2 décembre 2025

Des groupes locaux à l’honneur dans la playlist MINT « Everybody Rocks »

Suite à un article de Fragil mettant en lumière la faible mixité d'une série de concerts à Nantes, l'artiste Maddy Street a créé l'événement en recensant des projets musicaux rock portés par des femmes et/ou minorités de genre.

Des groupes locaux à l’honneur dans la playlist MINT « Everybody Rocks »

02 Déc 2025

Suite à un article de Fragil mettant en lumière la faible mixité d'une série de concerts à Nantes, l'artiste Maddy Street a créé l'événement en recensant des projets musicaux rock portés par des femmes et/ou minorités de genre.

« Ça fait une sacrée bande ! » Cécile, l’une des musiciennes du trio Île de Garde a eu l’agréable surprise comme de nombreux·ses autres artistes de voir le nom de son groupe cité dans une vidéo Instagram de l’artiste Maddy Street. Parmi plus de 100 noms, deux autres groupes nantais sont en tête de liste : Parcours Santé et Burn The Dress. Leur point commun : être composés d’au moins une femme ou d’une personne de minorité de genre, et évoluer dans un univers rock en France. Après la vidéo devenue virale, Maddy Street et Clothilde Arthuis (Treaks) ont créé la playlist Everybody Rocks, disponible sur les plateformes Deezer et Spotify, qui recense à ce jour 167 titres.

Allier humour et pédagogie

À l’origine de cette playlist, un concert de Maddy Street en première partie du groupe Camion Bip Bip programmé au Ferrailleur le 6 novembre dernier, et la parution, quelques semaines auparavant, d’un article de Fragil qui pointait la faible représentation des minorités de genre dans la programmation 2025 des Concerts Sauvages.
« Je ne me voyais pas jouer au Ferrailleur, donc potentiellement ramener un peu des gens, faire un concert là-bas, et ne rien dire. » expose l’artiste normand·e. Pour iel, il était important de dénoncer « cette mauvaise foi vis-à-vis de la programmation des femmes dans le milieu musical. Je voulais montrer que même ici, même à Nantes, même dans le coin, il y a des artistes qui peuvent être programmé.es. »

Après avoir sollicité sa communauté sur Instagram pour recenser les artistes ou groupes français.es de rock avec des femmes et/ou minorités de genre, Maddy Street a composé une chanson sur une instrumentalisation de son amie Clothilde Arthuis (Treaks). C’était, pour cet·te artiste aux deux parents anglais, une évidence de le faire sous forme musicale : « C’est ce que je fais avant tout, je suis artiste, je produis, j’écris, et donc utiliser un peu tout ça, et peut-être aussi un peu de second degré britannique. »

 

 

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Alors que la vidéo devenait virale sur les réseaux, jouer le morceau composé sur la scène du Ferrailleur était pour Maddy un levier d’action évident qui a eu des échos en interne. À l’initiative de cette soirée de concerts, Élodie Brégier de l’association Tracass admet avoir été surprise mais soutenir l’action.  Pour elle, il est important de « faire la part des choses entre Tracass et le Ferrailleur ».
Créée en 2020 en plein Covid, l’association s’est d’abord donnée pour mission de soutenir les artistes et les technicien·nes ligérien·nes, avec le soutien de la Ville de Nantes. L’association se consacre aujourd’hui principalement à la production et à la diffusion de concerts, ainsi qu’à un programme de résidences en partenariat avec le Ferrailleur et le Macadam : la Métallerie Modulaire.
« On a toujours été engagé avec Tracass à soutenir les projets féminins, ce qu’on a fait via la Métallerie Modulaire et ce qu’on essaie de faire de plus en plus avec notre production de concerts au Ferrailleur. On avait aussi organisé le More Women On Stage en 2023 » rappelle Élodie Brégier, la chargée d’administration et de production de l’association. « Ça me tient à cœur que des lieux privés non subventionnés arrivent aussi à avoir des belles prog inclusives. »

Un débat nécessaire

En tant que co-organisatrice des Concerts Sauvages, Élodie voit dans ce genre d’action un potentiel accélérateur de changement. Si les programmateurs avaient déjà conscience qu’il fallait changer leur manière de sélectionner les artistes pour la saison 2026, « je pense que ça va changer aussi parce qu’il y a eu cet article, et qu’il y aura, de toute façon, peut-être plus de diversité prévue, parce que la chanson l’a dit. Ça ne peut qu’être productif ! »

« La vidéo de Maddy résume vraiment ce qu’on a besoin d’entendre en ce moment » : programmer davantage d’artistes assigné·es femmes ou issues des communautés queers, et cesser de prétendre qu’iels seraient trop rares ou pas assez compétent·es, souligne Marie, la/le bassiste de Parcours Santé. Iel rappelle combien il est fréquent d’entendre : « Des groupes de meufs, on n’en connaît pas… il n’y en a pas à programmer. »
Marie déplore aussi les remarques infantilisantes qui accompagnent souvent leurs prestations, du type « C’est bien ce que vous faites, les filles » ou, pire, « … pour des filles » : « Ça nous ramène à quelque chose de plus petit que ce qu’on est et plus petit que ce qu’on incarne. » Le groupe punk-pop avait d’ailleurs choisi de tourner cette discrimination en dérision dans sa chanson On a de la chance.

Le groupe « Parcours Santé » composé de Laurène Pierre-Magnani, Marie Ronflex, Cecile Jarsaillon et Lou Cadet au son, en concert à La Dérive en janvier 2023.Photo © Vincent Curutchet

Le groupe « Parcours Santé » composé de Laurène Pierre-Magnani, Marie Ronflex, Cecile Jarsaillon et Lou Cadet au son, en concert à La Dérive à Nantes en janvier 2023. Photo © Vincent Curutchet

Pour Parcours Santé, la scène est un lieu de liberté et d’expérimentation où l’imperfection a sa place. Un état d’esprit qui, selon Marie, peut inspirer les plus jeunes : « Je me dis toujours que ce qu’on fait, ça peut peut-être mettre la graine dans la tête de jeunes filles qui se disent ‘En fait, j’ai le droit de faire autre chose qu’être chanteuse lead, coincée derrière mon micro, j’ai aussi le droit de taper sur une batterie, de faire d’autres instruments.’ Et ça, je pense que c’est important ! »

 

650 000 vues et le projet d’un concert collectif

La vidéo de Maddy Street a aujourd’hui dépassé les 650 000 vues sur Instagram. Un succès qui va au delà de ses attentes et a permis d’amplifier la visibilité de Maddy et de tous·tes les artistes et groupes cité.es. « Il a suffi de pas grand-chose, entre guillemets, pour démontrer qu’on est énormément de personnes femmes et minorités de genre qui sont là, qui font du rock, tous types de rock », se réjouit Maddy.

Cécile du groupe Île de Garde confie avoir eu l’impression d’assister à « un teasing de fin de film avec les remerciements de toutes les meufs qui se bougent le cul depuis des années à faire du son ». Une mise en lumière qui « fait du bien » pour le trio féminin qui sortira un EP 6 titres en janvier avant d’entamer une résidence créative à Trempo en février.

Les retombées ont été immédiates pour le groupe Burn the Dress qui n’existe que depuis janvier : « c’est chouette parce que du coup on a été programmé pour un festival nantais, en avril 2026, suite à ce réel. »
Nourrie par cet élan communautaire, l’idée de faire un concert collectif avec d’autres artistes cité·es dans le réel de Maddy a émergé. « On va chercher de notre côté d’autres groupes qui pourraient être partants » expose Pauline, la chanteuse du groupe.

 

Plus d’info

Playlist « Everybody Rocks » sur Deezer et Spotify

Tout droit arrivée de Paris où elle a vécu les 15 dernières années, Amandine est à Nantes depuis seulement quelques mois. Pourtant, sa connaissance du calendrier culturel et son ancrage dans le quartier révèlent plutôt une femme capable de trouver toutes les occasions pour faire des rencontres et de s’imprégner de l'imaginaire nantais.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017