7 novembre 2025

À Sainte-Luce-sur-Loire, un vernissage de SOS Méditerranée sous dispositif de sécurité

Ce jeudi 6 novembre se tenait le vernissage d’Être(s) Humain(s) à la mairie de Sainte-Luce-sur-Loire. Organisée par SOS Méditerranée, cette exposition s’est attiré les foudres du parti Reconquête qui dénonçait il y a quelques jours un usage « de l’argent public par rapport à une association qui mène un combat idéologique ». L’événement s’est déroulé sans accroc, même si le contexte était loin d’être à l’insouciance.

À Sainte-Luce-sur-Loire, un vernissage de SOS Méditerranée sous dispositif de sécurité

07 Nov 2025

Ce jeudi 6 novembre se tenait le vernissage d’Être(s) Humain(s) à la mairie de Sainte-Luce-sur-Loire. Organisée par SOS Méditerranée, cette exposition s’est attiré les foudres du parti Reconquête qui dénonçait il y a quelques jours un usage « de l’argent public par rapport à une association qui mène un combat idéologique ». L’événement s’est déroulé sans accroc, même si le contexte était loin d’être à l’insouciance.

Plus d’une centaine de personnes ont assisté jeudi 6 novembre au vernissage de l’exposition Être(s) Humain(s), proposée par SOS Méditerranée à la mairie de Sainte-Luce-sur-Loire. Une affluence inhabituelle pour ce genre d’événement. « Je ne sais pas ce qui s’est passé avec cette exposition, peut-être que vous en avez entendu parler sur les réseaux sociaux » dit en souriant David, bénévole de l’antenne nantaise de SOS Méditerranée, lors de son discours.

Anthony Descloziers, maire de Ste Luce, et David, bénévole de SOS Méditerranée. Crédit : Ewen Le Pennec 06/11/2025

Une polémique stérile

Cette allusion fait référence à la réaction de Laurent Chomard, de Reconquête, le parti d’Éric Zemmour. Il avait appelé il y a quelques jours dans un communiqué de presse diffusé sur le compte X de l’antenne départementale de Reconquête « tous les français patriotes [à] s’unir contre la tenue de cette exposition », en les incitant à protester auprès de la mairie et à se rendre au vernissage

L’une des photos de l’exposition Être(s) Humain(s). Crédit : Ewen Le Pennec 06/11/2025

Le délégué départemental du parti s’indignait entre autres que l’exposition soit financée « avec l’argent des contribuables ». Une accusation à laquelle Emmanuelle, référente sensibilisation scolaire à SOS Méditerranée, répond très simplement : « Ça ne coûte rien au contribuable, puisque nous n’avons aucune espèce d’aides de l’Etat. Le financement de SOS Méditerranée repose uniquement sur des dons privés. On a quelques collectivités partenaires qui donnent, des fondations, des mécènes. A aucun moment la critique de Reconquête n’est recevable. »

Aucun incident n’a été à déplorer lors de ce vernissage sous surveillance de la police municipale et de la gendarmerie. « On avait des informations, on se disait bien que ça n’allait pas être si important que ça », confie Anthony Descloziers, maire PS de la commune. « Je suis là pour gérer la tranquillité publique, je n’avais pas d’autre choix que de mobiliser un dispositif de sécurité. »

« Sensibiliser la population, c’est crucial »

Après avoir tourné dans des écoles, collèges et médiathèques du département, l’exposition est à présent installée dans le hall de la mairie de Sainte-Luce-sur-Loire. C’est un Lucéen mécontent qui aurait alerté Reconquête sur l’organisation de cette exposition. Le maire justifie son choix : « C’est une très belle exposition qui raconte une réalité importante que vivent beaucoup de personnes. Je trouve que montrer ce que c’est, sensibiliser la population, c’est crucial. On est dans un accueil de mairie, l’exposition est ouverte à tou.tes celles et ceux qui viennent faire leur carte d’identité ou leur passeport par exemple. Les écoles vont sans doute s’inscrire petit à petit. »

Être(s) humain(s) se compose de 36 photographies retraçant 10 ans de sauvetages de SOS Méditerranée à bord de l’Aquarius puis de l’Ocean Viking. « On ne peut pas ne pas être ému.e devant tous ces témoignages et ces photos » affirme Joëlle, venue assister au vernissage. « Je ne sais pas comment font les gens qui s’en fichent mais ce n’est pas possible. »

Joëlle devant deux photos de l’exposition Être(s) humain(s). Crédit : Ewen Le Pennec 06/11/2025

Un contexte « compliqué »

La réaction de Reconquête illustre bien le climat « compliqué » autour des questions sur la migration comme l’a souligné David de SOS Méditerranée dans son discours. Et ce, tant au niveau national qu’au niveau local rappelle Anthony Descloziers : « On est dans une commune préservée mais chaque jour j’entends des discours de rejet, de repli, des choses abominables. Ça montre la réalité de ce qu’on vit, l’impression que peuvent avoir certains habitant d’être éloigné de toute ces situations. Les médias et les télés en continu qui véhiculent des informations, souvent des médias privés, génèrent ce type de comportement. C’est vraiment inquiétant. »

Les bénévoles de SOS Méditerranée doivent prendre des précautions lors de leurs interventions : ne pas porter le t-shirt au logo de l’association en dehors du lieu où ils interviennent, ne donner à la presse que leur prénom et pas leur nom de famille. Ils savent comment réagir en cas d’incident, comme l’explique Emmanuelle : « On a des formations pilotées par le siège pour ne surtout pas polémiquer, ne surtout pas mettre de l’huile sur le feu. Généralement notre réaction c’est d’écouter si jamais il y a un discours, expliquer que c’est le droit maritime international. Si demain vous avez quelqu’un qui tombe dans la rue ou qui a un accident et que vous fuyez, vous êtes dans l’illégalité. C’est exactement la même chose : le pilote d’un bateau qui ne s’arrête pas est en infraction, c’est aussi simple que ça. »

Emmanuelle, référente sensibilisation scolaire à SOS Méditerranée, devant un panneau de l’exposition. Crédit : Ewen Le Pennec, 06/11/2025

Outre les photographies, plusieurs panneaux explicatifs retracent l’histoire de l’association, expliquent comment se déroule les sauvetages et rappellent les trois piliers de l’action de l’association : sauver, protéger et témoigner. SOS Méditerranée en profite aussi pour démêler le vrai du faux avec un encadré « fake news contre réalité » qui rétablit la vérité sur les actions de l’association pour répondre aux préjugés que peuvent avoir les citoyens.

L’exposition Être(s) humain(s) est visible à Sainte-Luce-sur-Loire jusqu’au 30 novembre avant de partir dans une cité scolaire à Couëron. Sans polémique cette fois-ci, espérons-le.

À 38 ans, Florence, formatrice en espagnol originaire de Quimper, a rejoint Fragil. Entre envie d’écriture, découvertes culturelles et nouvelles rencontres, elle espère que cette expérience lui permettra de redécouvrir Nantes autrement.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017