21 décembre 2022

Dark Mess : un pari réussi pour No Limit et Skyggja

Le 26 novembre, Fragil s’est rendue à la soirée Dark Mess pour suivre l’événement, pour voir si les objectifs des organisateurs que nous avions interviewés étaient atteints et pour connaître le ressenti du public et des artistes. Malgré quelques couacs récurrents dans les organisations de soirées, Dark Mess a été un succès aux yeux des différent·es acteur·trices.

Dark Mess : un pari réussi pour No Limit et Skyggja

21 Déc 2022

Le 26 novembre, Fragil s’est rendue à la soirée Dark Mess pour suivre l’événement, pour voir si les objectifs des organisateurs que nous avions interviewés étaient atteints et pour connaître le ressenti du public et des artistes. Malgré quelques couacs récurrents dans les organisations de soirées, Dark Mess a été un succès aux yeux des différent·es acteur·trices.

Nous sommes arrivé·es un peu après 20h, une centaine de personnes étaient déjà sur place, les bénévoles des deux associations s’occupaient du bar et de l’espace snack, qui proposait des croque-monsieur maisons, avec une alternative végétarienne.

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Spectateur·trices au bar de la soirée Dark Mess

Dominique Bahl

Déroulé de la soirée

Dès 21h, une trentaine de personnes étaient déjà présentes devant les “murs de sons” pour profiter de la musique durant la performance d’Antypode et Enigmatik. On pouvait voir qu’à ce moment-là, l’équipe technique finalisait  quelques détails sons et lumières qui restaient encore à perfectionner. Outre ce tiers du public déjà en train de profiter du spectacle, un autre tiers était au bar, et le dernier à l’espace fumeur. À côté du bar, on observait un petit espace de maquillage, à prix libre, organisé par “Manon Paillette” qui a permis de mettre plus de couleurs sur les visages des spectateur·trices. On trouvait aussi une table remplie de flyers préventifs sur l’usage de différentes drogues, de bouchons pour les oreilles et de préservatifs.

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Manon Paillette colore le visage d'un participant de la soirée

Dominique Bahl

A 22h30, de plus en plus de personnes s’accumulent devant la scène pour le set de Kaeser. Il semble avoir quelques soucis techniques, puisqu’il s’écarte quelques minutes des platines pour parler aux équipes. Cependant, ces problèmes n’ont pas l’air d’avoir de l’effet sur le ressenti du public, puisqu’il remercie l’artiste en l’acclamant au moment de son départ.

Plus la soirée suit son cours, plus les personnes affluent devant la scène. Pour Militsa, le nombre de spectateur·trices grandit, et un petit groupe se rapproche plus près des caissons. Sa musique semble plus accessible pour les non-initié·es. C’est le même constat pour ENFAN.

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Militsa (à gauche) et une spectatrice

Dominique Bahl

C’est aux alentours d’1h30 que le public semble délaisser un peu la scène pour retourner s’abreuver ou prendre l’air. En effet, lors de la partie de 14ANGER, une des têtes d’affiche, le public semble plus présent dehors que dedans. Cela peut s’expliquer par le fait que son style semble plus pointu, moins accessible. Ses collègues Densha Crisis et Militsa le décrivent comme un artiste qui ne fait pas de concession, “il joue ce qu’il a envie de jouer, peu importe le public présent”. Cependant, même s’ il y a moins de monde, celles et ceux qui restent ont l’air beaucoup plus déchaîné·es. Dans leurs attitudes et dans leurs mouvements, on peut sentir qu’ils passent un bon moment. Le pic de personnes est finalement atteint entre 2 et 3h du matin

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14ANGER aux platines de la soirée Dark Mess

Dominique Bahl

Parti·es aux alentours de 4 heures du matin, nous n’avons pas pu suivre la suite des prestations. Pinap nous confiera que même pour son passage, aux alentours de 9h du matin, il restait des personnes devant la scène. “Il y a des acharnés”, nous dit-il en riant.

Objectifs atteints pour les organisateurs ?

Un peu plus d’une semaine après l’événement, nous avons re-interrogé Keaser et Pinap (cf première interview) pour connaître leur avis à froid sur la soirée.

Fragil : Comment avez-vous vécu cette soirée?

Pinap : C’est une énorme fierté d’avoir participé à l’élaboration de ce projet, le rendu final m’a bluffé, et je pense que je suis pas le seul. J’espère que ça pourra nous donner plus de notoriété pour les prochaines soirées au yeux du public. En tout cas, on a tous passé une soirée extraordinaire.

Fragil : Est-ce que vous avez eu des problèmes techniques durant l’évènement ? 

Pinap : On a eu des problèmes de retours sons pendant le set de Kaeser et celui de Militsa, et la personne qui devait nous ramener des lasers a annulé plus tôt dans la journée, c’est les deux seuls problèmes techniques qu’on a eus.

Kaeser : Ces problèmes de derniers moments, c’est des choses qui arrivent tout le temps dans l’organisation de soirée, et il faut vite trouver des solutions.

Fragil : Dans notre premier échange, Kaeser confiait qu’il considérait cette soirée comme un tournant, quel est votre ressenti maintenant qu’elle est passée ?

Kaeser: Les artistes et la scénographie sont de plus en plus importants, le budget et l’organisation aussi. À la fin, tout le monde a eu l’air d’avoir apprécié la soirée, les artistes, le public et les bénévoles. Donc dans l’ensemble c’est confirmé.

Pinap : Ce tournant, on l’a très bien pris, on a assumé notre part du marché. L’événement était à la hauteur de ce qu’on estimait, même du prix du ticket. Là où ça n’a pas réellement suivi, c’est vis-à-vis du nombre de personnes qu’on a eu, on aurait pu avoir 200 personnes en plus sans que ce soit ingérable niveau place et sécurité.

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Scénographie de la soirée Dark Mess

Manon Compagnon / @zbatmanon

Fragil : Vous vous y êtes retrouvé économiquement ?

Pinap : Y’a clairement pas eu de pertes, mais on a pas fait fortune non plus.

Fragil : Quels sont vos ressentis sur une organisation de soirée à 2 associations ? 

Kaeser : Les équipes étaient très complémentaires entre elles.

Pinap : Au départ, j’avais vraiment la vision que No Limit était plus expérimentée pour mener à bien un projet comme lui notamment en termes de déco, d’organisation du bar…Au final on a été très complémentaires, on a participé de manière équivalente. Les deux équipes se sont bien entendues.

Fragil : Rien ne vous empêcherait de réorganiser une soirée ensemble ?

Pinap : Au contraire ! Je pense même que ce serait une très bonne idée.

Kaeser : On touche des publics différents géographiquement parlant, donc c’est toujours intéressant pour ramener des personnes qu’on aurait pas pu ramener de base.

Fragil : Juste avant de partir, on a assisté à une scène avec une personne qui a été sortie de la soirée, comment, en interne, avez-vous géré ces problèmes de sécurité ?

Kaeser : D’abord les membres de la sécurité émettent un avis, ils nous demandent et nous on doit trancher. Pour ce cas là, j’ai eu à trancher, et j’ai fait confiance aux personnes qui faisaient la sécurité, afin de protéger le public et même protéger les personnes qu’on sort. On se doit d’être réactifs et de faire respecter les valeurs qu’on promeut.

Fragil : C’est quoi la suite ?

Pinap : Côté Skyggja, on a pas encore de dates prévues, on aimerait bien pouvoir aller mixer dans des boîtes de nuits, ce qui demande moins d’organisation de notre côté et ça nous délaisserait de pas mal de responsabilités.

Kaeser : Les DJ de No Limit sont bookés pour jouer à d’autre soirées. Au nouvel an, on est invités à jouer à Quimper, on a une date au Warehouse (ndlr : boîte de nuit nantaise) qui arrive en février. On veut s’installer dans les clubs de Nantes. On est pas prêts de s’arrêter.

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Pinap, membre de Skyggja, association organisatrice de la soirée

Dominique Bahl

Côté public

Puisque la réussite d’un événement est connue aussi (et surtout) via le public, Fragil a questionné quelques personnes pour connaître leur ressentis sur la soirée, et pourquoi ils et elles préféraient venir à ce type de célébration, plutôt que dans dans boîtes de nuits plus classiques. Nous avons interviewés Johan, 20 ans, Mehdi, 29 ans, Alexis; 22 ans et Manon 20 ans.

Fragil : Est ce que vous avez déjà participé à des soirées No Limit / Skyggja :

Johan : À des free-partys en forêt ou en salle oui, mais pas organisées par eux. J’ai entendu parlé de l’événement via un copain qui m’a invité, et c’est à faire au moins une fois dans une vie.

Manon : Moi c’est la première fois.

Alexis : Connaissant les organisateurs, j’ai déjà fait la plupart des soirées.

Fragil : Niveau programmation, quelles différences ?

Alexis : Là il y a des noms qu’on connaît, même si tu es pas trop habitué avec le monde de la techno comme Militsa ou ENFAN. Avant, c’était uniquement des personnes des collectifs. Même niveau salle, on voit qu’ils y ont mis les moyens.

Johan : Clairement, aujourd’hui c’est pas le même niveau.

Fragil : Que pensez vous de la décoration ?

Manon : J’adore ! C’est la première soirée techno que je fais, et vraiment elle est super.

Alexis : Avant, on était plus sur un style industriel avec des bidons. Là il y a des écrans et un écran derrière, on sent le budget.

Fragil : Qu’est ce que vous venez chercher dans des soirées en salle comme celle-ci, plutôt qu’en free-party ?

Johan : C’est la première fois que je le fais dans une salle, c’est génial ! T’as pas forcément froid, y’a pas la pluie, niveau qualité c’est top. Il y a un coin fumeur si tu veux sortir, c’est pas mal. Et franchement, la sécurité et la sociabilité sont différentes.

Mehdi : Un peu pareil, la sécurité, la chaleur… Y’en a qui peuvent te dire la drogue, mais il y a en autant que dans des soirées “plus normales” en boîte de nuit etc.

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Mehdi à la soirée Dark Mess

Dominique Bahl

Fragil : Qu’est ce que vous préférez dans les soirées comme celles-ci que dans des soirées en boîtes de nuits classiques ?

Mehdi : Tu rencontres pas les mêmes têtes. En boîte c’est souvent les habitués qui viennent le samedi soir etc. Là il y a  des gens qui viennent d’un peu partout. Tout à l’heure j’ai rencontré des gens de Rennes qui ont fait 1h45 de route. Ici, il y a quelque chose qu’on n’a pas dans les soirées en boîte de nuit à Nantes, ici tu viens pour t’amuser avec tes potes, rencontrer des nouvelles personnes, écouter du son… C’est beaucoup plus naturel, beaucoup plus cool.

Johan : Il n’y a pas l’agressivité qu’on peut parfois retrouver en boîte. Ici les gens sont là pour profiter, pas pour chercher la merde.

Manon : Le son, en boîte de nuit classique c’est pas pareil. Ici, tu peux rencontrer des gens dans le même délire musical que toi. On est en plus petit comité, c’est plus facile de parler aux gens. C’est pas la même mentalité.

Alexis : Dans les boîtes de nuit, il y a toujours une gêne pour aller vers les gens, pas ici.

Côté artiste :

Fragil a pu discuter brièvement avec quelques artistes présent·es à la soirée, Militsa et Densha Crisis.

Fragil: Comment se passe votre soirée ?

Militsa :  Super bien, on est très bien accueilli, on est agréablement surpris par le professionnalisme dont les associations ont fait preuve.

Densha Crisis : Pareil, très bien. J’ai aussi fait partie de mouvements free et je suis passé dans le légal. Je connais le parcours que les deux assos sont en train de traverser, et franchement ils font un travail de super qualité. Je serai ravi de revenir pour une autre soirée s’ils me ré-invitent.

Fragil: Tu (Militsa) as eu des soucis techniques durant ton set ?

Milista : Oui, je n’ai eu des retours sons qu’à la fin, mais on est habitué, ce sont des choses qui arrivent souvent et on doit faire avec. En vrai, ça s’est quand même bien passé.

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Densha Crisis face à son public à la soirée Dark Mess

Manon Compagnon / @zbatmanon

 

Photos par Dominique Bahl : http://bahldominique.com/

Et Manon Compagnon : https://www.instagram.com/zbatmanon/

 

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Apprenti journaliste, diplômé d'une licence d'histoire, passionné de rap français.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017