30 octobre 2025

Les Restos du Coeur : une exposition pour « montrer que la situation s’aggrave »

Pour les quarante bougies des Restos du cœur, une exposition se tient cette année à travers cinq villes de France. Le département de Loire-Atlantique nous propose, durant six semaines, une série de clichés inédits réalisés par l’Agence France-Presse (AFP). L’occasion de revenir en images sur une précarité qui ne cesse de s’accroître à Nantes comme ailleurs en France.

Les Restos du Coeur : une exposition pour « montrer que la situation s’aggrave »

30 Oct 2025

Pour les quarante bougies des Restos du cœur, une exposition se tient cette année à travers cinq villes de France. Le département de Loire-Atlantique nous propose, durant six semaines, une série de clichés inédits réalisés par l’Agence France-Presse (AFP). L’occasion de revenir en images sur une précarité qui ne cesse de s’accroître à Nantes comme ailleurs en France.

Gérard Marchand, membre de l’association depuis 2013, est bénévole des Restos du Coeur. Chargé de développer les événements au sein des trente-quatre centres de la région, ce jeune retraité est fier de nous présenter L’histoire d’un pauvre.  L’exposition, réalisée grâce aux archives de l’AFP, dresse un portrait de la France des années 1980. Des images saisissantes en noir et blanc révèlent portraits, bidonvilles et manifestations.
Divisée en trois parties, le porteur de l’exposition explique : « Dans un premier temps, nous voulions montrer la précarité des travailleurs de l’époque, puis, en seconde partie, “la petite idée” de Coluche et les images de la première distribution de repas. » Touché, il évoque et montre du doigt les photos qu’il préfère : « Je trouve que cela montre bien la joie et l’âme des Restos du cœur». La photographie présente Coluche, le célèbre humoriste et fondateur de l’association et des Enfoirés,  aux bras de deux clowns. À la fin de notre visite, à la troisième séquence — dans le silence des années vécues —, face à nous, une série de portraits d’aujourd’hui met en scène les « nouveaux pauvres ». M. Marchand conclut : « On y retrouve la même émotion dans les regards : la tristesse d’aujourd’hui et celle d’hier sont les mêmes ».

Photo AFP, manifestation de décembre 1985, Marline Hervé

 

Une instabilité qui dure

Proposée à l’échelle nationale, cette exposition est l’occasion de rappeler l’impact de la précarité sur les Français. Marielle Eudes, directrice photo et co-commissaire de la galerie photo de l’AFP à Paris, déclare dans un communiqué de presse : « Cela souligne que la situation n’a guère changé, qu’elle s’est même accentuée et presque banalisée. »
Cet anniversaire marque la continuité d’une initiative qui perdure. L’association, qui se voulait temporaire, recense en 2024 la distribution de 171 millions de repas, soit vingt fois plus qu’en 1985. À Nantes, le nombre de bénévoles s’élève aujourd’hui à 2 200, contre 60 au commencement.
Jean-Claude, volontaire depuis trente-deux ans, présent à l’Hôtel du département, témoigne : « C’est pour mettre en lumière les quarante années passées et montrer que la situation s’aggrave, que nous avons besoin de plus ». Les discussions s’entremêlent et s’impatientent face au manque de subventions. Le représentant de l’événement constate, démuni : « Les besoins augmentent considérablement et les moyens sont revus à la baisse… Mais ça, c’est politique ».

Du soutien pour les associations

Malgré un contexte de crise économique et de restrictions budgétaires nationales, les associations luttent. Organisations et collectifs s’alarment et rappellent le devoir de tous en appelant aux dons et à l’engagement de chacun. Le chargé de communication du département explique — en aparté — avoir ciblé un public scolaire afin de sensibiliser les jeunes adultes de demain : « Nous espérons responsabiliser collégiens et étudiants », confie M. Marchand. Publié en janvier 2025 par Nantes Métropole, le chargé de recherche au CNRS, Édouard Gardella, assure :« Même si la pauvreté augmente, notre société développée tend vers plus d’altruisme (…). Aujourd’hui, nous voulons toutes et tous aider. Ne baissons pas les bras. »

Infos utiles

Exposition : « C’est l’histoire d’un pauvre… Les Restos du Cœur 1985-1989 »

Du 13 octobre au 22 novembre 2025

Du lundi au samedi, de 10h à 18h (fermé le 1er et le 11 novembre)

À l’Hôtel du Département de Loire-Atlantique, 3 quai Ceineray à Nantes

Gratuit

En 2025, Marline s’engage aux côtés de Fragil. C'est le média nantais incontournable avec lequel elle partage ses valeurs d’ouverture, d’inclusion et de solidarité. Née à Nantes, elle porte la ville dans son cœur depuis toujours. Grâce à son rôle de rédactrice bénévole, elle espère faire entendre les voix trop souvent oubliées.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017