cette notion d’identité, de frontières, qui est une problématique quasi-quotidienne en Palestine avec la colonisation de la Cisjordanie et l’isolement de Gaza du reste du monde ».  Mais où se trouvent les danseurs palestiniens ?

Premiers pas en Palestine

Rapidement mis en contact avec le RCDP (Réseau de Coopération Décentralisée pour la Palestine, ndlr), le chorégraphe se rend à l’unique festival de danse, à Ramallah. Sur place, il auditionne plusieurs hommes, dont deux jeunes danseurs : Hamza et Kamel.

Hamza vient des camps de Naplouse, en Cisjordanie  « il avait ce corps qui revendique, impliqué dans la situation actuelle de son peuple, il s’était formé tout seul à la danse avec son crew ». Kamel vient de Ramallah, « lui avait un corps quasi contorsionniste, presque fragile, qui me racontait cette notion insaisissable des frontières, à l’opposé de celui d’Hamza » nous raconte Hervé, happé par le contraste que formaient ces deux corps.

En 2017, Camille Saglio, le compositeur et chanteur de la pièce, l’invite à écouter une proposition de voix, accompagnée d’un looper, « je ne savais pas ce que j’allais en faire, mais je lui ai demandé de me le garder, le côté presque sacré de cette voix m’a tout de suite parlé ». Arrivé au festival international de danse de Ramallah, il fait écouter la voix de Camille au directeur, celui-ci est séduit à son tour et décide de co-produire le spectacle. Le chanteur créera sur mesure les sonorités lors de la résidence de création.

Hervé et Hamza à gauche et Camille Saglio à droite, trois acteurs de la piece Salam

« Est ce que qu’on peut danser la paix ? »

Sur scène, quatre hommes : Kamel, Hamza, Stéphane, un français et Pedro, un équatorien. « Je trouvais cette notion de pouvoir, de richesse, de conquête de terre très « mâle », et puis il y a cette voix qui n’est ni homme ni femme », justifie Hervé Maigret sur l’absence de femme au plateau.  Il croit en une une identité sacrée qui nous unirait tous, que représenterait cette voix intersexe. Au centre de la scène, la terre est cachée dans des sacs. Elle redéfinie l’espace au fur et à mesure pour finir par être libérée/se libérer.

« J’ai construit la pièce sur la rencontre de ces quatre gars, chacun avec son bagage, qui jauge l’autre, et comment arriver à créer des combats qui nous unissent. Travailler cette notion de fraternité qui est centrale. Et puis cette question, est ce qu’on peut danser la paix ? »

Kamel, Hervé, Pedro et Stéphane

En clôture du festival de Ramallah

« Il y un mixte de danse entre les pas de hip hop, les pas de dabkeh (danse traditionnelle palestinienne qui signifie « coup de pied », ndlr), des pas de danses équatoriennes ». Le but étant de représenter par cette pluralité de pas la paix.

Stéphane, Hervé et Hamza

En avril 2018, toute la troupe se rejoint à Ramallah pour la clôture du festival, où, comme ce soir, ils sont ovationnés. Par la suite, ils se rendront au théâtre national palestinien à Jérusalem Est, « l’un de nos danseurs s’y rendait pour la première fois. En y allant, on a été obligé de faire deux voitures, une de français et une de palestiniens. Ils ont été bloqués et humiliés au check-point quelques heures avant de danser, on les attendait et on ne savait pas s’ils allaient pouvoir passer, ça nous a tous beaucoup chargé pour danser ».

Dimanche dernier, Hervé remplaçait Kamel sur scène, ayant dû rentrer quelque temps auparavant auprès des siens, faire le deuil d’une partie de sa famille tuée à Gaza. Avant de partir, il leur confiait « j’ai perdu la joie, je suis dans l’incapacité de danser ».

Rendez-vous à la prochaine édition de la Hip opsession

Pour la suite, Hervé s’associe à Hamza, pour une pièce composée de six palestiniens appelée « Anatomy of freedom », que l’on pourra découvrir pour la saison 2025 de la Hip Opsession.

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Plus vite, plus fort, et à plus grande échelle : c’est dans l’idée de se construire comme journaliste et faire porter la voix des autres qu’elle a rejoint Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017