19 avril 2021

Réflexion autour des modèles économiques des médias avec les jeunes d’Anjorrant : un premier essai concluant

Au mois d’avril 2021, l'association Fragil est intervenue au centre éducatif Anjorrant pour mères mineures et leurs enfants afin d’accompagner six d’entre elles dans une réflexion autour des modèles économiques des médias.

Réflexion autour des modèles économiques des médias avec les jeunes d’Anjorrant : un premier essai concluant

19 Avr 2021

Au mois d’avril 2021, l'association Fragil est intervenue au centre éducatif Anjorrant pour mères mineures et leurs enfants afin d’accompagner six d’entre elles dans une réflexion autour des modèles économiques des médias.

Le centre éducatif d’Anjorrant, qui accueille régulièrement Fragil pour des séances d’éducation aux médias, a participé à la mise en place de son nouvel atelier de deux heures consacré à la découverte du modèle économique des médias. Un premier essai concluant auprès de ce public jeune qui n’a pas pour habitude de payer pour s’informer. Reste cependant à retravailler la forme de l’atelier à l’aide d’un débat mouvant pour mieux incarner des principes économiques parfois trop conceptuels.

Patronnes de presse en devenir

La première étape pour les participantes a été de se mettre en binôme et de choisir un nom pour leurs médias respectifs : un journal papier. Cela a permis d’identifier facilement les participantes et de les mettre dans la peau de directrices de journal. Une fois en binôme, la parole a circulé facilement, notamment sur leur consommation d’information : la presse papier les désintéresse, elles regardent la tv et sont présentes sur les réseaux sociaux et sur Youtube.

Un journal, combien ça coûte ? 

Une ardoise en main, chaque binôme a pu ensuite identifier les dépenses nécessaires à la sortie de son premier numéro. L’occasion de mentionner brièvement les différents postes de travail, mais aussi d’énumérer le coût des charges, du matériel et des personnes essentielles à l’impression, la distribution et la communication du journal. Ce premier tour de parole a été fluide et efficace pour faire avancer l’atelier.

Le résultat de la réflexion des participantes pour définir les postes de dépenses d’un média.

La publicité, un modèle économique récurrent

Bien moins concrets que les dépenses, les modèles économiques ont été plus difficiles à identifier. Les titres de presse étalés sur la table ont quelques peu aidé les participantes car ils affichaient un prix. Ce coût a fait émerger le terme d’ « abonné », et a servi à différencier les abonnés gratuits, du jargon d’Instagram, des abonnés payants des médias. De la même manière, faire référence aux publicités sur Youtube et aux placements de produits des influenceurs sur les réseaux sociaux a permis aux groupes de saisir l’importance de la publicité comme moyen de financement.

Produit de la réflexion autour de la question « Quelles sources de revenus pour les médias ? ».

Faut-il payer pour une information de confiance ?

Le prix des titres de presse présents sur la table a fait controverse : tout le monde ne peut pas se permettre de payer pour de l’information. Il a donc fallu se demander s’il existait une différence entre un contenu gratuit et payant. La crainte que l’annonceur puisse exiger un droit de regard sur le contenu publié a été partagée autour de la table. De même, face à un modèle économique basé uniquement sur la publicité, la notion d’honnêteté ainsi que les limites de l’expression du journaliste ont été mentionnées. L’atelier s’est conclu sur l’avis général que l’information gratuite et accessible restait nécessaire.

Finalement, malgré le fait que les participantes n’aient pas pour habitude ni ne souhaitent payer pour de l’information, les encadrants ont eu de bons retours sur la compréhension de l’économie d’un journal et des enjeux éditoriaux qui en découlent. L’envie de créer une gazette au sein du centre éducatif a même été évoquée. Cependant, certains concepts – comme les avantages et inconvénients de chaque modèle économique – ont manqué de concret, et en fin d’atelier, la lassitude d’être resté immobile s’est faite ressentir. A l’avenir, ce nouvel atelier pourrait prendre la forme d’un débat mouvant fait à partir d’affirmations à valider ou invalider par les participant.e.s.

 Support de l’atelier “modèles économiques des médias”

"Les liens du fil" : quand créations bienveillantes riment avec Nantes

Découvrir les algorithmes en se mettant à la place d'un réseau social : un premier atelier convaincant

Journaliste pigiste, Julia parle autant aux enfants qu’aux adultes des sujets de société. Sensible aux enjeux que soulève la critique des médias, elle participe aux actions de Fragil en faveur de l’éducation aux médias et aux pratiques numériques.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017