10 novembre 2017

« Ouvrir la voix »

Le documentaire Ouvrir la voix d'Amandine Gay est programmé en ce moment au Cinématographe. Fragil s'y est rendu pour vous.

« Ouvrir la voix »

10 Nov 2017

Le documentaire Ouvrir la voix d'Amandine Gay est programmé en ce moment au Cinématographe. Fragil s'y est rendu pour vous.

20h00, un petit attroupement se forme dans la rue étroite et sur les marches du Cinématographe. Ce soir y est projeté pour la première fois le documentaire Ouvrir la voix d’Amandine Gay. Inédit à Nantes, ce film a été proposé à la programmation par Ciné Femmes avec qui le Cinématographe travaille en étroite collaboration. Créée en 1998, cette association a pour objectif principal la diffusion des films réalisés par des femmes ou ayant un intérêt féministe. Comme nous l’explique Catherine de Grissac, sa présidente, « nous avions reçu un dvd de visionnage et avions décidé de le programmer. Nous avons pris contact avec la réalisatrice Amandine Gay, qui distribue elle-même son film. Pour nous, il ne s’agissait que d’une seule soirée, mais devant le très grand intérêt du film, nous en avons parlé avec Emmanuel Gibouleau [directeur du Cinématographe] qui a contacté la réalisatrice et a proposé d’assurer la sortie du film à Nantes permettant ainsi plusieurs séances au film ».

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Amandine Gay

Effectivement, ce soir-là, la salle est presque pleine. Les lumières s’éteignent et le visage en gros plan d’une femme noire apparait. Amandine Gay, réalisatrice afro-féministe a fait le choix de donner la parole à 24 femmes afro-descendantes, afin d’aborder la difficulté d’être une femme noire en France ou en Belgique. Les propos croisés, organisés en plusieurs volets, évoquent tour à tour la question du communautarisme blanc, le jour où elles ont pris conscience de leur couleur de peau, les préjugés racistes, ou encore leur rapport à la spiritualité. Les témoignages de ces femmes diverses sont souvent similaires. L’une d’elles nous explique « En tant que femme noire, il faut être excellente dans un domaine. Si tu n’es pas indispensable, ils se passeront de toi ».

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Amandine Gay

Ce documentaire de près de deux heures est tout en sobriété ; il place la parole, les voix et les visages de chacune au centre du propos, donnant un effet brut et percutant au sujet. La parole est libre, ininterrompue, tendre et sans filtre. A plusieurs reprises, les rires se font entendre dans la salle de cinéma. Amandine Gay donne à écouter des paroles que de nombreux spectateurs présents n’auraient pu entendre ailleurs. Enfin, une fois que le générique apparait à l’écran, des applaudissements spontanés éclatent.

Prochaine et dernière séance : Mardi 14/11 20h30 au Cinématographe

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Anne-Marie est journaliste pigiste spécialisée dans les sujets société/culture. Elle a le goût de raconter des histoires, chercher la parole et le dévoilement de l’autre, notamment autour des thématiques féministes et LGBTQ+. Elle est également passionnée de séries et de pop culture.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017