8 janvier 2024

Entre envie et dépit, des volontaires en service civique témoignent

Opportunité, surcharge de travail, professionnalisation, précarité, Fragil est allé à la rencontre de quatre actuelles et ancien services civiques du 44 pour qui le volontariat fut un choix plus ou moins positif, durant leur parcours académique supérieur.

Entre envie et dépit, des volontaires en service civique témoignent

08 Jan 2024

Opportunité, surcharge de travail, professionnalisation, précarité, Fragil est allé à la rencontre de quatre actuelles et ancien services civiques du 44 pour qui le volontariat fut un choix plus ou moins positif, durant leur parcours académique supérieur.

Aujourd’hui, chaque année, environ 1 jeune sur 6 effectuerait une mission de service civique. Une proportion qui a quadruplé depuis 2014, selon l’Institut National de la Jeunesse et de l’Education Populaire. Favoriser la pratique du sport et lutter contre la sédentarité à l’école, faire de la prévention de réduction des risques en milieu festif et scolaire, communiquer et participer à l’organisation de festivals emblématiques nantais ou créer un abécédaire de la biodiversité d’une commune de Loire Atlantique. Ce sont toutes des missions de volontaires en service civique du département du 44. Toustes sont ou ont été étudiant·e, et pour qui le volontariat semble être une opportunité professionnelle ou un choix à défaut de trouver un emploi. Selon l’INJEP 42 % des volontaires ont un baccalauréat comme plus haut diplôme et 32 % sont diplômés du supérieur.

Prendre le temps de préparer son futur

« Le besoin de faire une pause dans mes études »

Manon, volontaire chez AvenirSanté depuis octobre 2023.

Chez certaines volontaires, le service civique permet la possibilité de prendre son temps avant de peut-être trouver sa voie. Ce temps est pris comme pour Manon, 22 ans, entre ses études « pour trouver quoi faire ensuite et affiner mon projet professionnel ». Volontaire à AvenirSanté depuis octobre 2023, ses missions sont principalement des actions de prévention et de réduction des risques en milieu festif et scolaire.

« Je peux faire du lien avec toute la théorie que j’ai acquise durant mes années de licence »

Cette pause, c’est aussi la décision d’Axelle, 21 ans et en service civique depuis septembre, au sein d’une école primaire à Nantes afin de valoriser et de mettre en avant le sport et la culture à l’école. Cette décision, elle l’a prise pendant qu’elle validait sa licence de psychologie. « Je savais que demander un Master en psychologie c’était très compliqué, et l’année de licence était déjà dure en terme d’investissement » nous explique-t-elle. Alors le service civique s’est révélé utile « pour le dossier, et pour moi, en voyant un public qui pourrait m’intéresser en psychologie […] être au contact des enfants à l’école de manière quotidienne me permet d’avoir une observation différente qui pourra m’apporter beaucoup pour mes réflexions lorsque je serai en Master de psychologie…en espérant que j’y sois » nous confie cette volontaire.

Axelle, 21 ans, volontaire dans une école primaire nantaise

Un choix précaire à défaut de trouver un emploi

Zora, 24 ans, volontaire en service civique, à la mairie de Boussay

Cette pause peut aussi être imposée, comme pour Zora, 24 ans, qui à la fin de son Master 2 de médiation scientifique a eu besoin de trouver une expérience significative dans le domaine qui l’intéresse. Une expérience que sa formation académique ne lui a pas permis. Elle choisit donc, « car ça aura un poids dans mes prochaines recherches d’emploi » de participer à une mission environnementale créée par la Mairie de Boussay, une commune de Loire-Atlantique. Pendant 8 mois Zora a la responsabilité de créer un atlas de la biodiversité communale et de « trouver des manières d’inviter les gens à s’intéresser aux espèces qui les environnent ». Un choix un peu par dépit, car Zora finit par nous expliquer que ce volontariat c’est « plutôt pour l’expérience que pour l’apprentissage, car ce sont des choses que je savais déjà faire ».

“C’est quelque chose que j’aurais pu faire en tant que salarié, potentiellement”

Une mission avec une grande responsabilité et autonomie qu’elle apprécie. Même si, encore une fois, elle espère vivement obtenir à la fin de ce volontariat un emploi moins précaire.

Soufiane, 24 ans, a effectué un Service Civique à Nantes pour valider son Master 2

Pour Soufiane, ancien volontaire en service civique à la communication de deux importants festivals musicaux nantais en 2023, faire un service civique était son dernier recours pour valider son Master de Langues Étrangères Appliquées À Lille. « J’étais volontaire car je devais valider mon master, et un grand nombre d’offres de stages étaient des services civiques ». Le revenu en 2023 d’un volontaire est de 609,96 euros par mois1, une bonne (ou moins chère) alternative pour certaines associations car une grande partie de l’indemnisation est financée par le gouvernement, sauf que le statut juridique n’est pas le même que celui d’un stagiaire. C’est d’ailleurs ce que l’on peut lire sur le site officiel du Service Civique « Un Service Civique n’est pas un stage et une mission de Service Civique ne peut pas s’y substituer. » et « il (le volontaire) ne peut se substituer aux tâches exercées par les salariés, les agents, les stagiaires ou les bénévoles de la structure » 2.

« J’en ai marre des structures qui proposent des services civiques alors que ce sont des emplois de salariés »

Il estime quand même avoir pu « développer mon réseau, et apprendre à connaître le secteur culturel et le fonctionnement d’une association bien ancrée à Nantes ». Cependant, la charge des missions données au volontaire semble lui laisser un sentiment amer « j’avais trop de pression pendant les festivals, ce qui m’a généré beaucoup de stress ». Il nous explique alors, « j’avais une charge de travail trop importante pour un volontaire, et j’avais peur de dire non, car je voulais être bien vu et pouvoir me faire une bonne place dans ce milieu ».

1 https://www.service-civique.gouv.fr/etre-volontaire/etape03-realiser-mon-service-civique/avantages-volontaires-service-civique#:~:text=Mes%20droits-,Une%20indemnité%20mensuelle,accueil%20ajoute%20113%2C02€.

2 https://www.service-civique.gouv.fr/comprendre-le-service-civique/en-bref#4

Cover de MAMANI

MAMANI, un récit musical de mixité culturelle et de traditions boliviennes

Le Petit Marché de l'art du Rayon Vert : derniers jours

23 ans, originaire de Laval, future journaliste ? je suis très attentive et curieuse du monde qui m'entoure ! j'adore faire des playlists à rallonge et écouter les gens parler.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017