L’association nantaise Musée Vivant des Arts et Civilisation ou MUVACAN et le CCNN se sont entendus pour coconstruire cette exposition comme nous le confirme, le chargé de communication et responsable du Centre Chorégraphique National de Nantes, Anttar Tehami : « c’est un choix collectif né d’un dialogue naturel et partagé ». Pour le président, Jacques Barrier, ce fut un « challenge » et un travail « délicat » de concevoir pour le grand public cette exposition : « il est difficile de classer toutes ces cérémonies dansées, ces rituels dont on peut même discuter que ce sont des danses lorsqu’on se réfère à nous car nous avons notre propre vision de la danse. »
Le CCNN s’est chargé de présenter le parcours de la danseuse et chorégraphe nantaise Flora Théfaine, qui incarnait le mieux la volonté des deux acteurs : « chacun reconnaissait l’importance artistique et humaine du parcours de Flora Théfaine, sa pertinence pour porter l’ensemble des thématiques de l’exposition. »
À travers le travail de celle qui a débuté très tôt sa carrière comme chorégraphe franco-togolaise, en créant la Compagnie Sarabande à Quimper puis la Compagnie Kossiwa à Nantes entre les années 70 et 80 , le responsable en communication Anttar Tehami, voulait présenter « l’ engagement pédagogique et social de Flora » et de l’intégrer à une histoire plus globale de la danse africaine. Le membre du CCNN a conçu une fresque historique présentant des figures marquantes de la danse entre le XVIIIe siècle à aujourd’hui comme Katherine Dunham, Alvin Ailey, Pearl Primus et des mouvements qui y sont rattachés dans un but pédagogique. L’autre partie de l’exposition et l’étage furent consacrés à une approche plus anthropologique relative aux rites funéraires, aux rites initiatiques et cérémonielles qui a été réalisée par MUVACAN
Une trajectoire personnelle tournée vers l’ouverture et les traditions
Pour MUVACAN, choisir de raconter l’histoire de Flora Théfaine, est une aubaine qui s’inscrit dans un cadre plus large pour déconstruire le rapport très lointain voire « stéréotypé » du monde occidental avec l’art africain et instruire le public nantais. Son président, Jacques Barrier, aborde la danse africaine sous toutes ses formes en « engageant un dialogue interculturel avec l’Afrique » mais surtout de « lutter contre les idées reçues ».

De gauche à droite : Carmer Ortiz, performeuse et chorégraphe vénézuélienne et Flora Théfaine, chorégraphe franco-togolaise 05/03/2025
Les nombreuses œuvres artistiques de Flora, comme Plissé Soleil jouée par sa compagnie Kossiwa , nous invite à penser qu’elle s’inscrit comme une pionnière de la danse afro contemporaine en évoquant plusieurs passages cérémoniels qui rythment la vie des habitants de son pays natal, le Togo. À l’instar des danses africaines, sa technique invite le spectateur à découvrir « plusieurs facettes du quotidien des cultures africaines comme le moment de la semaille, la récolte, la mort. » nous explique Anttar. Son art exprime également un ensemble « d’activités sociales » et un « lien vivant, profond et respectueux avec les traditions africaines. Son travail incarne une « mémoire en mouvement, une danse ouverte, contemporaine, inclusive » »
Découvrir une danseuse locale estimée et accomplie
Il s’agit aussi pour le CCNN, de remercier Flora pour toutes ses années de collaboration avec le centre chorégraphique de Nantes et de révéler sa place prépondérante dans l’histoire de la danse contemporaine au grand public : « Flora Théfaine incarne une trajectoire généreuse, singulière et fondatrice ».
Cette reconnaissance, Flora, l’apprécie également. Elle recevra des applaudissements lors de la soirée de clôture le 1er mars 2025. Elle nous confie d’ailleurs, qu’elle souhaitait que le public puisse comprendre non seulement ses œuvres mais aussi que son travail est le fruit d’un développement très personnel et de ses choix de carrière : «Je suis auteure, interprète, chorégraphe, enseignante, pédagogue ». Cette vision multidimensionnelle de la danse et très personnelle de son travail ne la lie à aucun style ou mouvement propre car « cela n’a pas de sens » nous avoue-t-elle.
Cette approche de la danse a amené Flora à collaborer avec de nombeux·ses artistes internationales·aux et plus particulièrement des chorégraphes majeur·es comme Germaine Acogny. Elles ont notamment travaillé ensemble avec d’autres acteur·rices pour composer l’opéra Bintou Wéré (2007). L’intense activité artistique de Flora se retrouve aussi dans son désir d’intégrer d’autres disciplines artistiques venant du théâtre, de la mode, de l’opéra. Son travail a pour but de croiser les différents « langages artistiques » comme le fait remarquer Anttar et il précise aussi qu’elle a œuvré pour « ouvrir la scène à des publics diversifiés qu’ils soient jeunes, des aînés, des non-danseurs ».
« faire des créations , c’est comme faire des enfants, elles ne m’appartiennent pas. »
Au regard de sa longue carrière jusqu’à ses 67 ans, le parcours de Flora lui apparaît parfaitement clair : « c’est la danse qui m’a choisie », et insiste pour signifier que sa carrière ne peut-être simplement juger par sa modeste personne : « on existe que dans le regard de l’autre », confie-t-elle en échangeant un long sourire. Pour elle, ses créations font partie d’un ensemble. Elle préfère incarner cette idée d’une matrice qui transmet aux générations futures : « faire des créations, c’est comme faire des enfants, ils ne m’appartiennent pas ».
L’ancienne chorégraphe, s’est également réjouie de « l’ampleur et la répercussion de cette exposition ». Elle a assisté à la soirée de clôture et elle a même invité une amie , une ancienne élève, Carmen Ortiz, une performeuse et chorégraphe vénézuélienne, venue grâce au CCNN, pour célébrer et rendre hommage à son tour à sa bienfaitrice et chère instructrice.
Au détour d’un regard admiratif, Flora précise : « c’était important qu’elle soit venue grâce au soutien du CCNN » et finit par avouer : « ce fut un moment très émouvant ».
Rendez-vous de nouveau à l’espace Cosmopolis qui présente du 4 au 11 mai 2 025 une exposition photographique d’Alizée Gau intitulé : « Une Fleure entre les pierres ».