14 novembre 2022

Le Festival des 3 continents à Nantes, un regard unique et puissant sur le monde

Pour sa 44ème édition qui démarre le 18 novembre au Théâtre Graslin, le Festival des 3 continents nous ouvre, une fois de plus, une fenêtre sur l’Asie, l’Afrique et l’Amérique du sud avec un cinéma inconnu des grands distributeurs. Un regard construit, poétique, loin du discours dominant. Avec 90 films sélectionnés, 10 en compétition, et des rétrospectives à ne pas rater, Jérôme Baron, le directeur artistique du festival, nous livre ses pépites, hors compétition.

Le Festival des 3 continents à Nantes, un regard unique et puissant sur le monde

14 Nov 2022

Pour sa 44ème édition qui démarre le 18 novembre au Théâtre Graslin, le Festival des 3 continents nous ouvre, une fois de plus, une fenêtre sur l’Asie, l’Afrique et l’Amérique du sud avec un cinéma inconnu des grands distributeurs. Un regard construit, poétique, loin du discours dominant. Avec 90 films sélectionnés, 10 en compétition, et des rétrospectives à ne pas rater, Jérôme Baron, le directeur artistique du festival, nous livre ses pépites, hors compétition.

Aller voir un film au Festival des 3 Continents, c’est s’ouvrir l’esprit sur un monde méconnu, découvrir des histoires pleines de sens, voir des visages inhabituels, écouter des langues étrangères. Un choc culturel qui change notre regard sur les autres. Jérôme Baron, l’actuel directeur artistique, qui dirige aussi le Cinématographe à Nantes, en a fait l’expérience dès l’âge de 15 ans.

«C’était une expérience déterminante» confesse-t-il dans une interview accordée à Fragil. «J’ai élargi mes horizons cinématographiques en regardant ces histoires intimes, profondes, terribles. Ce cinéma d’auteur m’a donné une vue précise sur le monde avec un discours articulé, réfléchi, sensible. Tous ces témoignages ont changé mon rapport au monde et ont donné de l’épaisseur à la réalité».

90 films en 10 jours dont 10 en compétition

Pour sélectionner les 90 films qui seront présentés du 18 au 27 novembre à Nantes au Katorza, au Concorde, à Bonne Garde au Cinématographe mais aussi à l’Eden 3 d’Ancenis, au Gén’eric d’Héric, à l’Atlantique de La Turballe, au Jacques Tati de Saint-Nazaire, au Connétable de Clisson, au Lutétia de Saint Herblain, Jérôme Baron a visionné 1300 films. Autant dire que le tri a été sévère. Voici ses recommandations si vous ne pouvez pas tous allés les regarder.

Rewind and play à Trempo

Parmi les 10 séances spéciales, il y en a une à ne manquer sous aucun prétexte, selon lui : Rewind and play mercredi 23 novembre à Trempo (entrée libre). Il s’agit d’un portrait de Théolonious Monk revisité par Alain Gomis. Le réalisateur a monté des rushes inédits d’une interview que le célèbre pianiste avait accordé en 1969. Le montage brosse un portrait tout en finesse.

Les «OVNIs» indiens

Quant aux rétrospectives, elles livrent des trésors cinématographiques. Celles consacrées à l’automne indien recèle notamment «deux OVNI» , deux films «étonnants, politiques, poétiques, satyriques» au dire de Jérôme Baron. Celui de Sanjiv Shah :Hun Hunshi Hunshilal et le «cultissime» Om dar-b-dar de Kamal Swaroop.

Kore-Eda, invité à la cérémonie de remise des prix

La rétrospective du japonais Hirokazu Kore-Eda offre un regard «lucide, tendre mais sans excès sentimental» sur son pays. Pour Jérome Baron, Kore-Eda est «plus qu’un cinéaste de la famille». «Il explore de façon unique le cœur du Japon». Avoir rassemblé ses 20 films montre à quel point «ils viennent s’enrichir les uns les autres». Le réalisateur japonais viendra les présenter le dernier week-end du festival et sera l’invité d’honneur de la soirée de clotûre à Stéréolux le dimanche 27 novembre. Film recommandé : Lessons from a calf.

Chez Mike de Leon, tout est bon

L’œuvre de Mike de Leon est présentée dans son intégralité. C’est une première mondiale. Pour Jérôme Baron, il faut tout aller voir car le réalisateur philippin est «un génie de la plastique et de la forme». Il n’a pas son pareil pour questionner la jeunesse. Quelle est son destin ? Son identité culturelle ? Est-elle condamnée à la misère sociale voire morale ?
Perrone, un cinéaste à part

Enfin la rétrospective consacrée à l’argentin Raùl Perrone, le franc-tireur d’Itizaingo, est un condensé de sa production originale. En 30 ans, Raùl Perrone a réalisé 60 films sans quitter son village d’Ituzaingo, à 100 km de Buenos Aires. Sa particularité : il a embarqué dans son aventure cinématographique tous les habitant·es.

Présentation du programme lors de la conférence de presse du 3 novembre 2022

Le festival, un tremplin pour ce cinéma indépendant

Le Festival des 3 continents donne aussi à de jeunes cinéastes débutant·es la possibilité de réaliser leur premier film grâce à l’atelier Produire au Sud. 6 binômes sélectionnés parmi 100 candidatures seront accompagnés pendant ces 10 jours pour écrire le scénario, concevoir la mise en scène et trouver un producteur.

En plus de 40 ans d’existence, le festival né à Nantes a acquis une notoriété internationale. Il a révélé des cinéastes qui ont ensuite brillé dans des festivals plus prestigieux.

«Les 3 continents sont devenus l’antichambre du Festival de Cannes» reconnaît Jérôme Baron. «Si je sélectionne un film indonésien par exemple, j’ouvre des portes à son réalisateur. Il sera présenté à Cannes, Venise ou Berlin».
Bref, le festival des 3 continents ne change pas que le regard des nantais·es sur le monde. Il transforme aussi le destin de ces films créatifs et indépendants des grands circuits commerciaux.

Cali revient à Nantes le 17 novembre. Il sera seul sur scène avec une guitare, invité par la Bouche d’Air.

À Orvault, Fragil a accompagné des ados à créer leur média sur Instagram

Quand on a été journaliste pendant plus de 30 ans à France 3, que l'on s'est enrichi de belles rencontres et de découvertes, on a envie de continuer à partager sa curiosité et son ouverture d'esprit avec d'autres. En travaillant bénévolement à Fragil, on peut continuer à se cultiver en toute liberté. Ca donne du sens à un retraité devenu journaliste honoraire.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017