5 avril 2023

Assises du journalisme 2023 : Fragil nommée, mais pas récompensée

Le mardi 28 mars, Fragil s’est rendue aux assises du journalisme à Tours pour défendre son projet de création d’un média luttant contre la haine en ligne au lycée Nicolas Appert face à deux autres concurrents dans la catégorie « école » des prix EMI. À la clé : un titre et 1500 euros pour les gagnant·es.

Assises du journalisme 2023 : Fragil nommée, mais pas récompensée

05 Avr 2023

Le mardi 28 mars, Fragil s’est rendue aux assises du journalisme à Tours pour défendre son projet de création d’un média luttant contre la haine en ligne au lycée Nicolas Appert face à deux autres concurrents dans la catégorie « école » des prix EMI. À la clé : un titre et 1500 euros pour les gagnant·es.

Soixante candidatures retenues, dix-huit nommé·es et six prix pour tout autant de catégories : média / école / hors école / association / Touraine – région centre-val-de-Loire / rive sud de la méditerranée. Fragil était nommée dans la catégorie « école » face à deux autres concurrents. François-Xavier Josset, qui représentait l’association a eu pour mission de défendre le projet en trois minutes top chrono face à un jury présidé par Sébastien Olland, journaliste chez Brut qui remplaçait son collègue Rémy Buisine qui couvrait la manifestation contre la réforme des retraites à Paris.

François-Xavier présente la création d’un média collaboratif contre la haine en ligne au lycée Nicolas Appert. Des classes de secondes et de premières étaient concernées, sur cinq temps de deux heures. Il raconte : « L’idée c’est que les élèves débattent, échangent et décident ensemble de tout« . Définir la haine en ligne, comment faire du journalisme, mises en situations d’interviews, recherche d’un nom de média, choix de la plateforme de diffusion… Les élèves travaillent en commun pour créer un projet qui leur ressemble. L’une de ces classes prise en exemple a réalisé huit reportages qui ont pu mettre en lumière des témoignages forts de victimes de cyber-harcèlement. Ce projet s’est multiplié dans plusieurs établissements et a impliqué 250 élèves.

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François-Xavier présente le projet face au jury et au public

Victor Dimitrov

Face à Fragil : le projet « L’âge des passions » du Collège Simone de Beauvoir (59). Un accompagnement d’une trentaine de collégiens et collégiennes sur six séances dans la rédaction d’articles pour un web-magazine, la création de formats vidéos et l’enregistrement de podcasts en partenariat avec l’École supérieure de Journalisme de Lille (ESJ).

Le troisième concurrent était un projet qui « tend à réconcilier les élèves et les professeurs avec l’EMI et le thème climatique« , nous dit sa représentante. Une réconciliation jugée nécessaire face à l’éco-anxiété grandissante. Il consistait à faire découvrir à des élèves de sixième du Collège Olympe de Gouges les médias et le travail sur les sources. Les élèves montaient une rédaction et rédigeaient une série d’articles, un moyen de les transformer en acteurs investis de ce sujet sensible. L’initiative ne s’arrête pas là ! Webradio, vidéos, podcasts et une collaboration avec deux journalistes scientifiques… Un large panel d’activités pour convaincre les élèves de l’importance de l’engagement citoyen.

Aux alentours de 18h30, les résultats sont dévoilés : c’est le projet « L’âge des passions » du Collège Simone de Beauvoir (59) qui remporte le titre.  Si l’équipe de Fragil est un peu déçue de ne pas avoir remporté le prix, elle reste très fière de son projet qui continuera d’exister durant les prochaines années. François-Xavier témoigne de son utilité avec deux citations d’un élève ayant suivi les ateliers : « Monsieur, pourquoi on déteste les journalistes ? » lors de la première séance, puis « En fait, on n’aime pas les journalistes parce qu’on ne se rend pas compte à quel point c’est dur de retranscrire parfaitement la réalité » durant la dernière. Même si elle n’a pas été récompensée cette année, l’association Fragil continue l’action actuellement dans d’autres lycées.

Apprenti journaliste, diplômé d'une licence d'histoire, passionné de rap français.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017