16 octobre 2018

Nouveau à Nantes : Le Soudan Bazar

Les Soudanais, on en entend beaucoup parler en ce moment en lien avec le camp de migrants installé l'été dernier au Square Daviais. C'est un fait : ils constituent une communauté plus importante qu'avant à Nantes. Mais que connaît-on vraiment de leur culture ? La gastronomie est un bon moyen pour commencer à s'y intéresser. Zoom sur une nouvelle adresse : le 2 rue Jean Jaurès.

Nouveau à Nantes : Le Soudan Bazar

16 Oct 2018

Les Soudanais, on en entend beaucoup parler en ce moment en lien avec le camp de migrants installé l'été dernier au Square Daviais. C'est un fait : ils constituent une communauté plus importante qu'avant à Nantes. Mais que connaît-on vraiment de leur culture ? La gastronomie est un bon moyen pour commencer à s'y intéresser. Zoom sur une nouvelle adresse : le 2 rue Jean Jaurès.

Une épicerie, le Soudan Bazar, a ouvert au printemps dans le centre-ville. Un peu vegan, un chouïa hallal, on y trouve tout plein de produits naturels du monde (dont du café épicé délicieux et introuvable ailleurs).

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Alexandra Girard

Mutassim, le gérant de 26 ans, qui compte agrandir sa boutique prochainement en louant le local attenant, s’adresse à ses compatriotes, qu’il estime à environ un millier dans le coin, mais aussi aux Somaliens, Yéménites, Érythréens de Nantes en quête de denrées compensant le mal du pays. Et pas que. Il compte également sur la curiosité des gens de tous horizons…

Ce n’est pas lui qui a choisi Nantes, « c’est la guerre ».

Quand je lui demande de me raconter son histoire et pourquoi il a choisi Nantes, Mutassim Adam Mohamed, regard franc et voix douce, me reprend : ce n’est pas lui qui a choisi Nantes, « c’est la guerre ». Originaire de Geneina, capitale administrative du Darfour occidental, il m’explique qu’il y a là-bas une ségrégation entre Noirs (étymologiquement, Soudan tire son nom de la locution arabe bilad assoudan, le « pays des Noirs ») et Arabes (qui composent 70% de la population, et qui sont au pouvoir). Ex-colonie britannique, on parle officiellement anglais et arabe, dans ce pays musulman où la douceur de vivre n’est pas de mise, et depuis un temps. Le père de Mutassim s’est fait tuer, son oncle aussi. Rester, c’était y passer à coup sûr.

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Alexandra Girard

Saveurs d’ailleurs

Ouvrir un commerce dans une ville de province en France a été une question de survie. Y parvenir n’a pas dû être simple mais Mutassim ne s’étendra pas sur le sujet. Sourire aux lèvres, il me montre fièrement ses sachets d’épices, de falafels, d’ « okra » (variété de gombos), « molokhia » surgelée (variété d’épinards) et puis un ingrédient méconnu, l’ « abré », spécialité soudanaise, sorte d’écorce à préparer en décoction pour faire un jus « spécial ramadan » , qu’il m’offre pour que je le goûte.

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Alexandra Girard

Son père lui avait appris qu’il fallait « pratiquer des prix bas pour attirer de nombreux clients »

De la gomme arabique (le Soudan en est le 1er producteur mondial), du sirop de dattes, du jus de bissap prêt à boire (produit à Angers!), des feuilles de vigne en boîte, de l’encens traditionnel, des jujubes en sachet à consommer en snack apéritif ou digestif, du manioc frais, des haricots tropicaux importés d’Angleterre et qu’il vend peu cher, parce que son père lui avait appris qu’il fallait « pratiquer des prix bas pour attirer de nombreux clients ».  Voilà, entre autres choses, ce que l’on peut trouver dans ce joyeux bazar. Les locavores trouveront peut-être à y redire mais le soleil brille pour tout le monde.

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Alexandra Girard

Quand il n’est pas dans sa boutique, ouverte 7 jours sur 7, Mutassim étudie l’informatique à l’université. Il dit que plus tard, proposer un service de plats soudanais à emporter n’est pas une mauvaise idée. On est d’accord.

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Journaliste/correctrice/traductrice/blogueuse/heureuse maman, je redécouvre Nantes à travers le regard de mon fils né en Afrique, après avoir passé 3 ans à Londres à officier sur des fashion websites, puis 9 ans à Casablanca à œuvrer dans la presse généraliste aux rubriques mode, tendances, culture, lifestyle... Je me suis reconvertie dans la presse de proximité depuis...

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017