Dimanche 25 février 2024, dans le cadre de la Hip Opsession, la salle Paul Fort accueillait la compagnie NGC25 pour une représentation du spectacle « Salam ». Ce soir-là, les danseurs jouaient devant une salle comble, l’entièreté des recettes étaient reversées à MSF (médecins sans frontières, ndlr) en direction de Gaza.
Le lendemain, Fragil rencontrait Hervé Maigret pour en apprendre plus sur son histoire et celle de Salam.
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Hervé Maigret, Chorégraphe de « Salam » à la fin de la représentation. @ju_dcntz
En 1997, il fonde la compagnie NGC25 (Nouveau Groupe Chorégraphe, 25 pour l’âge qu’il avait) après avoir passé sept années au CCN (Centre Chorégraphique National de Nantes, ndlr) et participé à plusieurs créations et reprises de rôles.
Principalement implantée dans les Pays de la Loire, les pièces de la compagnie qui fête sa 25ème saison voyagent à l’international. En 2018, il s’associe avec le Piano’cktail, théâtre de la ville de Bouguenais. La ville dispose alors d’un service international. Le directeur des affaires culturelles l’en informe et lui apprend qu’ « ils ont un partenariat avec une ville en Palestine, à Naphta, mais là, il faut que j’oublie les projets vu le contexte (la loi état nation vient d’être voté et rentre dans les lois fondamentales d’Israël, renforçant l’apartheid contre les arabes, ndlr)». Cette phrase sera un déclencheur dans l’esprit d’Hervé, « le lendemain, il avait un dossier sur sa table que j’avais écrit dans la nuit ». Depuis son adolescence, il entendait parler du conflit israélo palestinien sans être capable de mettre des mots et une explication dessus. Très vite, il sait que Salam sera le titre de sa nouvelle création, utilisé en arabe pour se saluer, le mot signifie aussi « est ce que la paix est en toi ? « .
Pour acquérir les clés de compréhension nécessaires, il fait appel à Sandrine Mansour, historienne nantaise spécialiste de la Palestine.« Je voulais travailler sur cette notion d’identité, de frontières, qui est une problématique quasi quotidienne en Palestine avec la colonisation de la Cisjordanie et l’isolement de Gaza du reste du monde ».
Il lui reste à savoir : mais où se trouvent les danseurs palestiniens ?
Premiers pas en Palestine
Rapidement mis en contact avec le RCDP (Réseau de Coopération Décentralisée pour la Palestine, ndlr), le chorégraphe se rend à l’unique festival de danse situé à Ramallah. Sur place, il auditionne plusieurs hommes, dont deux jeunes danseurs : Hamza et Kamel.
Hamza sortait des camps de Naplouse, en Cisjordanie, pour Hervé, « il avait ce corps qui revendique, celui qui est impliqué dans la situation actuelle de son peuple. Il s’était formé tout seul à la danse avec son crew » contrairement à Kamel qui « lui avait un corps quasi contorsionniste, presque fragile, qui me racontait cette notion insaisissable des frontières, à l’opposé de celui d’Hamza » nous raconte le chorégraphe, happé par le contraste que formaient ces deux corps.
En 2017, Camille Saglio, compositeur et chanteur de la pièce, l’invite à écouter une proposition de voix, accompagnée d’un looper, « je ne savais pas ce que j’allais en faire, mais je lui ai demandé de me le garder, le côté presque sacré de cette voix m’a tout de suite parlé ». Arrivé au festival international de danse de Ramallah, il fait écouter la voix de Camille au directeur, celui-ci est séduit à son tour et décide de co-produire le spectacle. Le chanteur créera sur mesure les sonorités lors de la résidence de création.
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Hervé et Hamza à gauche et Camille Saglio à droite, trois acteurs de la piece Salam. @ju_dcntz
« Est ce que qu’on peut danser la paix ? »
Sur scène, quatre hommes : Hamza, Pedro qui vient d’Equateur, Kamel de Ramallah et Stéphane de France. « Je trouvais cette notion de pouvoir, de richesse, de conquête de terre très « mâle », et puis il y a cette voix qui n’est ni homme ni femme », justifie Hervé Maigret quant à l’absence de femme. Il croit en une une identité sacrée qui nous unirait tous, qu’il représente sur scène par une voix intersexe.
« J’ai construit la pièce sur la rencontre de ces quatre gars, chacun avec son bagage, qui jauge l’autre, et comment arriver à créer des combats qui nous unissent. Travailler cette notion de fraternité qui est centrale. Et puis cette question, est ce qu’on peut danser la paix ? »
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Kamel, Hervé, Pedro et Stéphane. @ju_dcntz
Pluralité de pas pour la paix
« Il y un mixte de danse entre des pas de hip hop, des pas de dabkeh (danse traditionnelle palestinienne qui signifie « coup de pied », ndlr), et des pas de danse équatorienne ». Le but était de représenter par cette pluralité de pas la paix.
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Stéphane, Hervé et Hamza. @ju_dcntz
En avril 2018, toute la troupe se rejoint à Ramallah pour la clôture du festival. Quelques jours plus tard, ils feront l’expérience de l’apartheid en se rendant au théâtre national palestinien à Jérusalem Est, « l’un de nos danseurs s’y rendait pour la première fois. En y allant, on a été obligé de faire deux voitures, une de français et une de palestiniens. Ils ont été bloqués et humiliés au check-point quelques heures avant de danser, on les attendait et on ne savait pas s’ils allaient pouvoir passer, ça nous a tous beaucoup chargé pour danser ».
Dimanche dernier, Hervé remplaçait Kamel sur scène, qui a dû rentrer quelque temps auparavant auprès des siens, faire le deuil d’une partie de sa famille tuée à Gaza. Avant de partir, il leur confiait « j’ai perdu la joie, je suis dans l’incapacité de danser ».
Rendez-vous à la prochaine édition de la Hip Opsession
Pour la suite, Hervé s’associe à Hamza, pour une pièce composée de six palestiniens appelée « Anatomy of Freedom », que l’on pourra découvrir pour la saison 2025 de la Hip Opsession.