19 octobre 2018

Être femme ET tatouée

La 13e convention internationale du Tatouage de Nantes s'est déroulée du 5 au 7 octobre. Réunissant en un seul lieu des tatoueurs, des coiffeurs, des barbiers, des créateurs de vêtements, cet événement s’est rapidement rendu incontournable pour qui veut travailler son style. Fragil y était pour vous.

Être femme ET tatouée

19 Oct 2018

La 13e convention internationale du Tatouage de Nantes s'est déroulée du 5 au 7 octobre. Réunissant en un seul lieu des tatoueurs, des coiffeurs, des barbiers, des créateurs de vêtements, cet événement s’est rapidement rendu incontournable pour qui veut travailler son style. Fragil y était pour vous.

C’est dans la grande salle du parc des expositions de la Beaujoire que se rassemblent annuellement près de 260 tatoueurs et tatoueuses venant des 4 coins du monde, prêts à encrer la peau de ceux qui désirent en faire ou en réitérer l’expérience. Déambulant dans les longues allées du Hall XXL, des milliers de visiteurs découvrent, le temps d’un week-end, un univers teinté de styles aussi diversifiés que hauts en couleurs. Chaque stand propose un instantané de vie : celui d’un.e artiste en pleine action et celui d’un.e tatoué.e au visage apaisé, parfois crispé de douleur. La convention du tatouage offre aux visiteurs un défilé de nuances et de talents qui, à la fin de chaque journée, concourent dans leur catégorie respective (old school, réaliste, abstrait, noir et blanc, couleur) et dont les plus virtuoses sont retenus par un jury professionnel et avisé.

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Judith Serruya

Le salon du tatouage c’est aussi des artisans bijoutiers, des créateurs de vêtements et de décoration, 7 food trucks, 2 bars, des shows de pole dance, des concerts, etc. Et si le cœur vous en dit, vous pouvez même vous y faire tailler la barbe ou vous refaire une beauté chez le coiffeur. Au son d’une symphonie d’aiguilles, dans cette atmosphère cosmopolite et éclectique, se réunissent femmes, hommes, transgenres, et autres, dans l’échange et le partage de passions communes.

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Judith Serruya

Une ombre au tableau

Pourtant, une ombre se profile au tableau. Bien que les questions d’égalité homme-femme soient aujourd’hui au cœur de notre société, est-il vraiment plus aisé de porter un tatouage lorsque l’on est un homme que lorsque l’on est une femme ?
C’est cette question qui m’a taraudé tout au long de la convention et à laquelle je répondrai, non sans nuance.

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Judith Serruya

Il est vrai que le tatouage s’est largement démocratisé depuis une quinzaine d’années. Toutefois, et bien que les esprits tendent lentement à s’ouvrir à ce sujet, ne reste-t-il pas de tenaces préjugés dont beaucoup d’entre nous avons du mal à nous défaire ? En effet, nombreux sont ceux qui se voient triés sur le volet lors d’un entretien d’embauche en raison d’un tatouage trop apparent, d’un piercing jugé inconvenant ou même d’une couleur de cheveux considérée comme provocante. Dans d’autres domaines, comme celui de la musique ou de la photo, cette originalité est plus qu’un point fort. Cecilia Pascal, ancienne candidate au télé crochet The Voice, chanteuse mais également modèle photo, nous en parle. Sur son compte Instagram, Cécilia propose un contenu varié mêlant avec équilibre extraits de reprises musicales et photographies, notamment du nu. Etant tatouée sur plus de la moitié du corps et du fait de sa notoriété qui accentue sa visibilité, Cécilia est la cible constante de ses détracteurs qui lui assènent de virulentes critiques et insultes via les réseaux. Voici ce qu’elle en pense :
« Quand tu fais du nu, c’est directement raccordé à la pornographie alors que cela n’a absolument rien avoir, c’est juste de la photo. Cela fait 7 ans que j’en fais, et 7 ans que je reçoit des remarques. Je pense sincèrement que cela va être compliqué de faire évoluer les pensées à ce sujet. »

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Judith Serruya

Un idéal féminin ?

Malgré le fait que ce genre d’images circule de plus en plus sur les réseaux sociaux tels que Facebook, Snapchat ou encore Instagram, les modèles photos tatouées encore appelées « Suicide Girls », sont constamment harcelées de messages à caractères sexiste et parfois même sexuel.
A l’instar des modèles photos que l’on qualifierait maladroitement de plus classiques, ceux qui bombardent nos écrans de smartphones, téléviseurs, magazines et affiches publicitaires, les Suicide Girls répondent elles aussi à des critères physiques très spécifiques. Alors que les mannequins grande taille tendent petit à petit à se faire une place dans le milieu de la mode, celles aux tailles fines et aux jambes sveltes restent cependant les plus sollicitées, qu’elles soient tatouées ou non. Cette abondance de photographies, très souvent retouchées, biaisent notre point de vue et alimentent sans cesse un idéal autour de la femme tatouée qui n’est pas bien différent de celles qui ne le sont pas. Elle restent donc soumises aux mêmes codes de taille, de morphologie et de pause, et ce, avec des tatouages en plus. Cécilia, transparente et sincère, met le doit sur les dangers que représente cette surexposition, notamment vis à vis des jeunes, plus vulnérables.

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Judith Serruya

« Les gens s’associent à ces images, c’est à cause de ça que toutes les femmes se sentent complexées aujourd’hui. Moi qui fait beaucoup de photos et qui en retouche, et je ne m’en suis jamais cachée, j’ai conscience que certaines personnes peuvent se sentir mal en les voyant. Et pourtant, cela m’arrive aussi de complexer lorsque je vois d’autres filles. »
Lorsque Cécilia participa en 2013 à The Voice, elle n’avait que 15 ans, ne possédait pas de tatouage mais affirmait déjà son style, les oreilles stretchées, le nez percé et un maquillage à la Amy Winehouse. Sa « tattoo transition » s’est donc opérée alors que sa carrière musicale battait son plein. Je me suis alors demandé si cela ne lui avait pas fait défaut, elle me répondit : « Je ne leur ai pas laissé le choix. Au moins, les gens qui me suivent le font pour qui je suis vraiment. Vu que je suis sincère, ça s’est bien passé ». Elle rajouta même : « Le tatouage, c’est un plus dans la musique. Dans ce milieu, il faut avoir une image. C’est 10% de talent, 90% d’image. Si tu as un style et que tu te démarques des autres, c’est le jackpot ! ». Cultiver une apparence unique et marquante, c’est ce à quoi aspire le monde du showbusiness pour faire des vues, de l’audience. En bref, quand tu as une « gueule », on se souvient de toi, et ça marche !
A contrario, il reste encore aujourd’hui de nombreux domaines dans lesquels il est bien moins aisé d’être accepté avec ses tatouages et sa personnalité décalée, et c’est d’autant plus probant lorsque l’on est une femme. C’est pourquoi je nous invite tous, quelque soient nos idées et nos valeurs, à nous interroger sur notre rapport à l’autre, à son corps, mais surtout à sa personnalité – à son ÊTRE – et porter sur chacun d’entre nous un oeil bienveillant exempté de tout préjugé.

La Lady de Nantes, une sacrée nana !

Revue de presse de la semaine du 09/10 au 17/10

Partager et transmettre : voilà pourquoi je me ferai le plaisir d'écrire pour vous, cher.e.s lecteur.rice.s, maints articles sur des sujets aussi divers qu'originaux. Mais en tant que fervente étudiante en histoire de l'art et archéologie, il me tient à cœur de rendre hommage au patrimoine qui nous entoure, du plus monumental au plus discret. Tu sais ? Celui qu'on oublie, mais qui est là, partout, présent à chaque coin de rue.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017