6 mai 2025

Entre histoire et mémoire, le destin de Flora Théfaine raconté à Cosmopolis : « La danse m’a choisie ! »

La danseuse et chorégraphe nantaise Flora Théfaine, a été mise à l’honneur durant l’exposition Afrique en Mouvement qui s’est tenue du 23 janvier au 1er mars 2025. Celle-ci a été coréalisée par l’association MUVACAN et le CCNN. Les deux collaborateurs nous livrent les raisons pour lesquelles ils ont souhaité l'immortaliser.

Entre histoire et mémoire, le destin de Flora Théfaine raconté à Cosmopolis : « La danse m’a choisie ! »

06 Mai 2025

La danseuse et chorégraphe nantaise Flora Théfaine, a été mise à l’honneur durant l’exposition Afrique en Mouvement qui s’est tenue du 23 janvier au 1er mars 2025. Celle-ci a été coréalisée par l’association MUVACAN et le CCNN. Les deux collaborateurs nous livrent les raisons pour lesquelles ils ont souhaité l'immortaliser.

L’association nantaise Musée Vivant des Arts et Civilisation ou MUVACAN et le CCNN  se sont entendus pour coconstruire cette exposition comme nous le confirme, le chargé de communication et responsable du Centre Chorégraphique National de Nantes, Anttar Tehami : « c’est un choix collectif né d’un dialogue naturel et partagé ». Pour le président, Jacques Barrier, ce fut un « challenge » et un travail « délicat » de concevoir pour le grand public cette exposition : « il est difficile de classer toutes ces cérémonies dansées, ces rituels dont on peut même discuter que ce sont des danses lorsqu’on se réfère à nous car nous avons notre propre vision de la danse. »

Le CCNN s’est chargé de présenter le parcours de la danseuse et chorégraphe nantaise Flora Théfaine, qui incarnait le mieux la volonté des deux acteurs : « chacun reconnaissait l’importance artistique et humaine du parcours de Flora Théfaine, sa pertinence pour porter l’ensemble des thématiques de l’exposition. »

À travers le travail de celle qui a débuté très tôt sa carrière comme chorégraphe franco-togolaise, en créant la Compagnie Sarabande à Quimper puis la Compagnie Kossiwa à Nantes entre les années 70 et 80 , le responsable en communication Anttar Tehami, voulait présenter « l’ engagement pédagogique et social de Flora » et de l’intégrer à une histoire plus globale de la danse africaine.  Le membre du CCNN a conçu une fresque historique présentant des figures marquantes de la danse entre le XVIIIe siècle à aujourd’hui comme Katherine Dunham, Alvin Ailey, Pearl Primus et des mouvements qui y sont rattachés dans un but pédagogique. L’autre partie de l’exposition et l’étage furent consacrés à une approche plus anthropologique relative aux rites funéraires,  aux rites initiatiques et cérémonielles qui a été réalisée par MUVACAN

Une trajectoire personnelle tournée vers l’ouverture et les traditions

Pour MUVACAN, choisir de raconter l’histoire de Flora Théfaine, est une aubaine qui s’inscrit dans un cadre plus large pour déconstruire le rapport très lointain voire « stéréotypé » du monde occidental avec l’art africain et instruire le public nantais. Son président, Jacques Barrier,  aborde la danse africaine sous toutes ses formes en « engageant un dialogue interculturel avec l’Afrique » mais surtout de « lutter contre les idées reçues ».

De gauche à droite : Carmer Ortiz, performeuse et chorégraphe vénézuélienne et Flora Théfaine, chorégraphe franco-togolaise 05/03/2025

Les nombreuses œuvres artistiques de Flora, comme Plissé Soleil jouée par sa compagnie Kossiwa , nous invite à penser qu’elle s’inscrit comme une pionnière de la danse afro contemporaine en évoquant plusieurs passages cérémoniels qui rythment la vie des habitants de son pays natal, le Togo. À l’instar des danses africaines, sa technique invite le spectateur à découvrir « plusieurs facettes du quotidien des  cultures africaines comme le moment de la semaille, la récolte, la mort. » nous explique Anttar.  Son art exprime également un ensemble « d’activités sociales » et un « lien vivant, profond et respectueux avec les traditions africaines. Son travail incarne une « mémoire en mouvement, une danse ouverte, contemporaine, inclusive » »

Découvrir une danseuse locale estimée et accomplie

Il s’agit aussi pour le CCNN, de remercier Flora pour toutes ses années de collaboration avec le centre chorégraphique de Nantes et de révéler sa place prépondérante dans l’histoire de la danse contemporaine au grand public : « Flora Théfaine incarne une trajectoire généreuse, singulière et fondatrice ».

Cette reconnaissance, Flora, l’apprécie également. Elle recevra des applaudissements lors de la soirée de clôture le 1er mars 2025. Elle nous confie d’ailleurs, qu’elle souhaitait que le public puisse comprendre non seulement ses œuvres mais aussi que son travail est le fruit d’un développement très personnel et de ses choix  de carrière : «Je suis auteure, interprète, chorégraphe, enseignante, pédagogue ». Cette vision multidimensionnelle de la danse et très personnelle de son travail ne la lie à aucun style ou mouvement propre car « cela n’a pas de sens » nous avoue-t-elle.

Cette approche de la danse a amené Flora à collaborer avec de nombeux·ses artistes internationales·aux et plus particulièrement des chorégraphes majeur·es comme Germaine Acogny. Elles ont notamment travaillé ensemble avec d’autres acteur·rices  pour composer l’opéra Bintou Wéré (2007). L’intense activité artistique de Flora se retrouve aussi dans son désir d’intégrer d’autres disciplines artistiques venant du théâtre, de la mode, de l’opéra. Son travail a pour but de croiser les différents « langages artistiques » comme le fait remarquer Anttar et il précise aussi qu’elle a œuvré pour « ouvrir la scène à des publics diversifiés qu’ils soient jeunes, des aînés, des non-danseurs ».

« faire des créations , c’est comme faire des enfants, elles ne m’appartiennent pas. »

Au regard de sa longue carrière jusqu’à ses 67 ans, le parcours de Flora lui apparaît parfaitement clair :  « c’est la danse qui m’a choisie », et insiste pour signifier que sa carrière ne peut-être simplement juger par sa modeste personne : « on existe que dans le regard de l’autre », confie-t-elle en échangeant un long sourire.  Pour elle, ses créations font partie d’un ensemble. Elle préfère incarner cette idée d’une matrice qui transmet aux générations futures : « faire des créations, c’est comme faire des enfants, ils ne m’appartiennent pas ».

L’ancienne chorégraphe, s’est également réjouie de « l’ampleur et la répercussion de cette exposition ». Elle a assisté à la soirée de clôture et elle a même invité une amie , une ancienne élève, Carmen Ortiz, une performeuse et chorégraphe vénézuélienne, venue grâce au CCNN,  pour célébrer et rendre hommage à son tour à sa bienfaitrice et chère instructrice.

Au détour d’un regard admiratif, Flora précise :  « c’était important qu’elle soit venue grâce au soutien du CCNN » et  finit par avouer : « ce fut un moment très émouvant ».

 

Rendez-vous de nouveau à l’espace Cosmopolis qui présente du 4 au 11 mai 2 025 une exposition photographique d’Alizée Gau intitulé : « Une Fleure entre les pierres ».

Professeur d’histoire-géographie, Pierre observe avec curiosité les changements de sa ville natale. Entre ses promenades à Chantenay, sa passion pour le backgammon et ses racines iraniennes, il explore à sa manière l’histoire et la culture.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017