7 décembre 2023

3 Continents : « un palmarès parfaitement dans l’esprit du festival »

Le Festival des 3 continents, qui se tenait à Nantes depuis le 24 novembre, a clôturé sa 45e édition lors d’une cérémonie de remise de prix orchestrée en ciné-concert, le dimanche 3 décembre à Stereolux. Les films The Shardowless Tower de Zhang Lu, le Spectre de Boko Haram de Cyrielle Raingou et Bride Kidnapping de Mirlan Abdykalykov sont les gagnants de cette année.

3 Continents : « un palmarès parfaitement dans l’esprit du festival »

07 Déc 2023

Le Festival des 3 continents, qui se tenait à Nantes depuis le 24 novembre, a clôturé sa 45e édition lors d’une cérémonie de remise de prix orchestrée en ciné-concert, le dimanche 3 décembre à Stereolux. Les films The Shardowless Tower de Zhang Lu, le Spectre de Boko Haram de Cyrielle Raingou et Bride Kidnapping de Mirlan Abdykalykov sont les gagnants de cette année.

Jérôme Baron, directeur artistique du Festival des 3 continents, revient sur le résultat du palmarès : « Très content du choix du Jury, car cela étaye un peu l’idée qu’on avait cette année d’une compétition qui était avec beaucoup de nuances dans la manière d’utiliser les outils du cinéma. Le palmarès le restitue parfaitement. »

En effet, par leur singularité et la sélection des films en compétition international, les jurys disjoints composés de professionnel·les du cinéma, de jeunes ou encore du public ont attribué leur prix à des longs-métrages différents.

La plus haute distinction, la Montgolfière d’or, a été décernée au réalisateur chinois Zhang Lu pour le film The Shardowless Tower. « Ce film est l’un des plus beaux films que j’ai vus cette année » s’exprime Jérôme Baron. « C’est un long-métrage très très écrit, qui a une qualité littéraire à peine visible. (…) Dans ce film. je n’arrive pas à anticiper une seule seconde sur ce qui va se passer (…), et petit à petit, comme ça, les choses s’articulent de manière complètement complexe et brillante (…), et un moment donné l’émotion nous emporte (…), c’est tellement fort. ». À voir si ce chef d’œuvre fera une carrière française.

The Shadowless Tower © Shanghai Lu Films Co., Ltd.

Tandis que le premier prix est revenu à une fiction, la Montgolfière d’argent, lui, fut attribué à un documentaire : Le Spectre de Boko Haram de Cyrielle Raignou. « Un film documentaire très beau » comme en témoigne le directeur artistique. « La réalisatrice est dans le Nord-est du Cameroun, dans un endroit extrêmement dangereux. Ici, la question, ce n’est pas tant de traiter du danger et de la guerre, que de traiter comment on vit dans cet endroit-là à travers le regard des enfants. D’ailleurs, la réalisatrice se met à hauteur d’enfants sans dépendre d’eux en faisant son film, parce que là, il y a du vivant ». Un documentaire où Cyrielle Raignou permet au cinéphile d’apercevoir ainsi « la violence telle qu’elle est perçue par des gens qui ont une manière différente d’y réagir tout en étant complétement travers par ça ».

Le Spectre de Boko Haram © Label Video, Tara Group, Kopa House International

Bride Kidnapping de Mirlan Abdykalykov primé par le Prix du public, et également par une mention spéciale par le jury jeune, est un film « qui annonce le programme tout de suite. Le titre est presque un spoiler. (…) Ce film est très particulier, car il est d’une précision incroyable. C’est extrêmement sec, il n’y a pas un poil de gras (…). On découvre un monde avec une réalité sociale quasi- topographique à l’échelle du quartier filmé, et indépendamment qu’on connaisse la fin, mais même quand la fin arrive, on est pris par la violence de la chose et c’est insoutenable » réagit Jérôme Baron.

Bride Kidnapping © Oy Art Film Producing Company

En ce qui concerne le prix du jury et le prix de la distribution, ils furent attribués respectivement au réalisateur Iranien Ali Ahmadzadeh pour Critical Zone et au film La Mélancolie (Fly on) du japonais Takuya Kato qui aura une distribution française.

« Il n’existe aucun lien évident dans ce palmarès, car les films sont formellement très différents. Ils n’ont pas du tout la même visée. Ce sont trois gestes qui sont très forts (…) trois gestes de cinéma qui sont les uns des autres très forts et pourtant très différents les uns des autres, et c’est un peu ça, l’esprit des 3 continents » déclare Jérôme Baron.

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L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017