Un vœu pour Noël

23 Déc 2016

« Quel est l’intérêt d’un employé malheureux ? » Question naïve posée par un de mes amis canadiens il y a quelques années, et qui me semble encore souvent d’actualité en France. « Talent Manager », autrement dit « recruteur de talents » dans une entreprise fabriquant des portes et des fenêtres, c’est le poste de cet ami qui me faisait part d’un mot d’ordre aux ressource humaines de son entreprise : motiver les employés. Un employé heureux=un employé qui travaille mieux, CQFD, tout le monde est gagnant. Une équation qui échappe souvent ; trop simpliste, trop candide. Plus d’un siècle de tradition de lutte des classes derrière lui, le système français semble se gargariser de rapports de force où la hiérarchie dominante écrase.
J’entends déjà râler. Oui, le système canadien est loin d’être parfait. Là où il facilite l’ascension rapide, la montée en compétences et l’embauche, il facilite, de l’autre côté du spectre, le licenciement. C’est un fait, en plus des avantages sociaux moindres. Mais c’est aussi un marché du travail plus fluide, qui ne sacralise plus forcément le contrat à durée indéterminée à l’heure des revirements de trajectoire – voir les portraits de bars publiés cette semaine et qui mettent souvent en lumière des reconversions de milieu de carrière, des rêves qui se réalisent après une première vie dans l’éducation, la téléphonie ou le journalisme. C’est un monde dans lequel les employés crient « Yay! » à chaque début de réunion, s’applaudissent et se félicitent. Version solo :  « je me tape sur l’épaule tout seul » ou version collective « on se tape sur l’épaule mutuellement ». Un monde de Bisounours vu d’ici, où chaque difficulté représente un défi plutôt qu’un obstacle.

Alors, je formule un vœu pour Noël : celui que l’épanouissement de chaque employé soit celui de chaque employeur.

Sandrine Lesage – Décembre 2016

Sans la musique (et l'art), la vie serait une erreur. Passionnée par le rock indé, les arts visuels et les mutations urbaines, Sandrine tente de retrouver l'émotion des concerts, de restituer l'univers des artistes et s’interroge sur la société en mutation.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017