Quand on regarde Tourista, il y a ce moment où l’on est saisi d’une écriture aimantant les choses de la vie, puis la perception d’une voix entêtée à chercher les issues d’un monde hors de soi, où on est sur le seuil de faire le premier les premiers pas. Sans cela, sans cet attachement à l’issue ou aux confrontations intimes, nous spectateurs n’aurions plus le courage de regarder, nous ne passerions pas le teaser, plus une histoire ne se conterait sur les lèvres.
Le chemin vers l’autre quoi qu’il en coûte, peu importe les fracas, nous agrippe pour ne plus nous lâcher. Il est une chose de se mettre à nu, il en est forcément une autre de savoir quelle partie du corps humain nous dévoilons et jusqu’où nous retirons nos couches de protection. Ici, Tanguy choisit de laisser apparaître ses fibres musculaires ou ses myocytes qui sont les cellules permettant aux muscles la contraction.
Après Projet Loup des Steppes (sa première mise en scène), Tourista se « plante » dans un décor de toilettes publiques, donnant une double casquette au projet. D’abord la métaphore de la maladie du voyageur ou de la « purge » obligatoire, ensuite un lieu commun et accessible. Nous regardons des fragments d’une vie, où l’on se serre dans les bras, on se dit notre amour, on se quitte, on se meurt, on bavarde, on refuse, on chante, on incarne, on se débecte, on pleure, on tue.
En se plaçant acteur et dans l’espace spectateur, Tanguy nous inclut dans la dramaturgie et nous rend tous les témoins des scènes qui déferlent. Le rythme est vif et les farces s’enchaînent, Tourista est joué par des actrices et des acteurs que l’audace n’a pas oubliée. Eux aussi s’abandonnent et lâchent leurs politesses pour la sincérité et la fragilité. Leurs gestes s’évertuent à dire ce qu’ils pensent, et taire ce qu’ils ne penseraient pas. J’espère que tous en sortent soulagés.
La rhétorique est critiqué et toute l’équipe vient accuser les discours trop ambitieux, ou volontaristes, toute l’hypocrisie des tyrans et des pervers narcissiques. Je reprends la citation de la feuille de salle :
« Les hommes de bonnes volontés ne devraient pas avoir de formules car les formules ne mènent, inévitablement, qu’à penser aveuglément. » Krishnamurti
Le point moteur pour ce spectacle est peut-être l’incommensurable volonté de parler, encore parler, après le vertige et la solitude. Pour que dans la frénésie de cet acte surgisse un ailleurs inconscient de la maitrise de l’homme, sans logique a priori. C’est en quelque sorte l’accumulation de gestes et de mots mis dans un ordre personnel qui donnera le sens à la fin, ou pas le sens, mais qu’importe, car la volonté est de ne plus chercher à analyser, mais plutôt à être ensemble.
Photo de tête : ©Adeline Moreau