Cette pièce était attendue par un public averti ou initié, s’interrogeant sur le parti pris de Kery James, considéré comme l’icône du rap politique français avec des discours engagés sur la situation des banlieues et sur les maux d’un pays partagé. C’est à travers le théâtre qu’il a décidé de faire passer son message, un message fort empreint d’engagement et de tolérance.
« L’État est-il seul responsable de la situation actuelle des banlieues ? »
Responsabilité, oui responsabilité. Quelle signification accorde-t-on à ce terme parfois mal compris ou mal interprété ? Doit-on avoir une responsabilité collective ou individuelle ? Doit-on être responsable de l’agissement de chacun ? Plusieurs questions qui vont amener deux avocats à échanger leur point de vue propre à leurs parcours et à leurs origines. On a tous une représentation singulière des banlieues, situation particulière dans laquelle la responsabilité est rejetée de part et d’autres sans pour autant trouver des solutions adaptées. La pièce pose une question simple, interrogeant la notion de responsabilité d’un point de vue sémantique et représentatif : « L’État est-il seul responsable de la situation actuelle des banlieues ? ».
Les plaidoiries commencent. Les deux avocats vont prendre le temps de réfléchir au sens qu’ils vont accorder aux mots utilisés, à leurs poids et à leur signification. Tout va se jouer dans le regard, dans l’intonation de la voix et dans la justesse des mots. Cela peut s’avérer compliqué quand on décide de s’affronter à un terme qui est devenu tabou. Trouver les mots justes pour parler de l’inexplicable. On se retrouve confronter à une banlieue qu’on connait peu, déformée par les médias et par les représentations qu’on y attache. On ne prend même pas le temps de réfléchir aux personnes qui y vivent, qui y ont grandi et qui se sont construits à travers ces lieux.
Est-ce qu’une société peut être viable si on se soucie uniquement du « moi » ?
Nous ne sommes pas juste spectateurs, nous sommes confrontés à notre posture de citoyen ayant des droits et des devoirs. Doit-on seulement être responsable de ce que nous sommes ? Nous ne vivons pas dans une société où le collectif doit être omniprésent ? Ces questions soulèvent le fait que désormais le « je » va l’emporter sur le « nous ». Nous allons privilégier nos intérêts au risque de détruire ceux des autres. Est-ce qu’une société peut être viable si on se soucie uniquement du « moi » ? Je ne pense pas. C’est en cela que la pièce est bouleversante. Par l’engagement des mots et l’engagement du combat. Cette pièce nous remet à notre place, peu importe d’où l’on vient, elle nous amène à nous questionner sur notre responsabilité et sur la question de l’autre. L’autre qui comme nous, ne demande qu’à rêver et à voir plus loin que les stéréotypes qu’on lui impose. C’est un message d’avenir, un message de tolérance et de paix. C’est une invitation à créer le monde de demain. Malgré la complexité de la situation, nous pouvons ensemble faire bouger les choses, tendre la main à celui qu’on surnomme « l’autre ». C’est ainsi que pourra se construire le monde de demain.
Je m’incline devant cet art, je m’incline devant ces mots.
La mise en scène reste simple et pour autant tout aussi efficace. Elle laisse vivre les mots en leur donnant toute leur justesse. Tous les éléments sont d’une sincérité inégalable. L’art n’est ici pas seulement divertissant, il permet de créer un espace d’échange sur des questions de société primordiales.
L’art de la contestation, nous engage, nous bouleverse. Il nous montre que l’on n’est pas obligé de rester à l’état de passif et que l’on peut agir à notre échelle pour ce qui nous semble juste. C’est un regain d’humanité dans un monde qui en est parfois dénué. C’est un instant d’engagement comme il nous en ait rarement donné à voir. Je m’incline devant cet art, je m’incline devant ces mots.