27 mars 2018

TRTFF – What can I do to make you love me ?

Du 12 au 15 mars se jouait au TU à Nantes TRTFF – What Can I Do To Make You Love Me, une pièce à la fois drôle et sensible qui tente de mettre des mots sur l’un des maux du siècle : le syndrome de l’imposteur. Une création de Colyne Morange (Stomach Company), artiste compagnon du TU. Avec Elise Lerat, Quentin Ellias, Stéphane Menti, Marc Têtedoie, Tamaïti Torlasco et Marion Thomas.

TRTFF – What can I do to make you love me ?

27 Mar 2018

Du 12 au 15 mars se jouait au TU à Nantes TRTFF – What Can I Do To Make You Love Me, une pièce à la fois drôle et sensible qui tente de mettre des mots sur l’un des maux du siècle : le syndrome de l’imposteur. Une création de Colyne Morange (Stomach Company), artiste compagnon du TU. Avec Elise Lerat, Quentin Ellias, Stéphane Menti, Marc Têtedoie, Tamaïti Torlasco et Marion Thomas.

« J’osais pas »

Ça débute sur un malaise.  Elise Lerat entre sur scène et marche, lentement. Elle sourit, un petit rire gêné s’échappe. Puis les autres comédiens de la Stomach Company la rejoindront bientôt.

La lumière de la salle reste allumée ; nous, spectateurs, sommes exposés. On regarde autour de nous, on se tortille un peu sur nos sièges – c’est inhabituel.

Ils sont venus là à cette soirée, mais ne savent pas trop s’ils sont à leur place. Ils se sont vus de loin, mais ils « n’osaient pas » s’approcher. Timidement, chacun finit pourtant par décrocher quelques mots pour tenter de se justifier. On les sent mal à l’aise, presque honteux, ils bégayent un peu, se pressent à parler.

Un défilement de CV qui laisse place au doute

Puis les langues se délient et chacun se met à lister ses compétences ; je maîtrise l’anglais, je fais du sport, j’ai fait de longues études. La pièce se transforme alors en une ribambelle de curriculum vitae, où chaque personnage tente au mieux de se vendre, de se mettre en valeur pour plaire ; les « je pense que vous devriez me choisir parce que… » sont suivis d’énumérations sans fin de qualités, de compétences, de loisirs…

Tour à tour les protagonistes passent sur le devant de la scène et s’exposent à nous. Une sorte de frénésie se crée, où chacun se déshabille, se déguise, comme s’il était à la recherche du bon personnage à incarner, de la bonne façade à présenter au monde. Ils tentent de trouver leur place, d’asseoir leur légitimité.

« j’ai peur qu’on découvre que tout est faux »

Mais cette effusion laisse rapidement place au doute ; « j’ai peur qu’on découvre que tout est faux », « j’ai peur qu’on ait l’impression que je suis plus compétente que je ne le suis vraiment ». Et en cet instant, le plus significatif de tous, on comprend à demi-mot de quoi il s’agit vraiment : ce sentiment vicieux et indescriptible, cette voix qui nous chuchote à l’oreille « tu n’es pas à ta place ».

Après l’excitation, la promesse d’être capable de tout, l’énergie redescend brutalement pour laisser place à ce doute envahissant ; et si je n’étais pas à ma place ? Si tout cela était faux ? Pire encore, et si on le découvrait ?

Être soi-même ; à quel prix ?

Les comédiens nous laissent alors donner notre avis : selon nous, comment devraient-ils être ? Plus habillé, plus naturel, moins ceci, moins cela.

Alors ils se demandent ce que c’est d’être soi-même et, bientôt, de questions en questions, émerge un sentiment de rébellion. Doit-on suivre les mouvements healthy, doit-on rentrer dans ce nouveau moule de la productivité et de la perfection ?

J’emmerde la méditation. Je veux pourvoir dormir jusqu’à 14h.

Dans une société où les apparences règnent mais où l’authenticité et le naturel sont gages de confiance, où se situe donc la limite ? Comment en faire assez sans en faire trop ? Comment se valoriser sans prétention ?

Comment être sûr qu’on est soi-même alors même qu’on nous impose des nouvelles normes sans cesse ?

En définitive, que doit-on faire pour être aimé… tout en s’aimant soi-même ?

A propos de Colyne Morange

Colyne Morange est auteure, metteure en scène et performeuse. Après une formation au Conservatoire d’art dramatique de Nantes et à l’Ecole supérieure de l’IAD en Belgique, elle travaille comme comédienne et assistante à la mise en scène. En 2004, Mathilde Maillard et Colyne créent à Nantes un groupe de recherche visant à travailler autour de l’écriture de plateau et de la création de nouveaux langages scéniques. La Stomach Company, qu’elle fonde en 2012, s’inscrit dans la lignée artistique de ce premier groupe de recherche, né entre autres de sa curiosité pour les pratiques de la danse. (Source)

Démarré en 2014, le travail de recherche pour TRTFF – What Can I Do To Make You Love Me a développé la problématique du sentiment d’imposture. La préparation de ce spectacle a mené Colyne Morange a interroger une vingtaine de personnes sur cette question de légitimité.  TRTFF se veut « une vue de l’intérieur de notre époque, sa représentation intime », car Colyne Morange trouvait « intéressant de travailler scéniquement sur quelque chose qui ne se voit pas ».

Sur sa résidence au TU, elle dit vouloir raconter « que c’est trop cool de douter toute sa vie, que ce n’est pas grave de se perdre ». (Source: TU Magazine)

Entourée par les comédiens de la Stomach Company, « groupe de théâtre élargi », elle livre alors un spectacle juste, qui plonge son public dans une immersion totale au travers d’un mélange de danse, de performance et de théâtre.

 

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Quand le soufi nous vole dans les plumes

Curieuse et entrepreneuse | Addict à beaucoup de choses comme les réseaux sociaux, les séries ou encore le chocolat | Ecolo engagée dans une démarche zéro déchet. • J'aime faire et découvrir mille choses à la fois. Théâtre, jeux vidéo, écologie, numérique, développement personnel, cinéma, féminisme, écriture, littérature sont autant de sujets qui me passionnent et m'intriguent.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017