19 avril 2018

À VIF de Kery James

La représentation de la pièce À VIF de Kery James s’est déroulée jeudi 29 mars au Piano’Cktail à Bouguenais.

À VIF de Kery James

19 Avr 2018

La représentation de la pièce À VIF de Kery James s’est déroulée jeudi 29 mars au Piano’Cktail à Bouguenais.

Cette pièce était attendue par un public averti ou initié, s’interrogeant sur le parti pris de Kery James, considéré comme l’icône du rap politique français avec des discours engagés sur la situation des banlieues et sur les maux d’un pays partagé. C’est à travers le théâtre qu’il a décidé de faire passer son message, un message fort empreint d’engagement et de tolérance.

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Kery James et Yannik Landrein, les deux acteurs

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« L’État est-il seul responsable de la situation actuelle des banlieues ? »

Responsabilité, oui responsabilité. Quelle signification accorde-t-on à ce terme parfois mal compris ou mal interprété ? Doit-on avoir une responsabilité collective ou individuelle ? Doit-on être responsable de l’agissement de chacun ? Plusieurs questions qui vont amener deux avocats à échanger leur point de vue propre à leurs parcours et à leurs origines. On a tous une représentation singulière des banlieues, situation particulière dans laquelle la responsabilité est rejetée de part et d’autres sans pour autant trouver des solutions adaptées. La pièce pose une question simple, interrogeant la notion de responsabilité d’un point de vue sémantique et représentatif : « L’État est-il seul responsable de la situation actuelle des banlieues ? ».

Les plaidoiries commencent. Les deux avocats vont prendre le temps de réfléchir au sens qu’ils vont accorder aux mots utilisés, à leurs poids et à leur signification. Tout va se jouer dans le regard, dans l’intonation de la voix et dans la justesse des mots. Cela peut s’avérer compliqué quand on décide de s’affronter à un terme qui est devenu tabou. Trouver les mots justes pour parler de l’inexplicable. On se retrouve confronter à une banlieue qu’on connait peu, déformée par les médias et par les représentations qu’on y attache. On ne prend même pas le temps de réfléchir aux personnes qui y vivent, qui y ont grandi et qui se sont construits à travers ces lieux.

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Kery James, acteur et auteur de la pièce

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Est-ce qu’une société peut être viable si on se soucie uniquement du « moi » ?

Nous ne sommes pas juste spectateurs, nous sommes confrontés à notre posture de citoyen ayant des droits et des devoirs. Doit-on seulement être responsable de ce que nous sommes ? Nous ne vivons pas dans une société où le collectif doit être omniprésent ? Ces questions soulèvent le fait que désormais le « je » va l’emporter sur le « nous ». Nous allons privilégier nos intérêts au risque de détruire ceux des autres. Est-ce qu’une société peut être viable si on se soucie uniquement du « moi » ? Je ne pense pas. C’est en cela que la pièce est bouleversante. Par l’engagement des mots et l’engagement du combat. Cette pièce nous remet à notre place, peu importe d’où l’on vient, elle nous amène à nous questionner sur notre responsabilité et sur la question de l’autre. L’autre qui comme nous, ne demande qu’à rêver et à voir plus loin que les stéréotypes qu’on lui impose. C’est un message d’avenir, un message de tolérance et de paix. C’est une invitation à créer le monde de demain. Malgré la complexité de la situation, nous pouvons ensemble faire bouger les choses, tendre la main à celui qu’on surnomme « l’autre ». C’est ainsi que pourra se construire le monde de demain.

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Yannik Landrein

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Je m’incline devant cet art, je m’incline devant ces mots.

La mise en scène reste simple et pour autant tout aussi efficace. Elle laisse vivre les mots en leur donnant toute leur justesse. Tous les éléments sont d’une sincérité inégalable. L’art n’est ici pas seulement divertissant, il permet de créer un espace d’échange sur des questions de société primordiales.

L’art de la contestation, nous engage, nous bouleverse. Il nous montre que l’on n’est pas obligé de rester à l’état de passif et que l’on peut agir à notre échelle pour ce qui nous semble juste. C’est un regain d’humanité dans un monde qui en est parfois dénué. C’est un instant d’engagement comme il nous en ait rarement donné à voir. Je m’incline devant cet art, je m’incline devant ces mots.

Passionnée par les sujets d’actualité, j’attache de l’importance à informer et à sensibiliser sur des histoires méconnues. J’aime découvrir et appréhender le monde qui m’entoure par des rencontres, des partages et des parcours de vie.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017