12 octobre 2022

Stéphanie Lafarge : “ Il y a sept ans, Fragil portait bien son nom ”

L’inscription “esprit libre”, est gravée sur le tee-shirt de Stéphanie Lafarge. Des mots qui tranchent et collent parfaitement à la Nantaise, attablée dans un café du centre-ville. Comme pour prévenir, en amont de l’interview, du débit et du franc-parler qui animent l’ancienne secrétaire de la structure. L’heure est à la discussion, sur son histoire entamée vers 2015 avec le média nantais, alors que l’association était en grande difficulté. L’occasion de se remémorer les sueurs froides des débuts comme les réussites et réflexions collectives qui ont façonné le Fragil d’aujourd’hui.

Stéphanie Lafarge : “ Il y a sept ans, Fragil portait bien son nom ”

12 Oct 2022

L’inscription “esprit libre”, est gravée sur le tee-shirt de Stéphanie Lafarge. Des mots qui tranchent et collent parfaitement à la Nantaise, attablée dans un café du centre-ville. Comme pour prévenir, en amont de l’interview, du débit et du franc-parler qui animent l’ancienne secrétaire de la structure. L’heure est à la discussion, sur son histoire entamée vers 2015 avec le média nantais, alors que l’association était en grande difficulté. L’occasion de se remémorer les sueurs froides des débuts comme les réussites et réflexions collectives qui ont façonné le Fragil d’aujourd’hui.

Une période de grand chamboulement ”

Retour près de sept ans en arrière donc, quand “ Fragil portait bien son nom ”, avoue d’emblée Stéphanie. À l’époque simple contributrice, elle décide d’intégrer le bureau de l’association pour devenir secrétaire. Problème, quinze jours seulement après sa prise de fonction, la trésorière de l’époque démissionne et Stéphanie doit revêtir ce nouveau rôle. “ Ce n’était pas forcément ma volonté de devenir trésorière, mais il manquait beaucoup de monde ! ” Un nouveau panorama s’offre alors à elle et à Nathalie Guillotte-Islahen ,son acolyte, devenant, de son côté, présidente de l’association. “ C’était une période de grand chamboulement. Je me suis retrouvée avec beaucoup de choses à gérer en tant que trésorière. Le bureau a été renouvelé dans un contexte difficile. Sans historique, on a été confronté au départ des deux salariés et à un procès intenté à l’association aux prud’hommes. C’était très bancal ! ” S’ajoutent alors à ces complications quelques problématiques qui inquiètent Stéphanie : “ Je me souviens d’une période où j’avais la boule au ventre, à force de me demander si on allait pouvoir payer les salariés.” Une question taraude alors la petite équipe : les finances de l’association vont-elles tenir ?

Le renouveau par l’éducation aux médias

Finalement, une nouvelle dynamique est insufflée. Fragil repart sur de bons rails. “ On a demandé l’aide de Pierre-Adrien Roux, ancien salarié de la structure, et le soutien de Jérôme Romain, ancien président, pour remettre les choses dans l’ordre.” Des changements stratégiques bouleversent le média associatif. “ On a décidé de diriger davantage les activités de Fragil vers l’éducation aux médias pour que l’association puisse s’autofinancer.” Arrivent ensuite Merwann, et les salariés actuels qui sont parvenus, d’après Stéphanie, à poursuivre la trajectoire tracée “ La motivation et l’implication des salariés ont permis de créer une cohésion et un élan collectif. Ils ont été la colle entre les bénévoles et le bureau.”

Stéphanie ne regrette pas son passage au sein de l’association, bien au contraire. “ C’était une expérience très intéressante, on peut avoir la fierté d’avoir dépensé du temps et de l’énergie.” Et si elle s’est éloignée des sentiers de Fragil, de son bureau, depuis 2019, les Dervallières font toujours partie de son quotidien. L’ancienne secrétaire de l’association occupe désormais la fonction de chargée de communication à la ville de Nantes sur les quartiers prioritaires et les questions d’égalité.

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Stéphanie-Lafarge
Stéphanie Lafarge

Pierre-Adrien Roux, un regard neuf à un moment charnière

Valentin Gaborieau : “Chez Fragil, je me suis senti écouté et valorisé ”

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017