• Alyona, Ukrainienne et artiste peintre
22 mai 2023

Ukrainien·nes à Nantes : s’intégrer avec son parcours et selon sa date d’arrivée

Deuxième volet de Fragil sur le sujet des Ukrainien·nes et leur intégration : nous rencontrons Alyona, une jeune artiste peintre ukrainienne. La jeune femme est arrivée à Nantes en 2017. Elle n’a pas fui la guerre comme certain·es de ses compatriotes arrivé·es récemment à Nantes. Sa venue dans les Pays de la Loire est un réel choix de vie, réfléchi et volontaire.

Ukrainien·nes à Nantes : s’intégrer avec son parcours et selon sa date d’arrivée

22 Mai 2023

Deuxième volet de Fragil sur le sujet des Ukrainien·nes et leur intégration : nous rencontrons Alyona, une jeune artiste peintre ukrainienne. La jeune femme est arrivée à Nantes en 2017. Elle n’a pas fui la guerre comme certain·es de ses compatriotes arrivé·es récemment à Nantes. Sa venue dans les Pays de la Loire est un réel choix de vie, réfléchi et volontaire.

Alyona Osetska retrace son parcours. Elle a suivi des études d’architectures à Kiev, et cela sans jamais arrêter de pratiquer sa passion : la peinture. Après l’obtention de son diplôme en 2009, elle exerce comme architecte d’intérieur et, en même temps, elle crée des peintures à l’huile.
Toujours guidée par le désir de maîtriser sa pratique artistique, elle a suivi des stages aussi bien en Crimée avant la guerre qu’à l’Académie des Arts, dans la datcha* d’un artiste peintre-paysagiste réputé, Arkhip Kouïndji (1841-1910). Après son emménagement à Nantes, elle s’emploie à étudier plus en profondeur l’aquarelle et ses techniques.

À Nantes, Alyona s’investit dans la rénovation de son appartement. Elle y consacre beaucoup d’énergie et de temps, ce qui lui en laisse moins pour des sorties ou des rencontres. Aujourd’hui, la rénovation est finie et Alyona recherche un travail en lien avec sa passion. Elle aimerait, par exemple, enseigner auprès d’enfants en leur donnant des cours de dessin. Mais, comme souvent dans les situations d’intégration en France, des doutes surgissent et elle confie « Je ne sais pas mais je ne suis peut-être pas le meilleur exemple d’une intégration réussie dans la société française ».

L’intégration des Ukrainien·nes : en lien avec les mesures existantes à la date d’arrivée

Les difficultés que rencontrent les Ukrainien·nes pour s’intégrer apparaissent comparables à celles des immigré·es. Avant tout, elles reposent sur le sujet de la citoyenneté. En effet, tout ne dépend pas uniquement de la personne arrivée sur le territoire français. L’intégration dépend aussi de son accueil par la population locale et la politique d’accueil du pays. Le processus d’intégration des immigrés comprend cinq dimensions principales : l’intégration économique, résidentielle, linguistique, sociale et culturelle. Les réfugié·es ukrainien·nes arrivé·es après l’invasion de leur pays par la Russie ont trouvé des Européen·nes ouvert·es et solidaires pour les accueillir et une politique d’accueil. Celles et ceux arrivés avant fin février 2022 se sont confronté·es en premier lieu aux difficultés administratives. La barrière de la langue s’y ajoute, cumulée à la recherche d’un emploi qui n’a pas toujours été favorisée.
Alyona a été confrontée à ces difficultés. Elle n’a pas bénéficié d’une prise en charge à son arrivée, ni de cours de langue française si essentiels pour faciliter l’insertion dans la vie quotidienne des personnes non francophones. Elle a appris le français sur son ordinateur avec des cours de français donnés sur Skype. Et, effectivement, si le petit accent qu’elle a conservé s’entend, son art et son talent, universels, parlent tout autant pour elle.

Alyona Osetska

Alyona Osetska explique le travail autour de ses œuvres et les différentes techniques utilisées

Exposer ses peintures, être acceptée et reconnue : les premiers pas vers le succès

En début d’année 2023, Alyona a exposé ses tableaux pendant un mois à la Maison de l’Europe de Nantes. Ils sont remarqués par Caroline, animatrice en charge de l’événementiel d’une résidence senior, qui a un coup de cœur pour les œuvres d’Alyona. Elle lui propose de les exposer à son tour dans la résidence. Une belle opportunité pour Alyona de présenter son travail et d’élargir son public : le 2 mai, une vingtaine de résident·es des Renaissances Graslin sont présent·es au vernissage et l’écoutent avec attention.
Experte de son art, elle raconte son approche de la création et de la vibration des couleurs ou de la technique d’aquarelle humide sur humide. La conclusion de sa présentation résume son état d’être : « Les couleurs sont des vibrations et elles peuvent vraiment susciter de bonnes vibrations, tout comme la musique. C’est quelque chose de physique, comme le cœur qui bat ».

De plus, cette vie développée à Nantes est non seulement au cœur même de son insertion sociale, mais elle lui permet aussi de faciliter l’aide à sa famille restée en Ukraine, de surcroît dans un contexte de guerre. Alyona est fière d’évoquer le soutien apporté à son jeune frère parti sur le front en tant qu’artilleur -en première ligne- dans la région d’Ugledar. Il est jeune papa et a besoin, faut-il l’expliquer, de profiter de ses rares permissions pour se rendre auprès de sa famille, pour évacuer, se déplacer, ou simplement pour s’approvisionner. Or sa voiture a été détruite par les forces russes. Alors, depuis la France, Alyona lui a trouvé un véhicule d’occasion et a mené à bien une collecte de fonds. Grâce à ses actions, une Mitsubishi L200 a été acheminée à la frontière ukrainienne où des amis de son frère l’attendaient pour la récupérer.

«Renaissance de la vie » cette oeuvre d'Alyone Osetska représente le pouvoir de la vie après la destruction de Bucha par les Russes(aquarelle)

« Renaissance de la vie » cette œuvre d’Alyona Osetska représente le pouvoir de la vie après la destruction de Boutcha en Ukraine par les Russes (aquarelle utilisant la technique humide sur humide)

Le rôle des associations franco-ukrainiennes

Alyona est en contact avec l’association franco-ukrainienne Tryzub. Cette structure, créée en 2021, se donne pour mission de promouvoir la culture ukrainienne. Après l’invasion de l’Ukraine, Tryzub se mobilise pour aider la population grâce à des dons et des envois de matériels. Bénévole, Alyona participe alors activement pour assurer la logistique en amont des envois.
L’été 2022, c’est l’association Volya qui voit le jour pour venir en renfort devant les besoins croissants de la population ukrainienne.
La présence de ces associations est très importante pour maintenir du lien et apporter du soutien aux compatriotes ukrainien·nes, qu’ils vivent dans la métropole nantaise ou soient en difficulté dans leur pays en pleine guerre.
La Maison de l’Europe – Europa Nantes, en plus d’assurer une mission d’information sur les politiques et programmes européens, est en interaction avec le monde associatif, culturel, économique et créatif. Elle offre aux associations ukrainiennes un lieu pour échanger, donner des cours de langue, etc. Volya profite de ce lieu pour y assurer des cours de langue. C’est aussi là que Fragil a rencontré Dan, enseignant bénévole de Français Langue Étrangère (FLE).

Des cours de Français Langue Étrangère utiles et nécessaires

Dan est nantais et enseignant à la retraite. Comme beaucoup, il n’a pas pu rester passif devant l’invasion de l’Ukraine. Il a participé aux manifestations de soutien, avant d’apporter son savoir-faire dans le domaine de l’enseignement. À côté des cours qu’il dispense à l’Université permanente, il enseigne le FLE deux fois par semaine à une dizaine d’Ukrainien·nes et en retire beaucoup de plaisir. Très impliqué auprès de ses élèves, il ne ménage pas ses efforts. Il ne parlait pas ukrainien, mais il a commencé à apprendre la langue. Il explique que « les Ukrainiens ont peu l’occasion de se rencontrer » et que « ce moment avec eux est plutôt joyeux et agréable« .
Pour cela, Dan théâtralise beaucoup ses cours et ses étudiant·es apprécient. Il essaye de les mettre dans les situations de la vie courante. Le but n’est pas de les préparer à passer des examens. Cependant c’est tout de même le cas pour certain·es. Dan adapte donc sa pédagogie selon les situations : une partie de ses apprenantes et apprenants continuent leurs études en France, d’autres ont un travail et ont besoin d’avoir un bon niveau de français. Dan constate les progrès en langue, mais il sait que derrière cela, il y a beaucoup de travail personnel.
Et puis en dehors des cours, Dan propose des sorties. Ce sont des moments de découvertes , de rencontres autour d’une visite au musée, d’un pique-nique ou d’événements sportifs. Il constate que les gens qui viennent des campagnes ont plus de mal à s’adapter dans une grande métropole.

C’est une des raisons pour lesquelles les associations ukrainiennes incitent les Français à rencontrer les Ukrainien·nes : une intégration réussie passe par les échanges, les contacts, la connaissance des uns et des autres et des modes de vie du territoire où l’on réside. Toutes les bonnes volontés sont appréciées, elles peuvent se manifester auprès des associations !


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L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017