11 janvier 2023

Une reconversion professionnelle vers un métier peu connu : rémouleuse à vélo

Une reconversion originale entreprise par Mélusine, une jeune trentenaire, ancienne contributrice à Fragil. Nous l’avons rencontrée pour comprendre ce qui l’a amené à cette remise en question professionnelle en choisissant ce métier peu connu qui consiste à aiguiser ciseaux, couteaux et autres outils, le faire découvrir et savoir si ce nouveau défi répond à ses attentes.

Une reconversion professionnelle vers un métier peu connu : rémouleuse à vélo

11 Jan 2023

Une reconversion originale entreprise par Mélusine, une jeune trentenaire, ancienne contributrice à Fragil. Nous l’avons rencontrée pour comprendre ce qui l’a amené à cette remise en question professionnelle en choisissant ce métier peu connu qui consiste à aiguiser ciseaux, couteaux et autres outils, le faire découvrir et savoir si ce nouveau défi répond à ses attentes.

Fragil : Mélusine, comment t’est venue cette idée de t’installer comme rémouleuse à vélo ?

Mélusine : «Je cherchais un complément à mes autres activités, où il n’y aurait pas de charges fixes ; une activité qui corresponde à mes valeurs, écologique, une flexibilité du temps de travail et qui permette du lien social. C’est mon ancien patron qui m’a donné l’idée du métier de rémouleur, et je me suis dit que cela pourrait me correspondre. L’idée d’exercer en vélo m’est venue car je trouve que cela correspond à mes valeurs et de plus je savais que des entrepreneurs à vélo pratiquaient leur activité sur Nantes»

Fragil : As-tu rencontré des rémouleurs avant de te lancer ?

Mélusine : « La mise en œuvre de ce projet s’est faite en plusieurs étapes. Dans un premier temps j’ai découvert qu’il y avait plusieurs associations qui s’occupaient des entreprises à vélo, «La boite à vélo » dont le but est de soutenir l’entreprenariat à vélo et «Ma cycloentreprise», qui propose des formations d’une demi-journée pour aborder la sécurité, effectuer des tests sur différents types de vélo (cargo, remorque et triporteur) et apporter des conseils. Cela m’a permis d’avoir une vision globale des questions qui se posaient pour la réalisation. C’était intéressant et cela m’a permis de constituer un réseau de personnes ressources dans ce domaine. Puis effectivement en 2021 j’ai fait un stage chez un rémouleur qui lui exerce avec sa voiture, et qui vient tous les jeudis au marché de Zola, cela m’a permis de mieux appréhender le métier. »

Fragil : Qu’est-ce qui t’a amené à faire cette reconversion ?

Mélusine : « Mon parcours est très diversifié. Au départ, j’ai commencé dans la mécanique comme dessinatrice industrielle où j’ai travaillé dans différentes entreprises. Mais en 2009, en raison de la crise économique j’ai connu quelques difficultés pour trouver un emploi. Je n’étais plus très intéressée par le métal ; je me suis alors orientée vers le bois. J’ai fait un CAP menuiserie et un CAP ébénisterie et j’ai travaillé 4 ans en tant qu’ébéniste. Suite à des problèmes de dos, j’ai voulu retravailler en bureau d’études. Mais je voulais rester dans le milieu du bois. J’ai été employée rapidement dans une entreprise comme chiffreuse (devis) puis comme chargée d’affaires en mécano soudure. C’était intéressant mais je ne m’y retrouvais pas au niveau de mes valeurs (écologie, aspect commercial). »

Je me suis souvenue alors que plus jeune je voulais être journaliste. Pour prendre le temps de la réflexion sur la suite de mon parcours je me suis donné un challenge : partir en voyage à vélo seule, parce que c’est un moyen de locomotion rapide et écologique, bien que ma pratique de la bicyclette soit très lointaine. Pendant 2 mois, j’ai pu m’expérimenter à la photo et à l’écrit à travers un blog «Un baluchon vers l’inconnu» dans différentes régions (Bretagne, Normandie, Sarthe). Cela a été l’occasion de belles rencontres. »

A mon retour, je me suis dit que je pouvais continuer à écrire tout en restant dans le domaine du bois. J’ai ainsi été employée par deux magazines spécialisés. Parallèlement, j’ai collaboré à Fragil en tant que bénévole, ce qui m’a permis de développer d’autres formes d’écriture. Suite à une commande j’ai écrit un livre technique sur les côtes en menuiserie.

Par contre, l’aspect social me manquait, ce n’était que du travail à la maison ; j’avais besoin de rencontrer du public. C’est pour cela que je me suis lancée dans le remoulage. »

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Mélusine en action à son atelier

Fragil : Comment exerces-tu cette activité ?

Mélusine : « Pour me lancer, j’ai fabriqué ma «rémoulotte». J’ai trouvé une remorque et installé à l’aide de métal soudé et de bois récupéré dans une ressourcerie, une plateforme établi pour y mettre les machines à aiguiser. J’ai acheté un ancien vélo de la Poste que j’ai fait électrifier par l’entreprise beebike, tout cela grâce à un financement participatif. J’ai un statut d’auto-entrepreneuse, et un site internet «Le Lama futé» où l’on peut s’informer de mes déplacements.

Actuellement, je m’installe sur le territoire Sud Loire, autour de Vertou une fois par mois à Pont Saint Martin à la Prairie des Saveurs (magasin de producteurs) et à Scopeli (épicerie coopérative à Rezé), une fois par trimestre.

J’ai pu constater combien redonner vie à des objets (outils,couteaux et autres) apporte une satisfaction aux clients, et permet de lutter contre une consommation excessive. »

Fragil : Quel bilan fais-tu de cette première expérience, comment vois-tu la suite de cette activité et de ton parcours professionnel ?

Mélusine : « En ce qui me concerne cette activité me plaît bien ; cela me permet de rencontrer des gens et d’allier l’aspect technique et mes valeurs. Cependant le fait d’être à vélo restreint mon territoire d’intervention. Je ne peux pas faire trop de distance. De plus je ne m’adresse qu’à des particuliers et cela ne me permet pas d’en vivre suffisamment. Il y a actuellement 5 rémouleurs à Nantes. Mais pour en vivre il faut aussi travailler avec les professionnels (bouchers, restaurateurs…). Cela nécessite d’être très disponible.

Je t’ai parlé précédemment de mon activité photo que je développe en parallèle. Après mon voyage j’ai réalisé une exposition photo qui a obtenu un bon écho. De plus, j’ai construit une «Street box». C’est un appareil photo argentique qui fait polaroid manuel avec lequel on peut développer les photos directement (polaroid manuel). Je me suis installée sur l’espace public pour faire des portraits et sensibiliser les personnes à cet appareil.

Parallèlement, avec mon ami musicien, j’ai aussi pu mettre en œuvre un atelier photos et sons au sein du musée d’art et d’histoire de Cholet avec des enfants de 8 à 10 ans. Cela a très bien fonctionné et je souhaiterais le développer davantage.

En fait, pour le moment je n’arrive pas à choisir. Je souhaite maintenir toutes ces activités en parallèle car elles m’enrichissent beaucoup et sont complémentaires même si c’est d’un rapport financier aléatoire. Chemin faisant, je serais peut être amenée à prendre un chemin plus linéaire, mais pour le moment, j’apprends et expérimente ce métier de rémouleuse qui nécessite un savoir faire technique et relationnel, qui est utile et que j’essaie de pratiquer de façon écologique. Cela me permet de rencontrer un public varié, ce qui correspond à mes attentes. »

Gageons que Mélusine avec sa «rémoulotte» et ses multiples talents nous réserve de nouvelles aventures à l’avenir.

Pour en savoir plus :

sites : https://lelamafute.fr/presentation/

Photographies https://melusinefarille.com

https://nomadperiskop.com/

https://www.facebook.com/watch/?v=243938094525343

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L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017