24 juillet 2020

Pauline Croze, libre et passionnée

Ce mercredi 20 mai, l’auteure-compositrice-interprète et guitariste Pauline Croze a accordé une interview à Fragil. Un échange rempli de sensibilité et d’humilité. Nous sommes revenues sur son amour de la musique, son parcours professionnel la guidant progressivement vers des choix plus libres, son rapport aux réseaux sociaux et aux médias, son vécu du confinement et son actualité musicale.

Pauline Croze, libre et passionnée

24 Juil 2020

Ce mercredi 20 mai, l’auteure-compositrice-interprète et guitariste Pauline Croze a accordé une interview à Fragil. Un échange rempli de sensibilité et d’humilité. Nous sommes revenues sur son amour de la musique, son parcours professionnel la guidant progressivement vers des choix plus libres, son rapport aux réseaux sociaux et aux médias, son vécu du confinement et son actualité musicale.

« Je suis mon inspiration, et je la suis qu’on aime ou qu’on n’aime pas ce que je fais »

Ses parents écoutent beaucoup de musique au quotidien. Mais, le vrai « choc musical », c’est à huit ou neuf ans qu’elle l’a. Elle fait partie d’un club hippique, et se souvient que « pendant les séances d’équitation, on mettait la musique à fond », notamment Les Beatles. « Il s’est passé un truc mais vraiment super fort ». C’est à partir de ce moment précis que se noue son intérêt pour les mélodies. Elle poursuit, ainsi, son chemin en découvrant des chanteurs-compositeurs ou des groupes tels que Led Zeppelin.
Puis, sa sensibilité pour les mélodies s’accompagne naturellement de l’apprentissage d’un instrument. Son choix se porte sur la guitare. A quatorze ans, elle entend Keziah Jones… c’est une révélation. Elle prend, alors, des cours pendant un an avec un professeur et continue, elle-même, « en écoutant… en retrouvant à l’oreille des morceaux d’artistes ».
Ses influences sont multiples. Elle écoute Nina Simone, Ella Fitzgerald, Manu Solo… et affirme aimer tous les univers musicaux: « J’ai écouté pleins de musiques différentes, du classique à la musique africaine en passant par le jazz ou le reggae ».

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Tomboy lab

La musique prime sur le texte

Pour Pauline Croze, il s’agit avant tout de faire de la musique: « Le texte n’est pas secondaire, mais ce qui me fait me relever la nuit ce sont les mélodies. C’est écouter une mélodie ou en composer une ». Pourtant, elle compose et coécrit. Autant elle reconnaît avoir moins d’aisance pour l’écriture, autant à contrario, pour trouver une mélodie « c’est beaucoup plus fluide ». C’est la raison pour laquelle elle tire tout bénéfice à travailler avec des coauteurs. Ces derniers prennent le relais de ses idées: « Disons que j’ai besoin de la pulsion de la première idée… mais quand il s’agit de la développer, je suis moins à l’aise ».

L’exposition médiatique à la sortie de son premier album

En 2004, elle est nominée aux Victoires de la musique et son titre T’es beau connaît un franc succès sur les ondes. Elle revient sur cette période qui a été belle en terme de reconnaissance artistique et d’épanouissement. Cela lui a permis de faire pleins de concerts, de voyager, de rencontrer d’autres musiciens. La contrepartie, « c’est que j’étais exposée alors que je me sentais fragilisée ». Elle n’a, alors, pas forcément bien vécu le fait d’être médiatisée. D’autant plus que, sans parler de vulnérabilité, elle reconnaît être une personnalité assez secrète et réservée. « C’était un peu compliqué parce qu’il m’arrivait quelque chose de formidable et, en même temps, je n’en profitais pas vraiment à 100 % ». 

    

Les va et vient de l’inspiration, et la recherche de sensations

Suite à cet album, elle se souvient avoir eu du mal à écrire et à composer pendant un long moment. Elle n’avait plus vraiment cette urgence d’écrire, de composer et d’exprimer des choses. Cette panne d’inspiration est venue vraiment par vagues.  L’inspiration est fluctuante. Elle la compare à une histoire d’amour: « y’a des hauts et des bas… des moments où l’on a un peu besoin de se distancier… puis, après, ça recommence à nous manquer… la passion revient ». Car ce qui l’anime, à travers sa musique, c’est de provoquer des sensations: « Je cherche plutôt à ce que ça crée des sensations physiques avec un sentiment de légèreté ».

Bien s’entourer professionnellement

Une œuvre artistique ne se fait jamais seul. Si l’artiste est à l’origine du projet, l’entourage est, quant à lui, très important. Il participe à la faire exister afin qu’elle touche vraiment les gens. Elle prend l’exemple du manager: « avoir un bon manager, c’est se reposer sur une personne qui connaît les exigences et qui ne trahira pas l’artiste dans ses choix artistiques, de carrière ou de collaboration ».

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Julie Trannoy

Parfois, elle a dû se séparer de son entourage professionnel. Il s’agit d’être avant tout « en phase », de trouver « la bonne rencontre tout simplement » et de « partager une même vision artistique ». Si cela n’est pas partagé, on perd du temps et on s’égare tout simplement. C’est ainsi qu’au fil de sa carrière, Pauline Croze s’est attachée à rester au plus près de ses choix au gré de ses envies.

La création de son label Vilmamusica

Même si elle se sentait un peu « protégée », elle se rappelle ne pas toujours avoir été satisfaite des relations entretenues avec les personnes intervenant sur un projet: « Auparavant, je ne pouvais pas forcément les choisir et comprendre leurs motivations pour travailler sur le projet ».

L’idée cheminant… c’est ce qui l’a conduit , il y a quatre ans, à créer son propre label. Désormais, elle peut choisir les personnes avec lesquelles elle a la possibilité de travailler. Et surtout, elle est en relation directe avec le réalisateur ou le photographe, par exemple, pour  gérer les choses par elle-même: « C’est très important parce qu’à force d’échanger, ça me permet d’affiner mon projet et d’en parler… cela me nourrit, même si c’est plus dense et un peu plus lourd à porter en terme de décisions ». Cette autre casquette de productrice est complémentaire à son travail d’artiste, et ça lui plaît… « je suis encore en train d’apprendre». 

L’expérience d’un financement participatif

Elle a, également, connu l’expérience du financement participatif qui lui a permis de sortir le titre T’es partout.  Elle avait, alors, besoin d’un coup de pouce.

Cette chanson, dédiée à sa maman, était très importante pour elle. Elle ne pouvait pas clore la vie de son album Ne rien faire sans mettre en image cette chanson: « Il fallait absolument qu’elle vive en audio et en vidéo ».

Elle a, ainsi, fédéré les gens autour de ce projet, et cela l’a beaucoup « soutenue pour continuer à aller de l’avant ».

Être à côté de la plaque… ou pas

Dans ce titre Tu es partout, justement, elle raconte qu’elle disait souvent à sa maman qu’elle se sentait à côté de la plaque. « C’est véridique, ma maman m’a répondu qu’il n’y avait pas de plaque… Et que, même en se trompant, finalement on était quand même soi-même ». Cela nourrissait le fait de réajuster la trajectoire.

Se sent-elle toujours à côté de la plaque ? Aujourd’hui, elle se sent plus en phase avec elle-même: « Je suis mon inspiration, et je la suis qu’on aime ou qu’on n’aime pas ce que je fais »     

Rester en contact avec son public

Mais, alors, pouvons-nous tomber à côté de la plaque avec les réseaux sociaux… ?

Pauline Croze reste, professionnellement, active sur les réseaux sociaux. Ces derniers sont « assez salvateurs », parce qu’ils tiennent informé le public sur l’actualité de l’artiste. Ils permettent, également, le partage d’instants musicaux. Tout seul avec une guitare ou un piano, il peut être proposé instantanément un morceau. Elle y voit une « forme d’autonomie ». Une autonomie à laquelle s’ajoute une « vraie complémentarité » avec les autres médias traditionnels.

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Julie Trannoy

L’importance de préserver son intimité…

C’est surtout ce qu’on met sur les réseaux sociaux qui est important. Pour sa part, son utilisation des réseaux sociaux lui convient tant qu’elle « contrôle ce qu’elle y met et que cela ne concerne que la musique ».

Pour autant, elle confie ne pas en être passionnée non plus. Se décrivant comme assez réservée et assez secrète, elle pense arriver, petit à petit, à trouver sa façon de communiquer et à son rythme.   Elle insiste sur l’idée que « c’est à l’outil de s’adapter à nous et non pas, à nous de nous adapter à l’outil ».

Sa réaction face aux critiques sur les réseaux

Les critiques positives et constructives la confortent, évidemment, dans son travail. Mais, comment réagir face à celles plus sévères ? Elle reconnaît que c’est compliqué et que, parfois, il lui arrive d’y répondre. Alors, elle essaie de resituer le point de départ de la chanson pour que la personne comprenne son intention et sa pulsion d’écriture originelles. Par contre, si elle perçoit de l’entêtement ou une impossibilité à échanger, elle y met fin: « J’arrête parce qu’à un moment donné c’est stérile, (…) et il vaut mieux éviter d’échauffer les réseaux ». Après, chacun pense ce qu’il veut.

Un rapport aux réseaux tout en nuances. Comme pour beaucoup d’artistes, durant la période de confinement, ils lui ont permis de maintenir le lien avec son public afin de le tenir informé.

Mais, qu’en est-il de son actualité justement ?

Son actualité musicale impactée par le confinement

Le mois de mars 2020 sera marqué par le début du confinement afin de ralentir la progression de la pandémie du Covid-19. Toute activité, notamment artistique, s’arrête brusquement. Tout doit se réorganiser.

Pauline Croze travaille, alors, sur de nouveaux morceaux dont la pré-production, « c’est à dire les arrangements, les bouts de voix en studio… », avait déjà été réalisée au préalable.

Fraîchement déménagée, c’est alors depuis son grenier qu’elle enregistre des passages de voix, de refrains, mais aussi la guitare définitive. Elle a appris à aborder un peu la technique, de manière amateur: « une technique pour les nuls ». C’est la première fois qu’elle devait faire de vraies prises de voix définitives. En studio, c’est l’ingénieur du son qui met tout en place.

Au final, elle se déclare plutôt satisfaite d’avoir traversé ce confinement en aboutissant des morceaux. Elle a, ainsi, pu en terminer quatre durant cette période en faisant les voix, les guitares, les chœurs. Au niveau de l’équipe, « chacun de son côté envoyait des fichiers au mixeur qui, lui, mixait tout seul dans son studio… chacun a avancé dans son coin ».

Elle rappelle que ce sont des étapes qui se vivent, normalement, à plusieurs (directeur artistique, mixeur…) et que ces conditions étaient inhabituelles. D’ailleurs, elle rapporte que les aléas techniques ne l’ont pas épargnée. Au déconfinement, il lui a été nécessaire de remettre les instruments de musique au point. Aussi, lorsqu’elle « a mis la tête dehors », c’est chez son luthier qu’elle s’est rendue.

Album et tournée différés en 2021

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Capture d'écran du clip Kim

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Tout a dû se réorganiser et continue de l’être. Il s’agit, notamment, d’organiser la suite des morceaux en fonction de la disponibilité des professionnels: « les personnes de l’équipe qui étaient prises pour certains projets… maintenant, retournent sur ces projets… donc sont occupées ailleurs ».

Dans tous les cas, ces quatre titres enregistrés pendant le confinement, dont Kim et Le Monde,  vont  permettre de présenter son nouveau projet jusqu’à la fin de l’année… le temps que les choses se remettent en place. L’album n’est pas encore fini, mais elle souhaitait avoir de la matière à faire écouter à son public afin de lui faire connaître ses nouvelles inspirations, ses nouveaux thèmes.

L’album viendra, mais plus tard… Il sortira soit en début 2021, soit en fin 2021. Effectivement, souvent un album s’accompagne d’une série de concerts dans l’enchaînement de sa sortie. Avec ce contexte un peu délicat, il faut raisonner différemment.

Premier titre pour nous faire patienter jusqu’à la sortie de l’album: Kim

Il sort ce 14 mai. L’idée part, tout simplement, de l’été dernier. Les médias, alors, n’arrêtent pas de relayer le projet de Samjiyon de Kim Jong-un. Et peu à peu, elle s’est mise à imaginer une histoire d’amour, un peu décalée finalement, dans laquelle sa peur de ce personnage se transforme en une fascination, en une sorte d’obsession amoureuse.

Elle reconnaît volontiers des morceaux habituellement très « premier degré ». Avec Kim, elle  explore un ton un peu absurde et se fait plaisir: « J’ai réussi à tout simplement ne pas me censurer et suivre mon inspiration, ma pulsion d’écriture jusqu’au bout ». Dans cette histoire, la jeune femme est amoureuse d’un personnage complètement grotesque, délirant et tyrannique. Mais, elle se l’est autorisée: «J’avais envie d’explorer ça ».

Il n’y aura pas de suite à cette histoire avec Kim. Ce single, avec ce ton décalé, sera à part dans l’album à venir.

Les autres morceaux reviennent sur des thèmes plus « premier degré » et exposent plutôt une sorte d’opinion sur la société. Il y a, par exemple, un thème sur les phobies. Il aborde l’idée que nous sommes de plus en plus poussés aux extrêmes, c’est à dire que soit on adore quelque chose soit on la rejette. Le nom de la chanson s’appelle Phobe. C’est vraiment sur ce qui nous horripile et nous rebute, ou sur ce qu’on adore. Elle nous convainc en précisant que « l’on n’arrive plus à trouver de nuances et de juste milieu ».

Deuxième titre sorti en ce début d’été: Le monde

Finalement, après cette interview, le deuxième single sorti le 3 juillet 2020 sera Le monde.

Il est placé sous le signe de la générosité et de la sensualité. Comme le rapporte l’un des commentaires sur les réseaux: « Pauline Croze, avec son grain de voix et de malice, son chant nous enlace souvent corps et âme ».

Pauline Croze a hâte de retrouver la scène: « je suis très impatiente, parce que j’adore y être ». Son public aussi. En attendant, il suit son actualité et continue de s’évader à l’écoute de ses  albums et de ses récents singles.

… Et à titre personnel, elle est une des artistes qui m’accompagne et me ressource dans mes besoins d’évasion. Alors, je ne peux que vous inviter à explorer son univers, son intelligence et sa sensibilité.

Initiation au podcast par la création d'un flash info

Plongée dans la rédaction de Ouest-France du Maine-et-Loire avec Benoît Guérin

De nature curieuse, j'ai choisi de devenir contributrice au sein de Fragil pour les rencontres et l'écriture. La musique, les initiatives et les récits de vie sont, pour le moment, mes domaines de prédilection.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017