12 juin 2025

« Ne pas se résigner » : Esther, militante nantaise, rapatriée de la Marche pour Gaza

Ce 12 juin, Esther Le Cordier devait partir pour une marche vers Rafah depuis le Caire auprès de 54 délégations internationales, mais a été rapatriée en France immédiatement. Ayant débuté son militantisme dans des luttes locales, elle a décidé de visibiliser cette action sur les réseaux sociaux pour exhorter la jeunesse à ne pas se résigner.

« Ne pas se résigner » : Esther, militante nantaise, rapatriée de la Marche pour Gaza

12 Juin 2025

Ce 12 juin, Esther Le Cordier devait partir pour une marche vers Rafah depuis le Caire auprès de 54 délégations internationales, mais a été rapatriée en France immédiatement. Ayant débuté son militantisme dans des luttes locales, elle a décidé de visibiliser cette action sur les réseaux sociaux pour exhorter la jeunesse à ne pas se résigner.

« Au début, je me suis dit ‘Je n’y vais pas, c’est trop dangereux’. Mais au fil des jours, je n’en dormais plus » : Le 12 juin, avec 54 délégations internationales, Esther devait partir pour la bande de Gaza. Mais, ayant été immédiatement interceptée au Caire, elle a été détenue puis rapatriée d’office en France.

Pourtant, malgré cela et quelques jours après l’arrestation dans les eaux internationales des militant·es de la Freedom Flotilla, les autres militant·es de la « Marche pour Gaza » encore sur place vont tout de même tenter d’aller sur place dès le lendemain. L’objectif : « tenter de faire rentrer de l’aide humanitaire » et « demander un cessez-le-feu immédiat ».

Ce n’était pas la première fois que la militante de 21 ans s’engageait sur le terrain. Depuis ses 17 ans, elle a décidé « d’adapter l’entièreté de son temps pour changer le monde » au travers des luttes écologistes, sociales et internationalistes.

Se battant « pour l’autodétermination des peuples », elle n’hésite pas à visibiliser ses actions sur ses réseaux sociaux pour exhorter les jeunes à se mobiliser. Et si, depuis plus d’un an, sa lutte va au-delà des sphères nantaises, pour celle qui vit actuellement sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, il y a des liens à faire sur tous les sujets : « Ça n’a aucun sens de faire des luttes internationalistes si on n’est pas ancrés nous aussi sur un territoire ».

« Pour l’autonomie des peuples », du local à l’international

Avec le mouvement pour le climat comme « porte d’entrée » dans le militantisme, elle explique avoir « commencé à Nantes, avec des luttes locales » qui ont évoluées au fur et à mesure. « Quand on se politise au sein du mouvement, on se rend compte qu’on ne peut pas dissocier les questions écologistes et sociales », affirme-t-elle.

Depuis plus d’un an, elle a donc pris « un tournant plus internationaliste ». « Partout dans le monde, on lutte contre des ennemis communs à tous les peuples […]. Ça ne s’arrête pas aux frontières », revendique celle qui est aussi allée au Kurdistan il y a quelques mois. Comparant le capitalisme à un poulpe, elle sourit : « Il y a des bras à couper sur plein de sujets ! » .

Engagée tout particulièrement auprès « des peuples qui se battent pour garder leurs terres et leur autodétermination », la cause palestinienne touchait donc forcément cette résidente de la ZAD de NDDL, s’estimant « hyper connectée à son territoire tout en l’étant aux luttes partout dans le monde ».

 

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La mobilisation citoyenne comme réponse à l’inaction gouvernementale

Ayant souvent été dans les rues pour défendre la cause palestinienne, Esther regrette l’inaction gouvernementale en réponse à ces mobilisations : « On n’a pas le temps de laisser les choses se faire face à un Etat colonial qui met en place un génocide ». C’est pourquoi elle est partie pour cette marche pacifiste du Caire vers Rafah (ville du sud de la bande de Gaza, ndlr.), avec un départ finalement reporté au 13 juin. Désormais rapatriée en France, elle soutiendra tout de même à distance cette « initiative internationale », avec pour but de « montrer que tout le monde a les yeux rivés sur ce qu’il se passe en Palestine, dans la bande de Gaza ».

L’objectif, pour les militant·es toujours sur place, sera de « réussir à faire rentrer de l’aide humanitaire » dans cette « prison à ciel ouvert » soumis à un blocus depuis plusieurs mois. Il sera aussi demandé un cessez-le-feu immédiat, ainsi que des requêtes « plus au long terme », comme « la reconnaissance du peuple palestinien ». Consciente que les délégations « n’arriveront pas forcément à obtenir tout ça au bout d’une marche », elle espère néanmoins « faire une pression populaire ».

« On ne peut pas juste faire des manifestations en France et attendre que le gouvernement agisse »

Pourtant, avant d’aller à Gaza, Esther et ses camarades ont essayé de faire porter leurs voix localement : « Pendant des mois on a fait des manifestations, et la seule chose qu’on s’est prise en retour, c’est de la répression », déplore-t-elle en citant la menace de dissolution du collectif Urgence Palestine.

Et même si des discussions européennes ont récemment eu lieu, Esther constate que « les sanctions économiques ne sont toujours pas mises en place » sur l’Etat d’Israël. « Comme on n’arrive pas à faire pression sur les gouvernements, on choisit la mobilisation citoyenne comme autre voie pour agir », affirme-t-elle.

Entre la famine et le blocus alimentaire mis en place par Israël, aller sur le terrain est alors devenu une évidence pour elle : « On ne peut pas juste faire des manifestations en France et attendre que le gouvernement agisse ».

Se visibiliser pour obtenir du soutien

Cependant, même avant de partir, Esther restait consciente des dangers que représentait son expédition : « Que ce soient les menaces sur la Freedom Flotilla ou les bateaux humanitaires partis d’Europe qui s’étaient fait tirer dessus, j’ai l’impression qu’ils sont prêts à tout ». Malgré tout, elle a décidé de visibiliser le début de la marche puis son rapatriement via ses réseaux sociaux, où elle cumule presque 3000 abonné·es.

Pour elle, prendre parole publiquement permet « mettre en place un suivi populaire de la mobilisation et que le message se diffuse ». La résonance de l’action est primordiale « pour que des institutions fassent pression pour pas que Israël [leur] tire dessus ».

A l’échelle de sa communauté, la but d’Esther est également de « montrer que c’est important de ne pas rester dans l’inaction ». Suivie notamment par des jeunes, elle veut pousser ces générations à ne pas se résigner dans toutes les luttes : « Il faut qu’on y aille ». Et si elle reconnaît que « ça peut être dangereux », elle rappelle que « si on ne se bat pas, on aura moins de chances de gagner ».

Elle insiste d’ailleurs sur le fait que, même sans elle, les groupes ont encore « besoin de soutien », y compris virtuel. A l’instar d’autres délégations, Esther avait d’ailleurs lancé une cagnotte personnelle, notamment « pour les frais d’avocats et les transports ». Mais « le plus important », précise-t-elle, est de suivre le compte @globalmarchtogaza, dans le cas où des appels à l’aide ou d’autres rapatriements sont faits.

Informations complémentaires

Volontaire en service civique cette année à Fragil, Enora est passionnée de littérature, d'histoire, de cinéma... Son objectif est de devenir journaliste culturelle !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017