24 juin 2024

« De plain-pied », première exposition nantaise de l’artiste plasticien Xavier Veilhan

Xavier Veilhan investit le site nantais du FRAC des Pays de la Loire, dans le cadre du Voyage à Nantes, pour une mini-rétrospective, où se côtoient les époques et les temporalités.

« De plain-pied », première exposition nantaise de l’artiste plasticien Xavier Veilhan

24 Juin 2024

Xavier Veilhan investit le site nantais du FRAC des Pays de la Loire, dans le cadre du Voyage à Nantes, pour une mini-rétrospective, où se côtoient les époques et les temporalités.

Les plus avisés n’auront pas manqué son dernier spectacle Tout l’univers, programmé en avril dernier au Lieu unique à Nantes, dans le cadre du festival Variations. C’est désormais sur le site nantais du FRAC des Pays de la Loire que l’on peut découvrir l’exposition De plain-pied de Xavier Veilhan, jusqu’au 1er septembre, dans le cadre du Voyage à Nantes. Une mini-retrospective pensée, avec son complice Alexis Bertrand, à la manière d’une déambulation autour des questions de mobilité et d’immobilité, d’équilibre et de chute, de bestiaire et de jeux d’échelle. 

Artiste majeur de la scène française et internationale depuis plus de trois décennies, Xavier Veilhan entretient une relation toute particulière avec le FRAC des Pays de la Loire. «C’est un artiste phare de l’histoire du FRAC des Pays de la Loire. Il représente bien la collection et l’esprit qui s’y déploient », explique Claire Staebler, commissaire de l’exposition et Directrice du FRAC qui célèbre, par cette exposition, les quarante et quelques années de leur création.

« Pour les gens de ma génération, les FRAC étaient le premier contact
avec l’enregistrement par l’Etat et le premier contact des artistes
émergents avec les structures labellisées ». 
Xavier Veilhan.

Xavier Veilhan. FRAC Pays de la Loire, Nantes. La vitrine, 2024. La Moto, 1992. Le Stabile, 2011 (à l’arrière).

Une exposition pensée sur-mesure pour le lieu

Plain-pied a été pensé comme un projet agile et flexible. « On est parti sur quelque chose de généreux, ouvert sur l’extérieur. Pour créer une circulation de lumière, d’énergie, de vie, entre les deux ouvertures ». Car il y a bien, dans cette alvéole de l’ancien Hangar à bananes, quelque chose à jouer avec l’espace : entre une sortie dérobée, où l’on perçoit un bosquet de coquelicots sur un terrain en friche, la baie principale où se déploie l’identité fluviale de la ville (les quais, la Loire, les anciens chantiers navals) et un musée à ciel ouvert sur les hauteurs de la butte Sainte-Anne, de multiples connexions sont à créer. La première intuition de Xavier Veilhan fut de dépouiller le lieu de son mobilier permanent, pour une continuité du regard entre intérieur et extérieur, en apposant juste une sérigraphie sur la baie. A l’intérieur, la scénographie, légère et minimaliste, en carton, a été réalisée sur-mesure. « Elle est à la fois écrin, socle et non-socle » explique Alexis Bertrand, à l’origine du concept. 

Juxtaposer les époques

Tel un archéologue du contemporain, Xavier Veilhan photographie et reproduit, en 1992, toutes les pièces d’une moto, avant de la reconstituer avec la précision d’un mécanicien. Une réappropriation artisanale d’un objet de série, symbole de vitesse et de modernité, présenté en pleine lancée dès l’entrée de l’exposition. Anticipation des impressions 3D, détournement d’objet : « Je ne le traiterais pas de la même manière aujourd’hui ! » explique l’artiste. « C’est un marqueur du temps ». Plus ancienne œuvre de l’exposition, elle avait été réalisée alors que Xavier Veilhan était en résidence dans les ateliers internationaux du FRAC des Pays de la Loire. Elle côtoie une série de mobiles aériens, aux formes géométriques, et de stabiles (2005-2016) inspirés du mouvement constructiviste. Il en résulte une juxtaposition de lignes et de plans qui parfois se superposent, laissant apparaître une œuvre centrale dans le parcours de l’artiste, Le Rhinocéros (1999-2000). Sa forme et le traitement de la matière évoquent une certaine industrialisation de la production. « C’est une façon de donner à voir un objet préhistorique de manière technique, comme une carrosserie ». Initialement conçue pour la vitrine du magasin Yves Saint Laurent à New-York, elle a finalement été acquise par le Musée National d’Art Moderne (Centre Pompidou).
L’artiste présente enfin des œuvres inédites, réalisées en 2024, dont un paysage en kaplas, peint à la manière de pixels, ou le Film catastrophe.

Xavier Veilhan. FRAC Pays de la Loire, Nantes. Constance n°3, 2024. Le Rhinoceros, 1999-2000. Le Mobile (50 sphères), 2005.

Un glissement vers le temps long

Des projets, Xavier Veilhan n’en manque pas. Mais l’on perçoit que son travail prend un autre tournant philosophique pour s’inscrire dans le temps long. Le temps du recyclage et des solutions plus durables, pour concevoir ses scénographies d’expositions. Le temps d’une traversée de la mer Baltique en bateau à voile, avec toute son équipe, pour aller rejoindre Stockholm et la galerie dans laquelle il expose. « Ne pas prendre l’avion, ça a donné trois semaines de traversée ! Mais ça a changé notre trajet en voyage ».  Et, dans le viseur, le catamaran de Roland Jourdain (Fondation Explore) qui l’attend à Concarneau pour un futur périple vers le continent américain, le Canada, les USA, peut-être Rio, Sao Polo. Une idée de la vitesse, encore, mais plus proche de la performance environnementale que la symbolique moto de ses débuts.

Exposition visible jusqu’au 1er septembre 2024 au FRAC des Pays de la Loire (21 Quai des Antilles, Nantes).
En savoir plus
Commissariat : Claire Staebler
Conçue avec Alexis Bertrand, scénographe.

Originaire de la Drôme, Domitille a jeté l’ancre à Nantes, il y a près de quinze ans après avoir fait un tour de France pour ses études et ses activités professionnelles. Guide conférencière, médiatrice et chargée de projets culturels, elle a appris à connaître la ville de fond en comble ainsi que son patrimoine grâce à son métier

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017