27 mai 2025

TedaAk : politiser la musique et poétiser le politique

Entre teKno militante et poésie queer, Lou – alias TedaAk – transforme la scène en tribune, et la musique électronique en outil de disruption sociale. À travers son projet solo né en 2022, cet artiste transdisciplinaire nantais mêle sa musique à des textes engagés et performances chorégraphiques qui interrogent les normes, bousculent les formats, détournent les codes, et prouvent qu'il est possible de faire danser les corps tout en éveillant les consciences.

TedaAk : politiser la musique et poétiser le politique

27 Mai 2025

Entre teKno militante et poésie queer, Lou – alias TedaAk – transforme la scène en tribune, et la musique électronique en outil de disruption sociale. À travers son projet solo né en 2022, cet artiste transdisciplinaire nantais mêle sa musique à des textes engagés et performances chorégraphiques qui interrogent les normes, bousculent les formats, détournent les codes, et prouvent qu'il est possible de faire danser les corps tout en éveillant les consciences.

Derrière TedaAk, il y a Lou, que nous retrouvons dans son environnement, au bar des Impertinant.es. Il ne se qualifie pas de musicien, mais bien d’artiste transdisciplinaire. Ayant appris à danser et à jouer d’instruments jeune, de nombreux outils lui permettent de s’exprimer, comme la musique, l’écriture, la poésie, la danse ou le théâtre. « La musique et l’expression corporelle sont des outils que j’ai accumulé tôt et qui étaient bien ancrés en moi quand j’en ai eu besoin ». Le jeune artiste envisage à présent l’art non pas comme une fin en soi, mais plus comme un moyen d’expression.

C’est en 2022 qu’il créé TedaAk, un projet de solo de musique électronique joué en live, avec des paroles engagées et des textes politiques. Son but étant de parler de la société dans laquelle on vit, de nos existences, sous un prisme critique et humoristique : « J’en arrive à une lecture de l’environnement et des situations qui tire vers l’absurde et le comique, tout en pointant du doigt les vraies problématiques de notre société »

Avant TedaAk, il faisait des études de technicien son. Au sein de sa formation, il suivait des cours de création sonore assistée par ordinateur. Après avoir passé ses années d’études à faire de la musique avec ses amis, c’est en sortant de cette formation, que le projet TedaAk est né : « J’avais ma pensée politique qui faisait son chemin, mes connaissances techniques liées aux ordinateurs pour la musique électronique, et également toutes les questions sur les identités queer […] et la conjonction de tout ça m’a permis d’en arriver au projet TedaAk »

La musique électronique étant tout de même son outil principal, il explique : « Je fais de la TeKno, et non pas de la Techno. C’est jeu d’orthographe avec la lettre K, qui se retrouve un peu partout autour de moi : TedaAK, punK, Kueer. » Bien que souvent produit en salle, Lou explique : « La teKno est plus reliée au mouvement techno qui est resté politisé dans l’histoire de cette musique. […] toute cette branche de la techno marquée par les free party, par une musique plus dure, et qui est restée politique »

Lou alias TedaAk, radieux devant les Impertinant·es – Louise Pacaud

Une poésie politisée

Sa démarche ? Rendre le politique poétique. Proposer au public un discours engagé avec toute la notion artistique qui lui semble indispensable pour toucher les gens d’une manière singulière et divergente : « Ce que je trouve intéressant c’est ramener […] tout ce débat politique par la poésie ».

L’interprétation musicale ne lui suffit pas. Il aime la musique, mais ne se retrouve pas dans le fait d’être uniquement interprète, tout comme il ne se retrouve pas dans les formes de discours politique dominantes : « La conjonction des deux créé un équilibre parfait. Et c’est surtout un équilibre qui vient nous désaxé de nos habitudes. ». Sa démarche est de sortir des discours politisés et engagés omniprésents, face auxquels le public peut être habitué voir même lassé, par la musique et l’art. Pour l’artiste ayant participé aux Inouïs du Printemps de Bourges l’automne dernier, sortir de ces formats grâce à la poésie permet d’amener ces discours sous un autre angle, un angle auquel les gens ne s’attendant pas : « La surprise a son importance dans la poésie. On va te présenter quelque chose sous un prisme que tu n’aurais pas imaginé. Et de par le fait que l’information te parvienne d’une nouvelle manière, tu ne la rejettes pas pareil. »

Malgré un discours parfois radical et remettant en question nos normes sociétales bien ancrées comme l’hétéronormativité, l’identité de genre, ou même la manière dont les êtres humains se reproduisent, Lou reçoit régulièrement des retours de personnes touchées par ce qu’il dit. La combinaison de l’art et du discours politique permet au jeune artiste nantais de parler aux gens d’une autre manière, de se faire entendre sans rencontrer de barrière hermétique : « Certains viennent me voir pour me dire qu’iels sont touché.es par mes morceaux, alors que ce que je dis remets en question leur mode de vie. Mais si j’avais été les voir pour directement parler de la manière de faire des enfants par exemple, iels auraient pu se sentir agressé.es » 

La scène comme tribune

Parler de la scène comme une tribune permet à l’artiste derrière TedaAk de souligner la responsabilité qu’a une personne en montant sur scène, et en s’adressant à un public. Puisque les gens écoutent, il lui semble totalement inconcevable de prendre le micro de manière inconsciente : « Je parle de tribune, mais c’est surtout une responsabilité ».

« Avoir cette attention là c’est précieux »

D’ailleurs, en soulignant l’importance de conscientiser la prise de parole en public, il dénonce également la tendance d’artistes interprètes, souvent cisgenres et masculins, à alimenter des discours misogynes, homophobes, ou bien même encourageant les violences faites aux femmes : « Dans le meilleur des cas, ils tiennent des discours complètement apolitiques, et dans le pire des cas c’est des propos graves et dangereux ». 

« Pour l’instant, je vis dans le présent »

Au commencement de son projet, il ne se permettait pas de croire qu’il pourrait un jour arriver là où il en est aujourd’hui « J’en suis encore à une toute petite échelle, mais déjà ce qu’il se passe maintenant, j’osais pas l’espérer au début ». Après une période intense marquée par de nombreux événements comme sa participation au Printemps de Bourges, et la sortie de son dernier clip « Un jour mon prince » le 21 mai, Lou explique qu’il ne parvient pas à se projeter trop loin. Cela ne l’empêche pas pour autant de travailler sur un prochain EP qui devrait sortir en octobre prochain, ainsi que sa release party qui aura lieu le 10 octobre à la Barakason à Rezé.

Info utiles :

TedaAk sur Instagram : @tedaak_

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017