20 novembre 2025

Les Vagabondes : « Aller au plus près des gens, chez eux-mêmes »

L'exposition « Les Vagabondes » déplace l’art là où il se fait rare. Actuellement visible à l'école des Beaux-Arts de Nantes Saint-Nazaire, les œuvres circuleront ensuite dans les communes rurales et les EHPAD de Loire-Atlantique. Le dispositif permettra aux habitant·es éloigné·es d’accéder directement à la culture et d’échanger avec les artistes.

Les Vagabondes : « Aller au plus près des gens, chez eux-mêmes »

20 Nov 2025

L'exposition « Les Vagabondes » déplace l’art là où il se fait rare. Actuellement visible à l'école des Beaux-Arts de Nantes Saint-Nazaire, les œuvres circuleront ensuite dans les communes rurales et les EHPAD de Loire-Atlantique. Le dispositif permettra aux habitant·es éloigné·es d’accéder directement à la culture et d’échanger avec les artistes.

“On se disait qu’il y avait un public empêché et que l’on n’avait pas vraiment encore touché.” Maï Tran, responsable de l’artothèque et de la communication à l’École des beaux-arts de Nantes Saint-Nazaire, inaugurait le 11 novembre 2025 l’exposition “Les Vagabondes”. Intégrée au programme “Artothèques et ruralités”, cette initiative vise à diffuser des œuvres dans les milieux ruraux et au sein de plusieurs EHPAD du département.

Cette démarche entend aller vers les plus éloigné·es de la culture, en créant un contact direct entre les publics et les œuvres d’art contemporain. Elle s’appuie sur les dernières acquisitions en 2025 du musée de l’école, destinées à être diffusées pendant trois années dans des communes de moins de 5 000 habitant·es. “Les Vagabondes” et son vernissage marquent ainsi le lancement, en dialogue avec une autre exposition, “La vie sera mille fois plus belle” de l’artiste Anna Picco, illustrant l’action culturelle du département, complémentaire pour les actions de l’artothèque.

Meg Boury, artiste, performeuse et plasticienne. Maï Tran, responsable de l’artothèque. Posant devant une photographie de l’artiste lors du vernissage des Vagabondes. 12/11/25 ©JosuéTexier

Une structure pensée pour circuler

Maï Tran présente l’artothèque comme un lieu de démocratisation qui est né de l’idée d’aller vers tous les publics : « Comme une bibliothèque, on vient ici pour emprunter une œuvre. Depuis 1986, a été proposé pour un certain nombre de collectivités, d’associations, de musées, d’écoles, l’initiative de développer des collections d’art contemporain. En 2010, l’artothèque a rejoint l’école d’art, un cas unique en France.”

Maï distingue en l’espace de 40 ans une évolution notable : “Ça s’est beaucoup ouvert, on a une grande liberté surtout dans le fait de soutenir la production d’artistes locaux, d’acheter au gré des thématiques, par exemple pour une collection dédiée à la photographie. Les contraintes étaient « petit format », « centrées et multiples » pour pouvoir se déplacer auprès des habitants.”

C’est dans cette volonté d’aller vers le public que l’artothèque des beaux-arts a réfléchi à mieux comprendre sa surface d’influence. Être plus mobile et mieux entouré·e, selon Maï : “On lance des appels à candidature auprès des diplômés de l’école, ce qu’on appelle les alumnis. On a aussi des dons et subventions, des commandes publiques du CNAP (Centre National des Arts Plastiques). Après, on va dans tous les lieux associés de Loire-Atlantique et on diffuse ces œuvres.”

Modules mobiles, nomades, pouvant accueillir une dizaine d’œuvres encadrées, ainsi que des petits volumes. 12/11/25 ©JosuéTexier

Des œuvres qui se promènent

Maï continue : “Notre projet avec les Vagabondes, c’est d’aller emmener des mobiliers, des nomades dans une dizaine d’EHPAD (Frossay, Paimboeuf, Vieillevigne, La Chapelle-des-Marais, Derval). On a travaillé avec tous les animateurs, connectés au personnel soignant et ses résidents, qui vont choisir les thématiques, les productions. Ce projet était d’ailleurs conçu au début vers les espaces départementaux des solidarités.”

« Ce projet en ruralité est pour nous le summum du public écarté »

La ruralité et les endroits écartés de l’effervescence artistique sont donc devenus pour cette artothèque une figure attentive : “Ce projet en ruralité est pour nous le summum du public écarté. Non seulement les gens sont loin, mais en plus ils n’ont pas la possibilité, par leurs conditions, de se déplacer. Il y avait aussi toute cette question autour de la mémoire, ces personnes âgées vont voir des œuvres, qui vont les questionner, peut-être les toucher, se souvenir du passé.”

Modules mobiles, nomades, pouvant accueillir une dizaine d’œuvres encadrées, ainsi que des petits volumes. 12/11/25 ©JosuéTexier

Le regard d’une artiste issue du rural

Pour certain·es artistes, ce projet fait écho à leur propre trajectoire. Meg Boury, artiste, performeuse et plasticienne, diplômée de l’école depuis 2019, évoque son rapport à ce programme dont l’une de ses œuvres fait partie : “Je viens plutôt d’un milieu rural, tout le long de mon parcours scolaire j’ai eu la chance d’avoir des enseignements très investis. La preuve, je suis devenue artiste, ça a forgé mon parcours et le fait qu’on facilite aussi l’accès à l’art en envoyant des œuvres, c’est quelque chose qui me touche.”

Elle continue en évoquant ses créations : “Une partie de mon travail parle plus particulièrement de la question de l’agriculture. D’une certaine image qui peut être un peu folklorique ou de carte postale. Ça m’intéresse de questionner ces choses-là, de voir comment cette réflexion peut être reçue ailleurs, entre urbanisme et ruralité.”

Vers une présence durable

Maï conclut avec plusieurs souhaits en ce projet : “J’aimerais que les gens prennent conscience que l’art peut être à leurs portées. C’est l’art qui va chez les gens et finalement que tu sois en EHPAD ou dans une métropole, tu peux avoir une œuvre chez toi et changer tous les mois.”

Infos utiles de l’exposition :

  • Du 14 novembre au 13 décembre
  • Mercredi à samedi : 14h – 18h
  • École des beaux-arts de Nantes Saint-Nazaire (showroom)
  • 2 allée Frida-Kahlo, 44263 Nantes
  • Entrée gratuite

Josué grandit entre La Roche-sur-Yon et Rennes. Amateur d’arts, il se reconnaît surtout dans la musique et la littérature. Diplômé d’une licence en information et communication, il s’engage pendant ses études dans le journalisme, écrivant pour divers médias bretons. Aujourd’hui impliqué au sein de Fragil, il explore avec un regard neuf les récits sociaux et culturels de Nantes. Car, s'il n’y a pas de hasard, notre journaliste se tient prêt à ne manquer aucun rendez‑vous.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017