14 novembre 2018

Alain Chamfort, 50 années d’élégance

A l’occasion de son concert le 29 novembre prochain à la Cité des Congrès, Fragil a rencontré cet artiste hors du temps, discret et d’une humilité à toute épreuve. La grande classe.

Alain Chamfort, 50 années d’élégance

14 Nov 2018

A l’occasion de son concert le 29 novembre prochain à la Cité des Congrès, Fragil a rencontré cet artiste hors du temps, discret et d’une humilité à toute épreuve. La grande classe.

Dandy chic, amateur de sons en tout genre et mélodiste hors pair, Alain Chamfort affiche cinquante années de carrière au compteur… Pas mal, non ? Pour autant certain.es d’entre vous n’arrivent toujours pas à mettre le doigt sur le titre d’une de ses chansons !
C’est pourtant une figure incontournable de la musique pop française des années 80, Alain Chamfort, avec des titres comme Bambou, La Fièvre dans le sang ou Traces de toi. Et il reste le seul artiste masculin à qui Serge Gainsbourg a écrit deux albums, avec notamment l’énorme tube Manureva, qui s’est vendu à près d’un million d’exemplaires :

Aujourd’hui, plutôt que de sortir un best-of ou de s’embarquer dans une tournée anniversaire, Alain Chamfort ouvre une nouvelle fenêtre sur son travail avec Le Désordre des choses, album sorti en avril dernier, et démarre cet automne une tournée de six mois dans toute la France. Entretien.

Fragil : Comment abordez-vous ces nouveaux rendez-vous avec le public ?
Alain Chamfort : Il y a toujours une petite inquiétude quand on monte sur scène, on a peu de temps pour y réfléchir, pour répéter, ça se fait toujours dans une espèce de précipitation – nous avons eu seulement deux jours de résidence pour préparer la tournée avec mes trois musiciens (batteur, guitariste et claviériste).
On n’est jamais vraiment sûr de ce qu’on fait, on corrige au fur et à mesure, on voit comment les gens réagissent : nous on fait une proposition et on découvre comment le public la perçoit, en fonction de ça on peut changer l’ordre des chansons, en supprimer, en rajouter… On fait au mieux et après on améliore.
Mais c’est un plaisir !

Fragil : Est-ce que la scène est un passage obligé pour les artistes aujourd’hui ?
Alain Chamfort : Chacun est libre de faire ce qu’il veut, mais aujourd’hui si on ne monte pas sur scène on ne fait plus rien, à part de la promotion éventuellement. Cette promotion, ça ne sert à rien de la faire dans le vide, il faut qu’elle ait un but.
La scène est encore le lieu où les artistes peuvent donner un rendez-vous à des gens, où il n’y a pas de filtre, de média entre eux et nous, on est en lien direct. Rien n’est tronqué ou interprété.
On leur propose un répertoire, non pas juste une chanson, on passe deux heures avec eux, à leur présenter une palette de chansons qui leur permettent de comprendre qui on est.

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/11/Alain-Chamfort-c-Julien-MIGNOT-8.jpg » credit= »Julien Mignot » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

Fragil : On vous a peu vu dans les médias au moment de la sortie de votre dernier album, était-ce un choix délibéré ?
Alain Chamfort : Il y a des gens qui sont très bons dans les médias, ils savent saisir l’opportunité du moment, le petit espace temps qui leur est consacré, pour se vendre – car on (les artistes) est là pour ça quand on va dans les médias. Quand on n’est pas habile dans cet exercice-là, ce n’est pas efficace.
J’ai l’impression que ce n’est pas le lieu où j’excelle en tout cas. Moi je me sens plus à ma place sur une scène : si jamais on se trompe, on peut recommencer la chanson, chacun apparaît tel qu’il est sur scène. Quand on est coincé dans un programme figé, super répété, très au point, quelques fois on ressent un manque d’humanité. On voit à qui on a à faire quand justement il y a des erreurs et des choses inattendues qui surviennent.
J’aime bien tous ces aspects-là, qui permettent d’être dans un rapport assez vrai finalement.
Aujourd’hui, on fait des disques pour la scène : la finalité des albums, c’est pour avoir de l’actualité bien sûr, de continuer à alimenter son répertoire, et surtout de justifier le fait d’aller présenter ses titres sur scène. Si on n’a plus de nouveaux disques à présenter, c’est difficile de monter une tournée. Ou alors on le fait sur son passé, et à ce moment-là on va rejoindre « Age tendre et tête de bois ». Tant que je peux éviter…

Alain Chamfort sera en concert le 29 novembre à la Cité des Congrès de Nantes.

Ouverture, culture et mieux-vivre ensemble sont des sujets qui touchent particulièrement Fanny. Engagée depuis plusieurs années dans le secteur public culturel, elle revient grâce à Fragil à ses premières amours : le journalisme.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017