13 juin 2025

« On va se battre » : le numéro 1 du réemploi Envie 44 s’organise pour sauver ses emplois

Près de 130 emplois sont menacés sur le site d'Envie 44 à Saint-Herblain suite à la perte d'un marché historique avec l’éco-organisme Ecosystem en avril 2025. Le groupe se mobilise pour limiter des conséquences économiques et sociales dramatiques. 

« On va se battre » : le numéro 1 du réemploi Envie 44 s’organise pour sauver ses emplois

13 Juin 2025

Près de 130 emplois sont menacés sur le site d'Envie 44 à Saint-Herblain suite à la perte d'un marché historique avec l’éco-organisme Ecosystem en avril 2025. Le groupe se mobilise pour limiter des conséquences économiques et sociales dramatiques. 

Sur le site de Saint-Herblain, c’est près de 130 emplois qui sont menacés directement ou indirectement. En première ligne, les chauffeurs qui allaient collecter tous les jours bien sûr, mais derrière c’est aussi la partie boutique qui est affectée, et toutes les fonctions de support (RH, compta, direction, …) d’Envie 44, l’association qui collecte depuis près de 20 ans, et répare puis revend des équipements électriques et électroniques dans tout le département depuis 33 ans.

En cause, la fin d’un contrat historique avec l’éco-organisme Ecosytem, agréé par l’État français, qui lui confiait la collecte et le transport d’équipements électroménagers.

Une fin de partenariat brutale et peu argumentée

« On parle de plusieurs milliers de tonnes qui arrivaient sur le site et qui n’arrivent plus en un laps de temps très très court, […] une réponse nous a été apportée le 1er avril pour une mise en œuvre le 5 mai. »
La Direction du groupe Estille, dont fait partie Envie 44, dénonce la brutalité de la réponse et estime que la perte de ce marché, toujours renouvelé depuis 2006 grâce à une offre ajustée, est impossible à palier aussi rapidement : « Aucune société, je pense, en France, insertion ou pas, ne peut compenser 6, 7, ou 8 mille tonnes de déchets en un mois. »

Les enjeux sociaux et environnementaux ont toujours été au cœur des choix professionnels de Tommy Eon, en poste de direction depuis près de 3 ans auprès d’Envie 44. Photo © Amandine Masson, 03/06/2025

Tommy Eon, récemment nommé directeur du pôle environnement et industrie du groupe Estille, déplore également une décision de la part d’Ecosystem qui va même à l’encontre des textes de loi sur l’économie circulaire et le développement durable, comme la loi AGEC, et de sa mission de développement de la réparation et du réemploi en France : « Le fait de donner le marché à des acteurs qui ne font pas de collecte préservante, qui sont des acteurs de la collecte classique, ça dégrade un flux qui historiquement était réemployé, et qui ne le sera plus. »

Le groupe Estille était pourtant à l’origine de cette filière de collecte, en partenariat avec Ecosystem. Suite à ses réclamations, le groupe a eu accès ce 11 juin à la grille d’analyse des réponses du marché par Ecosytem et souhaite désormais l’analyser pour mieux comprendre la décision. Contacté par Fragil, Ecosystem n’a pas donné suite à notre demande d’interview.

Une mission d’insertion professionnelle également en sursis

Au-delà des valeurs écologiques et économiques, Envie, numéro un du réemploi en France, joue un rôle social majeur sur le territoire en proposant des parcours d’insertion socio-professionnelle qualifiants.
Sur les 130 emplois menacés à Saint-Herblain, environs 70 sont actuellement en parcours d’insertion. Des profils variés de personnes éloignées de l’emploi (RSA, chômeur·euses longue durée, habitant·es de quartiers prioritaires, primo-arrivant·es en France, etc.) qui sont formés, rémunérés et accompagnés par des professionnel·les encadrant·es vers un emploi durable. Ces parcours de 24 mois maximum sont un tremplin vers l’emploi.

70 personnes éloignées de l’emploi actuellement en parcours d’insertion et autant d’encadrant·es sont aujourd’hui dans l’attente d’un verdict pour leur avenir. Photo © Amandine Masson, 03/06/2025

Se battre et se réinventer pour maintenir une activité

Avant l’annonce officielle, une médiation a bien été tentée auprès d’Ecosytem, avec le soutien du ministère de la transition écologique mais la seule proposition d’un contrat transitoire de 10 mois a été refusée par Envie et ses salariés, jugée insuffisante pour assurer une pérennité des emplois.

En attendant la réponse au recours juridique lancé début mai par le groupe Estille pour récupérer les marchés, l’incertitude grandit pour les dirigeants et les salariés d’Envie : « Là où on pensait que ça allait pouvoir être considéré comme une situation d’urgence, aujourd’hui on voit que la justice regarde aussi la complexité du dossier et va prendre un petit peu plus de temps que ce qu’on espérait. » regrette Tommy Eon.

Le groupe bénéficie du soutien d’élus locaux et cherche désormais des solutions pour survivre, auprès des collectivités et des acteurs privés : « On est en échange aussi avec les services de la Métropole de Nantes pour voir quelles peuvent être les solutions, quelles missions on peut proposer à la collectivité, et si ça correspond à un besoin. »
L’association entend faire de cette situation une opportunité de se réinventer ou d’accélérer la mise en place de projets qui étaient déjà en réflexion en interne.

Afin de gagner du temps et bénéficier d’une aide d’État, une demande de chômage partiel a été demandée pour les deux structures d’Envie 44 (la partie collecte et la partie réparation/vente).
À l’échelle nationale, la confirmation de la perte des marchés de collecte d’Ecosystem concernés pourrait entraîner la perte de près de 1000 emplois, principalement dans le Grand-Ouest, pour le groupe Estille.

Tout droit arrivée de Paris où elle a vécu les 15 dernières années, Amandine est à Nantes depuis seulement quelques mois. Pourtant, sa connaissance du calendrier culturel et son ancrage dans le quartier révèlent plutôt une femme capable de trouver toutes les occasions pour faire des rencontres et de s’imprégner de l'imaginaire nantais.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017