19 mars 2019

Rien à cacher ? Un outil pédagogique simple pour réfléchir au stockage des données personnelles

Dans le cadre de ses ateliers d'éducation aux médias et aux pratiques numériques, Fragil développe des outils permettant de définir ou d'aborder certaines notions parfois abstraites pour les participants et participants. Nous vous proposons ici un petit jeu permettant d'aborder les notions de données personnelles, de bases de données et de démocratie.

Rien à cacher ? Un outil pédagogique simple pour réfléchir au stockage des données personnelles

19 Mar 2019

Dans le cadre de ses ateliers d'éducation aux médias et aux pratiques numériques, Fragil développe des outils permettant de définir ou d'aborder certaines notions parfois abstraites pour les participants et participants. Nous vous proposons ici un petit jeu permettant d'aborder les notions de données personnelles, de bases de données et de démocratie.

Pour un groupe de 3 personnes minimum, ce jeu vous permettra en 20 minutes d’aborder différentes notions liées à la récolte des données personnelles.

Matériel :

3 post-its par participant et participante

Préparation :

Avant l’atelier, numérotez discrètement le dos de chaque post-it  par paquet de 3 : les post-its du premier paquet de 3 seront numérotés “1”, ceux du deuxième paquet “2”, etc.

Numérotez le dos de séries de 3 post-its avec des identifiants uniques.

Mise en place :

1 / Distribuez les paquets numérotés de façon à pouvoir retrouver simplement les associations numéro/participant (par exemple, distribuez les paquets de gauche à droite dans une salle ou les participants sont assis autour d’une table). Attention, évitez de révéler la présence de numéros au dos des post-its.

2 / Demandez à chaque participant et participante d’inscrire sur chacun des post-its une information précise. On pourra par exemple demander les 3 informations suivantes :

  • Post-it n°1 : quelle est ta couleur préférée ?
  • Post-it n°2 : quelle est ton animal préféré ?
  • Post-it n°3 : quel est ton artiste préféré ?

3 / Demandez à un participant ou une participante de désolidariser tous les post-its des paquets et de tous les mélanger avant de vous les rendre.

Questionnements :

Posez les questions suivantes pour faire émerger quelques notions :

  • Qu’avez-vous inscrit sur ces post-its ?
    • réponse attendue : des informations personnelles
      • Note de l’animateur ou animatrice : même si elles semblent sans intérêt, ces informations restent des informations personnelles.
  • Que puis-je faire avec ces post-its ?
    • réponse attendue : les classer, et retrouver les auteurs !
    • Dévoilez le numéro caché derrière.
      • Note de l’animateur ou animatrice : le numéro caché est un “identifiant”
  • Collez les post-its sur un mur en respectant l’ordre des numéros. En montrant le mur de post-it : Qu’avons nous recréé ?
    • réponse attendue : nous avons listé et classé les réponses
      • Note de l’animateur ou animatrice : nous avons créé une base de donnée, chaque information est reliée à un identifiant unique.

        Reconstitution d’une base de donnée à l’aide des identifiants au dos des post-its

  • A quoi ces informations personnelles peuvent servir actuellement ?
    • réponse attendue : faire du ciblage publicitaire, proposer une meilleure expérience utilisateur…
      •  Note de l’animateur ou animatrice : le site qui dispose de ces données peut vous proposer un design de site selon votre couleur préférée, ou bien proposer à des annonceurs de vous afficher une publicité correspondant à vos goûts ou besoin supposés (vous aimez les chats, on vous affichera des pubs de chaussettes à motif “chat” par exemple)
  • Est-ce que ces informations personnelles peuvent me nuire actuellement ?
    • réponse attendue : Actuellement non.
      •  Note de l’animateur ou animatrice : Non effectivement ces données semblent inoffensives
  • Est-ce que ces informations personnelles peuvent me nuire dans le futur?
    •  réponse attendue : Potentiellement
      •  Note de l’animateur ou animatrice : on ne sait pas ce qui pourra se passer dans le futur. Un régime autoritaire détestant les personnes “qui aiment le bleu” pourrait très bien se servir de toutes ces données pour persécuter une partie de la population qui ne pourra pas cacher sa préférence. Le fait de stocker toutes ces données peut faire émerger des questions :
        • A t-on le droit de changer d’avis ?
        • La transparence totale est-elle toujours bonne ?
        • Si tout est enregistré, est-on libre ?

Pour aller plus loin :

Vous pouvez vous appuyer sur l’excellent documentaire “Nothing to Hide” réalisé en 2017 par Marc Meillassoux.

Chargé de projets numériques et médiatiques chez Fragil depuis 2017, musicien, auteur, monteur... FX est un heureux touche-à-tout nantais. Il s'intéresse aux musiques saturées, à l'éducation aux médias, aux cultures alternatives et aux dystopies technologiques.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017