22 octobre 2018

Le Dieu du carnage a fait trembler les murs du Cyclope

La pièce de Yasmina Reza, le Dieu du carnage, s’est invitée le week-end du 20 octobre au théâtre du Cyclope, rue du Maréchal Joffre à Nantes, pour trois représentations exceptionnelles où mensonge contre vérité et politesse contre violence se sont joyeusement affrontés.

Le Dieu du carnage a fait trembler les murs du Cyclope

22 Oct 2018

La pièce de Yasmina Reza, le Dieu du carnage, s’est invitée le week-end du 20 octobre au théâtre du Cyclope, rue du Maréchal Joffre à Nantes, pour trois représentations exceptionnelles où mensonge contre vérité et politesse contre violence se sont joyeusement affrontés.

La pièce publiée en 2007 et dont un film a été réalisé par Roman Polanski en 2011, nous plonge dans l’intimité d’un huit clos où deux couples se rencontrent pour la première fois suite à la bagarre de leurs fils. La bienveillance et sympathie du début de l’échange vont vite laisser place à l’agressivité et l’animosité entre les personnages laissant le spectateur comme interdit face à cette escalade.

Pari réussi pour la troupe amateur du Cyclope et Thimotée Godineau-Le Roy qui signe là sa toute première mise en scène. Rencontre.

A trois heures avant la deuxième représentation, je retrouve Timothée heureux et détendu. La première s’est bien déroulée et la troupe se sent soulagée du retour plus que positif du public de la veille.

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De gauche à droite: Anaïs Sendoa, Frédéric Touffe, Bruno Thomas, Gwenhaëlle Seillé-Sulmont

Karina Bordier

Le making of

« J’ai proposé la pièce aux comédiens qui ont tout de suite accroché »

Après deux lectures, Thimotée a proposé « le Dieu du carnage » aux comédiens qui, à l’unanimité, ont adhéré au projet.

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Maxime Pauvert

Le travail de préparation de la pièce s’est fait sur un an et en équipe. Thimotée m’explique qu’il a une vision très précise de la manière dont il veut raconter et amener l’histoire, vision qu’il partage avec ses comédiens qui eux ont apporté des propositions quant aux jeu et comiques de situations. La troupe s’est également entourée de Benoit Niederberger pour la musique et de Roméo Lasne pour les lumières.

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Karina Bordier

La mise en scène n’est inspirée ni par celle de la pièce de Yasmina Reza ni par le film de Polanski. « On a fait un choix de supprimer toutes les didascalies du texte de l’auteur pour le réécrire entièrement », des flottements du texte original ont été supprimés ou retravaillés autrement. Des scènes relevant « plutôt de l’absurde » y ont aussi été intégrées.

La première

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Maxime Pauvert

« Que le spectateur ne puisse plus supporter ces quatre personnages »

Metteur en scène et comédiens sont heureux de leur première représentation. « La première est conforme à l’objectif qu’on s’était fixé pour une première ». Cependant ils souhaitent emmener la pièce vers « quelque de chose de bien plus tendu avec un crescendo dans la tension, la colère et la haine des personnages bien plus fort ». Le but avoué est de retirer toute humanité aux personnages au fur et à mesure de la pièce et qu’à la fin ils soient perçus par le spectateur comme « des monstres ».

« Les adultes en niant l’enfance finissent par s’entretuer comme des animaux »

Pour Thimotée, le message de la pièce, symbolisé par le décor avec notamment l’aquarium vide et le jeu des acteurs, est de « garder notre part d’enfance » pour ne pas finir comme les quatre personnages. Au cours de la pièce, le vernis social qui protégeait et représentait chacun, craque et se fissure.

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Karina Bordier

« Ce qu’on voit sur le plateau c’est une cour de récréation avec les mêmes violences »

Ces adultes redeviennent de véritables enfants se chamaillant, s’humiliant les uns et les autres sans aucune pitié. Cette violence physique et verbale entre les personnages provoque alors un certain malaise chez le spectateur. Ceci est tout à fait assumé par Thimotée qui souhaite nous bousculer « dans nos idées installées » et nous permette de nous interroger sur ces personnages qui sont peut-être un peu nous dans la vie.

Une suite à l’histoire ?

A la fin de la pièce, les personnages partent chacun leur tour et laisse le spectateur avec ses interrogations et doutes quant à l’avenir des protagonistes de l’histoire.
On pourrait alors imaginer une suite, un Carnage 2 ?, « pourquoi pas ? » me répond amusé Thimotée.

Thimotée Godineau-Le Roy
06 58 53 49 35

Le journalisme pour partager et informer sur la musique, le théâtre et la culture en général.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017