23 avril 2025

Aurélien et l’impro : une aventure collective

Dans le cadre de sa série sur l’humour et sa mise en scène, Fragil est allé à la rencontre d’Aurélien, membre actif de la troupe du Lait Chaud. Née de l’envie de repousser les limites du jeu, cette compagnie cultive un théâtre d’improvisation à la fois exigeant et spontané. Entre rires et instants de grâce inattendus, ses comédien·nes explorent sans filet l’art du rebond et du lâcher-prise. Mais derrière cette apparente légèreté se cache un véritable travail de fond, car si l’improvisation amuse, elle repose aussi sur la technique, la complicité et une bonne dose d’humilité.

Aurélien et l’impro : une aventure collective

23 Avr 2025

Dans le cadre de sa série sur l’humour et sa mise en scène, Fragil est allé à la rencontre d’Aurélien, membre actif de la troupe du Lait Chaud. Née de l’envie de repousser les limites du jeu, cette compagnie cultive un théâtre d’improvisation à la fois exigeant et spontané. Entre rires et instants de grâce inattendus, ses comédien·nes explorent sans filet l’art du rebond et du lâcher-prise. Mais derrière cette apparente légèreté se cache un véritable travail de fond, car si l’improvisation amuse, elle repose aussi sur la technique, la complicité et une bonne dose d’humilité.

Après avoir pratiqué le théâtre au collège, puis suivi des cours au lycée, Aurélien se frotte pour la première fois au théâtre d’impro pendant ses études, en rejoignant Les Lézards Scéniques, la troupe de l’école d’architecture. C’est en la quittant 5 ans plus tard avec celleux qui voulaient pousser le curseur plus loin qu’est née la compagnie du Lait Chaud. Le programme est simple et efficace : “Rester potes”. Avec l’idée que s’ils s’amusent ensemble sur scène, le public s’amusera aussi. L’ambition professionnelle était sous-entendue dès le départ, mais pas forcément l’objectif, ni conscientisée par tout le monde : “On n’y croyait pas encore assez pour se dire qu’on allait tou·tes faire ça. Et aujourd’hui on est quand même pas mal à être passé·es pros ou semi-pros”. Sans casting, mais plutôt au feeling, ses 15 membres sont rassemblé·es par la dynamique de la troupe : une envie de se mettre au défi, d’ouvrir vers des disciplines extérieures, comme le clown, la danse, le chant… pour se permettre d’aller plus loin et d’expérimenter. L’intérêt est de cultiver la légèreté et la bienveillance, tout en acceptant l’imprévu et en osant explorer sur scène ce qui n’a pas toujours fonctionné à l’entraînement par exemple !

Le public comme partenaire de jeu

Le public joue un rôle essentiel, car s’il n’y a pas de répondant, on va beaucoup moins loin. “Il nous faut l’énergie du public pour que nous on en sorte !”. Le comédien aime sortir de sa zone de confort et accepte volontiers les crasses sur scène. Et il en rajoute : “J’aime bien marcher comme ça sur la corniche (…)Parfois, je trouve que le public aime bien voir qu’on merde. Enfin ça fait partie du jeu de se péter la gueule justement. Qu’il voit le gros croche-patte que je viens de faire à mon ou ma partenaire.” Témoin de l’évolution de la scène nantaise, Aurélien observe que le public est aujourd’hui plus averti, ce qui se ressent dans l’ambiance du spectacle. « Au début, il y avait une douzaine de troupes. Maintenant, il y en a 30 ! Si tu veux voir de l’impro chaque soir, c’est possible. L’impro a explosé. »

Cabaret hebdomadaire au Bar’Ile. Crédit : David Eddy.

De la technique !

Derrière la spontanéité apparente de l’impro se cache un travail considérable. Le théâtre classique a apporté à Aurélien des bases essentielles : projection de la voix, occupation de l’espace scénique… »Si tu fais le rigolo dans ton coin sur scène et que personne ne te remarque, ça ne va servir à rien ». Pour celleux qui se le demandent, voici les pré-requis, selon lui, pour pratiquer avec plaisir : la volonté, l’autocritique, l’humilité. Il y a la présence scénique aussi, mais ça se travaille. L’humour n’est pas forcément la base. Et pour résumer : « Je pense que si tu es un bon humain, une bonne humaine et que tu as envie de faire de l’impro ça marchera parce que ça se travaille après, le reste. »

La Cie du Lait Chaud représentation

Une partie de la troupe en représentation. Crédit : Lait Chaud.

Le jeu sincère

Le spectacteur a l’habitude d’y aller pour s’amuser, mais l’impro permet de ramener de l’émotion aussi. Parfois au milieu du spectacle on assiste à ces petits moments intimes, qui surgissent sans crier gare. Il faut une certaine agilité dans le groupe pour être au diapason au même moment. “Cela se fait grâce au travail, du temps, une synergie. C’est un peu magique, un état de grâce. Ça coule de source et c’est trop bien quand ça fait 5 minutes que tu parles en avant scène et sans te retourner tu sais exactement ce qui se passe derrière toi.” Cela demande parfois de puiser dans ses émotions, dans son vécu pour faire exister les multiples scénarios qui prennent vie sur scène. La question peut se poser du respect des limites de chacun·e, lorsqu’iels sont pris par le jeu. C’est pour cela qu’avant chaque représentation, c’est un vrai sujet : “ Il y a quelque chose de très important, et d’important partout, c’est le consentement. Donc, on parle avant entre nous sur comment on se sent, comment est-ce qu’aujourd’hui on a envie d’être touché·e, pas touché·e, est-ce qu’il y a des sujets qu’on a pas du tout envie d’aborder (…)  On essaie de créer une safe space dès le début et ça se remarque aussi quelqu’un qui va pas être bien tout d’un coup sur scène et là il faut réagir.”

Le travail sur l’égo y est intéressant car chacun·e doit trouver sa place dans un espace-temps qui n’est pas dessiné à l’avance. Et ce n’est pas toujours facile : “J’ai des souvenirs de spectacle où sans le vouloir et sans m’en rendre compte je prenais beaucoup de place et il faut que j’aie un déclic, il faut que je voie ce qui se passe, pour que  je laisse la place aux autres parce c’est à tout le monde la scène.” 

Cela demande aussi de plonger dans un paquet de sujets et d’être à l’aise dans toutes les situations qui peuvent prendre forme en direct. Est-ce que cela demande une bonne culture générale ? En tout cas, cela demande d’être “un bon imposteur”. Les impro longues (dans les 45 minutes) sont un véritable défi, car “si l’on est pas à l’aise avec le personnage, il va falloir bosser !”.

Heureusement tout cela est plus facile quand on est bien entouré.e et c’est l’avantage dans une troupe comme le Lait Chaud, où toutes les tentatives, même les plus hasardeuses sont bienvenues (pensée à celleux qui ont vécu celle du yaourt). C’est bien cela qui anime notre comédien, cette certitude que l’improvisation est avant tout une aventure collective, où l’échec comme le triomphe se partagent toujours à plusieurs.

Retrouvez aussi le portrait de Maureen Louis, stand-uppeuse nantaise.

À l'image de sa "to-do-list", de cet été, le parcours de Marion "ne fait que de s'allonger". Hier chargée de production dans l'audiovisuel et aujourd'hui journaliste pour Fragil, cette rennaise d'origine aime "la nouveauté", et n'a de cesse de sortir de sa zone de confort.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017