Ce soir-là, tout le monde voulait être « Moche ». Le spectacle de Laurent Cebe faisait en effet salle comble, mardi 16 janvier au TU, et une vingtaine de personnes sans billet piétinaient, tentant leur chance sur liste d’attente. À 21h, les portes se sont ouvertes sur une salle entièrement revisitée pour accueillir un gigantesque tapis de jeu, bariolé de dessins, autour duquel le public a pu s’installer avec des yeux curieux. « Moche » : un drôle de mot pour un pas de côté assuré. Retour sur cette première qui a emballé la foule !
« Moche », c’est le genre de représentation qui dérape, qui vacille, où rien ne se passe comme prévu. En apparence. Pendant 60 minutes, les danseur.euses improvisent une chorégraphie à partir de dessins… et tombent ! Le guitariste joue, parfois sans guitare, des mots sont hurlés, lancés, des corps s’entrechoquent. Parfois, de longs silences, puis un brouhaha. Là, un danseur vocifère. Une autre est allongée, inerte, à l’autre bout de la scène. Une autre encore est en transe, le corps tendu. Les mouvements vont et viennent entre le public et les artistes, se répondent. Musique, doute, déhanché passionné. Tout ça, c’est « Moche ». Le plaisir extatique, jubilatoire de s’accorder, pendant une heure, la possibilité de l’imperfection. Tout en justesse, émotion, énergie. Un élan de liberté qui a semble-t-il traversé le public. Iels nous ont confié leurs sentiments sur la création de Laurent Cebe.
« Moche », le lâcher-prise des spectateur.trices
À la sortie, deux jeunes femmes sont attablées au bar du TU, un peu dépitées : « On aurait bien aimé voir la pièce… » marmonne l’une d’entre elle. Cynthia et Amélie, qui elles ont pu assister au spectacle, en parlent avec animation : « Je connaissais le travail de Laurent. Plein de choses m’ont émue… Ça m’a fait du bien, ce côté rock and roll. »
« Il nous a offert quelque chose. Pendant une heure, je n’ai pensé à rien, je me suis échappée. C’était bienvenu, je trouve, par rapport à l’actualité, tout ce qu’on voit chaque jour. On en avait besoin. »
D’autres sont venu.e.s en totale découverte. C’est le cas de Pierre qui se confie à Fragil, un sourire jusqu’aux oreilles.
« À des moments j’étais complètement perdu, je ne savais pas ce qui était écrit et quand c’était de l’improvisation. C’était du lâcher prise total ! »
Un lâcher-prise qui rend cette première particulièrement unique : le « Moche » du 16 janvier ne ressemblera jamais à d’autres « Moche » ! Une expérience qui a des airs de retour en enfance pour Antoine, pas vraiment familier du TU : « Je ne savais rien de la pièce, j’ai eu l’impression qu’on me ramenait à l’enfance et à une espèce de candeur. Ça m’a mis dans un rapport de moi enfant qui découvre le monde. En plus, avec les carnets de coloriage et les crayons de couleurs… » En effet, au début de la représentation, tous.tes les spectateur.trices se sont vu.es offrir un carnet pour griffonner dedans : « Tout ce qui vous inspire sur le moment, des émotions, des phrases, des mots, des lignes… ».
« Quand il y avait des silences, on entendait quelques personnes écrire dans le carnet, changer de crayon de couleur… j’étais super investi !»
Chacun.e a donc pu repartir avec un carnet personnalisé, précieux souvenir de cette drôle de soirée au TU Nantes. Presque un fanzine, finalement, montrant l’attrait particulier de Laurent Cebe pour le mélange des genres : écrit, danse, musique, chant, comédie… et vidéo ! En parallèle du spectacle, on pouvait en effet visionner dans une micro salle de cinéma du TU sa série Habiter. Là encore, une ode à l’imparfait et aux chemins transversaux.
Le festival Trajectoires, c’est déjà fini, mais quelque chose nous dit chez Fragil qu’on n’a pas fini d’entendre parler de « Moche » !