• Soeurs et réfugiées ukrainiennes
30 janvier 2023

Les jeunes Ukrainien·nes très volontaires pour s’intégrer dans la métropole nantaise

Près de 4 000 Ukrainien·nes ont fui la guerre pour venir dans la région des Pays de la Loire. Fragil a rencontré la jeune association VOLYA qui s’est créée l’été dernier pour venir en aide au peuple ukrainien. Grâce à ses membres, nous avons pu échanger avec de jeunes réfugiées arrivées en mars 2022 et les bénévoles qui soutiennent l’action.

Les jeunes Ukrainien·nes très volontaires pour s’intégrer dans la métropole nantaise

30 Jan 2023

Près de 4 000 Ukrainien·nes ont fui la guerre pour venir dans la région des Pays de la Loire. Fragil a rencontré la jeune association VOLYA qui s’est créée l’été dernier pour venir en aide au peuple ukrainien. Grâce à ses membres, nous avons pu échanger avec de jeunes réfugiées arrivées en mars 2022 et les bénévoles qui soutiennent l’action.

Cet article est la 1ère partie d’une série : « Ukrainien·nes : faire face en attendant la paix »

Nataliya et Youcef, deux des bénévoles fondateur·rices de VOLYA ont donné rendez-vous à Fragil dans les locaux de la Maison de l’Europe le 17 décembre. Leur association VOLYA – ВОЛЯ est née de la rencontre à Nantes d’une dizaine de bénévoles français·es et ukrainien·nes décidé·es à mener une action humanitaire depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022.
Son objet, principalement humanitaire, est d’aider les déplacé·es ayant fui la guerre et accueilli·es en Loire Atlantique ainsi que les Ukrainien·nes n’ayant pas pu ou voulu quitter leur pays en affrétant des camions en lien avec des ONG locales.
Alors qu’iels expliquent leur implication et comment iels en sont venu·es à créer leur propre structure associative, le cours de Français Langue Étrangère s’achève dans une salle attenante. C’est l’occasion d’une première rencontre avec les réfugié·es ukrainien·nes arrivé·es sur notre territoire depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Yulia et Olga sont sœurs. Elles viennent de terminer leur cours de français et acceptent de nous éclairer sur leur parcours : depuis leur départ d’Ukraine fin février jusqu’à ce jour. Nataliya nous sert d’interprète.

Parties de Kiev, Yulia et Olga mettent 8 jours pour rejoindre Nantes

Elles sont parties de Kiev, la capitale de l’Ukraine qui est fortement bombardée, le 2e jour de l’invasion. Tout est compliqué. Il faut aller très vite. D’abord parties à trois en voiture, elles font le trajet vers la Pologne avec huit personnes et deux chats ! Le but est de sauver sa vie, mais pas question de laisser son animal familier.

Elles prennent ensuite un bus et chacun·e ne peut emporter qu’un petit sac à dos. Arrivées en Pologne, elles achètent des billets d’avion pour aller jusqu’à Paris. Puis de Paris, prennent le train jusqu’à Nantes. Il leur a fallu plus d’une semaine pour arriver jusqu’ici dont trente-trois heures d’attente dans le bus pour traverser la frontière entre l’Ukraine et la Pologne du fait de l’afflux de réfugié·es.

Elles n’arrivent pas par hasard à Nantes. L’été avant la guerre, elles ont rencontré Antoine et sympathisé avec ce Français. Dès que l’invasion débute, il prend de leurs nouvelles et voyant que ça ne va pas, il leur propose de venir à Nantes dans la maison de sa mère, Françoise, où il ne vit plus. Françoise les accueille très chaleureusement. Elle est professeure et parle anglais ce qui facilite les échanges pour ces réfugiées qui ne parlent pas le français.

Les deux sœurs retrouvent un foyer chez Françoise et désormais, elles l’appellent « Maman ».

Une autonomie retrouvée

Toutes deux ont déjà retrouvé une pleine autonomie.

D’abord économique, en retravaillant. Pour celle qui venait de terminer son contrat en Ukraine avec une entreprise. Cette même entreprise, disposant d’un bureau à Paris, a pu la réembaucher et lui a permis de travailler à distance à Nantes.

La situation est différente pour sa sœur. C’est son entreprise qui a organisé le trajet en bus, mais elle ne dispose pas de filiale ici. Alors elle a fait la demande du statut d’auto-entrepreneur. Elle se fait aider par l’association Singa, spécialisée dans l’intégration des personnes réfugiées et migrantes, qui la conseille pour toutes les étapes de la création d’entreprise y compris les documents administratifs. Le plus compliqué s’avère d’ouvrir un compte bancaire car il faut ouvrir un compte spécial pour les auto-entrepreneurs avec une partie relative aux impôts de l’année précédente qui ne peut pas s’appliquer aux Ukrainien·nes. Après avoir réussi cette dernière étape, elle démarre son business dès le mois de janvier 2023. Elle continue ainsi à travailler pour son entreprise ukrainienne, tout en s’acquittant des impôts et contributions sociales en France.

Le plus difficile a été la quête du logement. Pour cinquante annonces sur un gros site d’annonces en ligne, elles n’ont que trois retours. Elles sont confrontées à la difficulté de trouver un garant et même si Françoise est volontaire pour les soutenir, on lui rétorque qu’il y a un problème de plafond de garantie. Les banques françaises ne sont pas plus aidantes bien qu’elles aient viré leur argent sur leur compte. C’est finalement grâce aux relations humaines nouées avec une famille qui partait au Canada que l’issue positive se profile. Françoise, le maillon clé, a assuré la traduction lors de la visite des lieux. Les échanges permettent de nouer un vrai contact humain, avec une compréhension mutuelle. Le résultat est fructueux : une location signée et des échanges qui continuent avec la famille partie au Canada, notamment des photos de la maison, du jardin et des animaux !

Un accueil très cordial et chaleureux

Les sœurs trouvent qu’elles ont beaucoup de chance. Par ailleurs, ça se passe très bien. Tout le monde est très prévenant : il y a des échanges, elles sont invitées partout et trouvent les portes ouvertes. Elles se sentent bienvenues.

Françoise, qui a assuré leur premier accueil, a trois enfants. Antoine est en Arménie, son autre fils est au Canada et sa fille est à Paris. Iels viennent pendant les vacances d’hiver pour fêter Noël ensemble. Yulia et Olga ont récupéré dans la semaine un colis d’Ukraine qui contient des cadeaux pour toute la famille. Elles ont une seconde maman dont les enfants sont comme des cousins ! Ensemble, iels forment une nouvelle famille.

C’est très important ces liens qui se créent avec les Français·es.

Besoin de compréhension

Olga et Yulia formulent une requête : le besoin de compréhension par la société et les citoyen·nes français·es.

En effet, elles rencontrent dans leur quotidien des personnes qui aiment la culture russe et qui le manifestent. Elles ressentent cela très douloureusement. Les Français·es ne pensent pas à mal en disant cela, mais les Ukrainien·nes voient leurs théâtres détruits et leurs artistes disparaître sous les bombes. Iels aimeraient qu’on mette la culture russe entre parenthèses tant que la guerre durera et que l’Ukraine subira les attaques russes.
Elles précisent « la Russie  »belligérante » s’en prend à l’Ukraine, à la population ukrainienne et également à la culture spécifique de leur peuple ».

Certain·es s’arrogent le droit de leur dire « Qu’est-ce qu’elle vous a fait la culture russe ? En quoi ça vous dérange ? ». En fait, c’est douloureux et compliqué à vivre, et les réfugié·es ukrainien·nes souhaiteraient plus de discussions dans les sociétés civiles pour que les interlocuteur·rices ne se braquent pas en affirmant que la culture russe n’a rien à voir avec ce qui se passe. Celles et ceux qui ont tout perdu en fuyant l’Ukraine se sentent blessé·es que l’on puisse promouvoir la culture russe en ce moment.

Par exemple, voir les affiches des ballets russes, ça les blesse et ça leur donne le sentiment que cela efface la guerre et que le peuple ukrainien n’est pas entendu. « Pour la culture, on oublie tout, on se voile la face. Il faut que les artistes ou les sportifs russes puissent comprendre que ça ne va pas ce qui se passe aujourd’hui. Ce n’est pas possible une guerre décidée et menée comme cela. Donc si les Français semblent penser qu’un spectacle russe ce n’est pas grave. C’est comme s’ils émettaient le message que cette guerre ne les concernait pas. Alors qu’il faut peser de tout son poids sur le gouvernement pour faire comprendre qu’il faut arrêter ce massacre.»

Répartition des réfugiés ukrainiens en Europe - Cartographie par Camille Bressange

Répartition des réfugiés ukrainiens en Europe – Cartographie par Camille Bressange

L’importance de l’intégration

En France, plus de 80 000 Ukrainiens et Ukrainiennes ont obtenu une protection temporaire, selon les données d’ Eurostat (addition du nombre mensuel de protections accordées de mars à novembre). Parmi ceux-ci, 4 000 réfugié·es environ sont arrivé·es dans la région selon la Préfecture. L’intégration concerne une majorité de femmes avec leurs enfants puisque les hommes entre 18 et 60 ans sont majoritairement restés mobilisés sur place. Si le travail ou le logement facilite l’intégration, les échanges avec les Français·es comptent tout autant.

Nataliya de VOLYA explique que « c’est bénéfique pour les Ukrainiens de sortir. Lorsqu’ils restent entre eux, ils partagent le même chagrin et en viennent à souffrir de dépression car ils évoquent une vie qu’ils ne retrouveront jamais. »

C’est la raison pour laquelle l’association VOLYA promeut l’idée d’organiser plus de sorties ensemble avec les Français·es. Elle précise :

« Toutes les propositions seront les bienvenues ! ».

Depuis l’exil des Ukrainien·nes fin février, à Nantes la Manufacture sert de centre d’accueil des ressortissant·es venu·es d’Ukraine Dans un 1er temps, La Manufacture transformée en lieu de répit et de premier accueil, est dédiée au logement. Toutefois selon VOLYA, “la Manufacture gérée par la Ville de Nantes n’est pas suffisamment en lien avec les associations”. Ce qui n’assure pas facilement une ouverture à ces derniers. VOLYA souhaiterait davantage de communication, d‘échanges avec tout le monde.

La frange de la population des réfugié·es la plus fragilisée sur Nantes et dans la région, ce sont les retraité·es et les personnes âgées car elles ont tendance à s’isoler dans leur chambre, quand bien même elles seraient dans des familles d’accueil. La barrière de la langue, le traumatisme de la guerre sans doute vécu intensément et la peur de l’inconnu ne contribuent pas à faciliter la situation.

Bastien, cofondateur de VOLYA et bénévole responsable de la logistique, a rencontré les sœurs lorsqu’elles sont venues aider à faire la collecte de nourriture et de produits de première nécessité. Une complicité s’est nouée entre eux. Ces liens qui se tissent au quotidien participent à l’intégration des réfugié·es.

Question intégration, les sœurs concluent ainsi : « On ne va pas être juste les pauvres Ukrainiens qu’il faut aider. Il faut pouvoir faire quelque chose d’important à notre tour et contribuer à la société. C’est à notre tour d’aider les gens. »

Nataliya, fervente bénévole de l’association VOLYA à la Maison de L’Europe

L’association VOLYA vous propose de participer aux actions de solidarité avec le peuple ukrainien

Onze mois après le début de la guerre, certain·es Ukrainien·nes ont préféré repartir dans leur pays, d’autres sont resté·es dans la région.

Des besoins et des attentes se font jour pour l’ensemble du peuple ukrainien où qu’il se trouve, souligne Nataliya. Elle met en avant l’Opération hiver énergie organisée en ce moment.
Il s’agit de collecter pour l’Ukraine :

  • Aide alimentaire riche en protéines pour affronter l’hiver
  • Vêtements thermiques
  • Purificateurs d’eau
  • Groupes électrogènes même usagés  ou cassés
  • Cartons pour les envois

L’association a également besoin de bénévoles, notamment pour la logistique, les tâches administratives, la communication sur les réseaux sociaux, l’enseignement du français langue étrangère (FLE), la traduction, l’accompagnement et l’organisation ponctuelle d’événements culturels.

Les bénévoles présent·es mettent l’accent sur le manque de professeur·es de FLE pour enseigner le français aux Ukrainien·nes, notamment celles et ceux qui travaillent et qui souhaiteraient assister à des cours du soir.
Nous en reparlerons avec Dan dans le prochain article consacré aux bénévoles de l’association.

Vous y retrouverez le portrait des principaux bénévoles et vous y découvrirez les nombreuses actions qu’ils ont entreprises depuis 2022.


Site web : https://www.helloasso.com/associations/association-franco-ukrainienne-volya

Autres sites : https://linktr.ee/volya_asso

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Nantaise de cœur, Caroline sillonne la ville entre concerts et spectacles. Ses autres domaines de prédilection : l'art contemporain, les arts graphiques et le cinéma ! Elle partage avec plaisir ses coups de cœur culturels.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017